La PAC, une politique bien acceptée par la Pologne malgré de nombreuses difficultés
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Les 20 jours que nous venons de passer en Pologne ont été enrichis de nombreuses rencontres agricoles qui nous ont montré différents points de vue sur la PAC. Le temps du bilan est venu : la politique européenne est-elle adaptée aux besoins des agriculteurs polonais ?
L’agriculture polonaise tend à être plus performante…
Un reportage diffusé récemment sur France 24 fait éloge de la situation actuelle des agriculteurs polonais. Ils profitent désormais de leur intégration dans l’UE pour moderniser leurs exploitations et sont plus compétitifs sur le marché européen. Une jeune éleveuse de porcs de 26 ans des environs de Varsovie et bénéficiant des aides de la PAC affirme qu’il y a eu depuis l'adhésion à l'UE un incroyable changement de mentalités chez les fermiers polonais. Certains refusent encore le changement et ne veulent pas investir, mais beaucoup plus nombreux sont ceux qui emploient toute l'énergie à développer leurs fermes grâce aux fonds européens. Le président de la Chambre d’Agriculture polonaise, Wiktor Szmulewicz, affirme ainsi que « L'image d'un paysan polonais qui laboure son champ avec un cheval, visible peut-être encore sur quelques flancs de montagne isolés, appartient tout de même au passé. L'immense majorité des fermes en Pologne ont atteint le niveau européen ».
La plupart des agriculteurs polonais reconnait en effet que les aides européennes auxquelles ils ont accès pour moderniser leur exploitation sont bénéfiques. Nous avons d’ailleurs pu voir du matériel agricole moderne dans toutes les exploitations que nous avons visitées. Cela leur permet d’optimiser leur travail et améliore leurs conditions de vie. Les aides européennes permettent également de créer des partenariats, notamment entre la France et la Pologne, pour améliorer la formation des agriculteurs et de leurs institutions (par exemple les chambres d’agriculture). Un éleveur de porcs interviewé nous racontait d’ailleurs son expérience bénéfique avec des agriculteurs bretons.
Cette vision positive est néanmoins tâchée de critiques. L’agriculture polonaise s’est modernisée mais les coûts de production augmentent et les lois du marché sont de plus en plus rudes. Ainsi, la situation des agriculteurs polonais ne s’est pas améliorée de manière significative depuis l’adhésion de leur pays à l’Union européenne.
…Mais une agriculture plus modeste est mise à part
La PAC a proposé plusieurs opportunités pour permettre aux agriculteurs de se moderniser. Pourtant, l’agriculture polonaise reste principalement caractérisée par des exploitations familiales et de petite taille, majoritairement vivrière. Il existe bien une agriculture à deux vitesses dans le pays. Lors de la préadhésion, l’UE a essayé de tenir compte de cette particularité en soutenant un développement rural, mais cela ne s’est pas vu sur le terrain.
Par ailleurs, il était difficile pour les agriculteurs modestes de bénéficier d’aides à l’investissement. Celles-ci ne représentent qu’une partie (même importante) de l’investissement total qui faut pour parvenir à se moderniser donc cela nécessite d’avoir des moyens financiers personnels conséquents. L’agriculture n’est pas assez sûre pour prendre des risques donc beaucoup d’agriculteurs sont freinés pour rendre leur agriculture plus performante par peur de tout perdre. Une partie non négligeable d’entre eux ne peut même pas se le permettre et ils sont souvent contraints d’abandonner leur métier car ils ne sont pas assez compétitifs. En Pologne, le nombre d’agriculteurs diminue et les exploitations s’agrandissent, ce qui révèle la volonté de développer une agriculture moderne et compétitive à l’image des pays fondateurs de l’Union européenne. En ne prenant pas suffisamment en compte son agriculture vivrière, la PAC risque de faire disparaître un atout incontestable : un acquis écologique en matière d’agriculture…
Des injustices se distinguent entre les pays membres
L’agriculture vivrière polonaise d’aujourd’hui est la conséquence d’un lourd passé communiste. Aujourd’hui beaucoup de polonais ont beaucoup de difficultés à se séparer de leur terre ce qui ralentit la formation de grandes exploitations. En effet, la population, touchée par le regroupement et la nationalisation des terres est marquée par la notion de propriété individuelle et privée. Ainsi les agriculteurs sont trop attachés à leurs terres pour les vendre et assument le métier d’agriculteur sans pouvoir en vivre. Cette tendance est bien ancrée dans la culture polonaise et l’UE doit forcément en tenir compte.
Par ailleurs, l’adhésion à l’UE a pu être parfois trop rapide dans un pays marqué par le communisme. En effet, des agriculteurs disent ne pas avoir eu le temps de se remettre des changements du régime agricole communiste avant de rentrer dans un système ultralibéral, ou du moins la PAC n’a pas favorisé une transition progressive.
En conséquence, des agriculteurs ne se sont pas sentis assez écoutés par rapport aux pays déjà membres. Aujourd’hui, un sentiment d’injustice perdure car les agriculteurs polonais ne comprennent pas le fait d’être moins soutenus que les anciens membres. En 2004, ils ne recevaient en effet que la moitié des sommes octroyées à leurs collègues. Ils nous ont également régulièrement répété que la France recevait beaucoup plus d’aides que la Pologne et ne comprennent pas cette inégalité au vue de l’importance de l’agriculture pour le pays.
Même si les difficultés sont nombreuses depuis l’entrée dans l’Union européenne, tous les agriculteurs que nous avons rencontrés ne sont pas opposés à leur appartenance à l’UE. Elle est de toute façon perçue comme étant plus fiable que le gouvernement polonais que certains caractérisent même de corrompu. Il n’en reste pas moins que l’entrée dans l’UE de la Pologne a augmenté la bureaucratie, créé des injustices et perturbé des relations privilégiées avec la Russie.
En conclusion, même si la Pologne est parfois vue comme un pays en retard en termes d’agriculture, certains pensent au contraire qu’elle est en avance. Elle possède en effet des atouts écologiques qui primeront à l’avenir et que la PAC devrait savoir mieux valoriser.