La Pologne ne tournera pas le dos aux gays
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Virginie WojtkowskiLa dernière blague polonaise à la mode raconte l’histoire d’un père qui ne tournera pas le dos à son fils gay … de peur d’en devenir la victime. Ce discours de haine est ancré dans toutes les strates de la population au-dessus de la Vistule, et dans presque tous les domaines de la vie publique.
De la religion …
Le 13 avril, sur la version internet de l’hebdomadaire Goscia Niedzielnego (« L’invité du dimanche »), l’un des magazines catholiques les plus réputés, un article a publié les propos du père Dariusz Oko, professeur à l'Université pontificale de Cracovie et co-auteur de la publication Dieu aime les homosexuels. Le clergé aurait-il enfin une opinion positive des gays et des lesbiennes ?
Malheureusement, le discours du père Oko nous fournit finalement des conclusions opposées. Selon les conférenciers de Cracovie, le lobby gay prend du pouvoir dans le monde entier, tout comme l’ont fait avant eux les bolcheviks et la bande d’Hitler. Le père Oko indique également que 40% des pédophiles sont homosexuels. Un bon moyen de détourner le problème de la pédophilie dans les églises en diminuant le rôle des prêtres dans ce crime.
L’opinion du père Oko est très populaire parmi la population conservatrice polonaise. L’homosexualité a toujours été un tabou, les Polonais avaient peur des différences sexuelles et cachaient soigneusement leur orientation sexuelle. Ce modèle social a contribué au fait que la société polonaise contemporaine voit dans l’homosexualité quelque chose de mauvais, dégénéré et perverti. Les synonymes des mots gay et lesbienne sont, eux, toujours emprunt de vulgarité.
Dans ce contexte, les propos de Szymon Holowni, présentateur avec Wojciech Cejrowskim – voyageur, publiciste et (comme il aime se décrire lui-même) militant de la société chrétienne – du programme « La Cité de Dieu » sur la chaine Religia TV, valent aussi le détour. Leur discussion est un excellent exemple de l’instrumentalisation de la religion et de la sexualité dans le débat public, tout en montrant le langage volontiers moqueur de leur discussion.
… à la politique
La récente entrée au Sénat polonais du Mouvement Palikot devait amener du changement dans la vie politique et faire sérieusement avancer le débat sur les droits des gays et des lesbiennes. Comme l’a écrit, en février, The Guardian, l’eurodéputée polonaise Anna Grodzka pourrait entrer dans l’histoire en devenant la première politicienne transsexuelle à occuper l’un des postes les plus élevés du pays. Mais il faut noter qu’au lieu de considérer Grodzka sérieusement, en lui confiant des responsabilités en accord avec ses compétences et son expérience politique, on instrumentalise sa personne. On ne voit en elle qu’une personne transsexuelle à côté de qui on montre son extrême tolérance. Quant aux opposants, ils n’opposent pas d’allégations sérieuses à l’autorité de Grodzka mais se contentent de blagues vulgaires sur son physique et l’identité de son genre. Ils parlent souvent de Grodzka en évoquant son ancienne masculinité et en utilisant le nom qu’elle portait avant l’opération. Au lieu d'un débat sérieux, nous nous trouvons face à une énième moquerie. Battre l’air n’a pas élevé le débat de fond et la révision du Code civil pour la légalisation des unions civiles est restée au point mort.
Quelle homophobie ?
« Les sodomites ont été et seront, et il ne s'agit pas de se battre contre eux. Il s’agit (…) de dire NON à la promotion de l’anormalité détestable comme une fierté »
La majorité des Polonais estiment que l’intolérance et l’homophobie est un problème artificiel, exagéré et attisé par les intéressés. Dans une discussion sur les minorités sexuelles sur le célèbre portail onet.pl, un utilisateur signant du nom « personne raisonnable » nie l’existence d’une quelconque homophobie. Permettez-moi d’en citer un passage : « (…) qui, où et quand se bat le gay ? Et qu’est ce qu’on entend par là : se battre. Personne ne se bat. Si vous n’acceptez pas leur comportement, si vous n’êtes pas d’accord avec leurs unions civils ou mariages, leurs défilés et la promotion obscène dans les rues, si leur comportement est appelé péché ou déviation (…) – ça n’a rien à voir avec la lutte contre l'homosexualité. Les sodomites ont été et seront, et il ne s'agit pas de se battre contre eux. Il s’agit (…) de dire NON à la promotion de l’anormalité détestable comme une fierté (…). L'invention du terme "homophobie" est la plus grosse erreur, voire même une moquerie, car l’homo lui-même sait qu’une telle chose n’existe pas et que c’est une invention de la propagande destinée à se placer dans une sorte de "spotlight" (…). La "loi " qu’ils réclament, ils peuvent l’obtenir d’un notaire, la légalisation des relations, par définition instable, est superflu. La Pologne a besoin comme de l’air d’une famille procréatrice traditionnelle (…). Respectons les pédérastes, mais appelons ce qui est mauvais par le mal ».
Bien sûr, la peur de l'inversion des proportions et du fanatisme politique est compréhensible. Il convient de se rappeler de cet incident, il y a quelques semaines, à Paris : plusieurs personnes ont été verbalisées pour avoir publiquement porté un sweat-shirt avec le logo de la Manif pour tous. Mais jusqu'à ce que nous apprenions à ne pas juger les gens pour leur sexualité, leur façon de s'habiller ou la couleur de leur peau, il y aura des cas d’extrême intolérance, comme celui décrit ci-dessus. Voir l’être humain dans la personne qui est assise à côté de soin devrait être la première étape sur la voie de la normalité.
Photos : (cc) Yogurinha Borova; Texte : (cc) Trois Têtes (TT); (cc) kevin dooley/Flickr
Translated from Polska nie odwróci się do geja plecami