La musique finlandaise : succès au finnish
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Il arrive parfois que le milieu du business musical se comporte comme un être humain : en début d’année, il prend des résolutions. Le choix du festival Eurosonics de consacrer la scène musicale finlandaise cette année tient de cela mais a surtout le mérite de faire la lumière sur un pays et une industrie musicale que l’on connaît finalement si peu.
Depuis 16 ans maintenant, Groningue (Groningen en néerlandais) accueille le festival Eurosonics. A l’occasion d’un évènement qui a la prétention de se définir comme le plus grand rassemblement de showcases en Europe, le charme désuet de la ville - entre canal et pistes cyclables - s’affadit à mesure qu’une horde de groupes de musique, roadies, managers et autres journalistes viennent s’y intéressés au moins une fois dans l’année, dans les premières semaines de janvier.
La musique en Finlande, plus fort que Nokia ?
Au milieu d’un bordel de cablages, de barrières métalliques et d’algecos, se tient l’Oosterpoort, sorte de centre des congrès qui a la fière ambition de rameuter tout ce petit monde d’expatriés. Parmi les anxieux, les habitués et l’aimable mais beaucoup trop tactile intendant en charge de coordonner le tout, se tient un homme, impeccablement stoïque. Léger - presque aérien - l’homme serre des pinces, balance des clins d’œil et flotte littéralement sur le lino de la salle de presse.
« Nous n’avons plus besoin d’entrainer (sic) les gens pour que la musique dépasse nos frontières »
c est le directeur de Music Finland. Et s’il rayonne, c’est parce que cette année, les organisateurs des Eurosonics ont choisi de célébrer la Finlande comme « pays de l’année ». Distinction honorable pour quelqu’un dont le métier est de promouvoir la musique finlandaise et d’accroitre sa crédibilité à l’étranger. « J’adore les Eurosonics, c’est un super évènement qui permet de rassembler énormément de monde du business musical. Et quand autant de personnes potentiellement intéressées sont présentes, c’est toujours bien de montrer les richesses que l’on possède. » Tout bien apprêté dans son gilet Fred Perry, Tuomo parle comme un VRP. Une caractéristique assez logique quand on sait que le groupe qu’il représente est une association née de la collision entre Music Export Finland et le Finnish Music Information Center. Deux organisations qui à elles seules gèrent un catalogue de 14 000 groupes. Soit la quasi-totalité de la musique finlandaise contemporaine.
Les fondations sont coulées. Tuomo régale dans la séduction du gendre idéal et lâche dans un sourire bright que de toute façon son devoir ici, c’est « de représenter toute la scène musicale de Finlande. » Soyons raisonnables deux minutes, et gageons que le challenge sera maintenant de nous convaincre de la popularité de la chose. Car hormis l’electro d’auto-tamponneuse de Darude, bien malin qui saura dresser une liste de 3 groupes finlandais contemporains. Pourtant, dans la nébuleuse artistique des Eurosonics, les promoteurs du festival avaient bien décrit « une explosion de la scène finlandaise » pour justifier leur choix de mettre le pays à l’honneur. Tuomo se redresse sur sa chaise : « Well, nous avons toujours eu une solide scène d’une grande variété musicale en Finlande. Le problème c’est qu’elle a toujours été domestique. Depuis 2005, nous avons beaucoup progressé et nous n’avons plus besoin d’entrainer (sic) les gens pour que la musique dépasse nos frontières. »
Des chiffres et des frettes
Comme dans tout business, les êtres les plus parlants sont souvent les chiffres. Dans le dernier rapport mis en ligne par Music Export Finland, datant de 2008, on constate que la valeur du marché de la musique finlandaise à l’exportation représente 23 324 241 euros. Pas mal, mais pas folichon non plus si l’on compare les chiffres à un pays comme la France qui pesait 134,9millions à l’export en 2009 (source : SNEP). Par contre, il est intéressant de constater que si l’on regroupe les pays nordiques (Islande, Danemark, Suède, Norvège et Finlande), la confédération représente tout de suite 18% du marché à l’export. Donc plus que le Benelux, que l’Amérique du Nord. Plus que l’Asie. Ce n’est pas un hasard si Music Export Finland travaille en étroite collaboration avec ses voisins sous l’égide de la NOMEX (Nordic music Export Program).
« C’est presque devenu mainstream de parler de la musique en Finlande aujourd’hui »
Cela dit, la valeur de la musique d’un pays ne s’apprécie pas forcément avec l’algèbre. Tuomo le sait, il est lui-même musicien. Ainsi, aux Eurosonics, l’ambassadeur de Music Finland est surtout là pour mettre en avant la qualité artistique des groupes finlandais. Pour en attester, pas moins de 17 groupes sont présents dans le line-up du festival. Parmi eux, French Films, modèle d’excellence de la nouvelle scène pop-rock finlandaise. Grâce au succès de leur premier album sorti en 2011, Imaginary Future, le groupe a remporté un EBBA Award qui récompense - à l’occasion d’une cérémonie qui ouvre les Eurosonics - les artistes émergents de 8 pays préalablement sélectionnés. Rencontré dans les coulisses de la fête, Johannes Leppänen, le leader du groupe, ne semblait absolument pas surpris des égards dont bénéficie son pays : « Quand la tendance cold-wave dans la pop indie a refait surface, pas mal de gens ont commencé à s’intéresser à notre pays. C’est presque devenu mainstream de parler de la musique en Finlande aujourd’hui. »
Carrément. Dans un post publié sur le site de Music Export Finland, la directrice – Paulina Ahokas – ne lésine pas non plus sur l’espoir. Pour elle, la musique sera ni plus ni moins ce qu’a été Nokia pour le pays. Tuomo acquiese : « Le potentiel est illimité. Regardez French Films, la première fois que je les ai vus j’ai dit "woh ça craint" et aujourd’hui je suis étonné de leur ascension. » Quant à savoir si vous écouterez de la musique finlandaise comme vous avez utilisé votre Nokia 33.10, rien n’est moins sûr.
Photos : Une (Don Johnson Big Band) @courtoisie de la page Facebook de Don Johnson Big Band, Texte : Tuomo Tähtinen © courtoisie de la page Facebook de Music Finland, French Films © courtoisie de la page Facebook de French Films Vidéo (cc) FrenchFilmsOfficial/YouTube