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La mécanique orange en panne

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Julien Hue

SociétéPolitique

La situation politique en Ukraine est à la croisée des chemins. Sous les yeux attentifs de Bruxelles, cette ancienne république soviétique a son mot à dire quant à l'approvisionnement énergétique de l'UE.

Ces deux derniers mois, un duel a secoué la scène politique ukrainienne. Les anciens rivaux de l’élection présidentielle de 2004, le Président Victor Iouchtchenko et son Premier ministre pro-russe, Victor Ianoukovitch, se sont livrés à une bataille acharnée avec le contrôle du Parlement en toile de fond.

Après avoir adopté des réformes renforçant le pouvoir législatif, Victor Iouchtchenko a dû affronter plusieurs scissions au sein de sa propre coalition Union nationale : plusieurs députés de son camp ont ainsi rejoint les rangs des partisans de Ianoukovitch. Autant d’éléments qui ont précipité sa décision de dissoudre l’assemblée le 2 avril dernier.

Le Président a annoncé en même temps la tenue d’élections législatives anticipées. Il a alors dévoilé, en filigrane, sa crainte de voir l’opposition atteindre le seuil des 300 sièges nécessaires pour faire obstacle au veto présidentiel et susceptible de déclencher le processus de destitution du chef de l’Etat.

Le parti de Ianoukovitch a ensuite refusé de se plier à la dissolution parlementaire, portant sa décision devant la Cour constitutionnelle. Les rôles se sont ainsi inversés. En l’espace de quelques jours, les contre-révolutionnaires de 2004 ont à leur tour battu le pavé.

Un automne bouillant

Pour le moment, la crispation semble avoir cédé le pas à une trêve provisoire. A la fin du mois de mai, le Président et le Premier ministre se sont accordés sur la tenue d’élections législatives le 30 septembre, retardant ainsi les dates initialement proposées par Iouchtchenko. Malgré le calme relatif qui règne en Ukraine, les prochains mois s’y annoncent mouvementés.

Depuis la Révolution orange, le pays est en effet au cœur du bras de fer feutré que la Russie poursuit depuis plusieurs années avec l’Occident. L'habituel discours simplificateur, largement relayé par les médias, présentant un Ouest pro-occidental opposé à un Est pro-russe, est dépassé. La réalité ukrainienne est incontestablement plus complexe et il ne fait aucun doute que la récente crise risque de diviser le pays. Encore plus.

Le 25 mai dernier, l’Union européenne exprimait par la voix de la commissaire aux Affaires étrangères, Benita Ferrero-Waldner, sa crainte de voir la situation politique se détériorer en Ukraine. Pour Bruxelles, soutenir la stabilité dans ce pays a plusieurs avantages.

Certes, le souci évident de prévenir le développement de foyers d’instabilité à ses frontières est une raison importante. En effet, quatre Etats membres de l’UE sont limitrophes de l’Ukraine. Mais un élément plus crucial encore pour l’Union réside dans la position géographique de l’Ukraine, principal pays de transit de l’approvisionnement énergétique en provenance de Russie.

Un enjeu loin d’être anodin lorsque l’on sait que l’UE importera les deux tiers de sa consommation énergétique d’ici 10 ans. La guerre des prix du gaz qui a opposé Kiev et Moscou au début de l’année 2006 avait déjà révélé l’importance stratégique de l’Ukraine pour les importations européennes.

Quand Gazprom a fermé le robinet du gaz vers Kiev, la Pologne et l’Allemagne, deux pays alimentés par le même gazoduc, ont vu leurs livraisons temporairement interrompues. L’UE reçoit un quart de son gaz depuis la Russie. De là, les signaux d’alarme qui résonnent dans de nombreuses capitales européennes n'étonneront personne.

Quel enjeu pour l’Europe ?

Toute éventualité de voir la Russie consolider son influence dans le pays fait frissonner les leaders de l’Union. Cela signifierait la main mise sur l’approvisionnement énergétique européen. Ces inquiétudes ont été encore renforcées après la conclusion, le 12 mai dernier, d’un accord entre Moscou, le Kazakhstan et le Turkménistan prévoyant la construction d’un nouveau gazoduc vers l’Europe. Ce projet met ainsi en échec le pari occidental d’une route à travers la Caspienne qui éviterait le transit du gaz centre-asiatique par le réseau russe.

En outre, la perte de terrain de Victor Iouchtchenko, pro-occidental, sur la scène politique ukrainienne intervient à un moment de méfiance aigüe à l’égard de Moscou. Le dernier sommet UE-Russie, les 17 et 18 mai à Samara, a mis en lumière la dégradation de la relation bilatérale, en particulier à travers l’appel de la Pologne et de l’Estonie au boycott de la rencontre, en réaction aux contentieux commerciaux et diplomatiques que ces deux Etats entretiennent avec le Kremlin.

Aux graves accusations de sabotage cybernétique formulées par Tallin à l’encontre de la Russie vient s’ajouter un préoccupant ballet d’accusations réciproques entre Moscou et Londres autour du cas de l’ancien espion Litvienenko.

De toute évidence, les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de l’Ukraine. La radicalisation de la position des deux camps pourrait dégénérer en un conflit. Il est probable qu'il débouche sur le démembrement du pays, notamment si la Russie et l’Occident choisissent de soutenir ouvertement l’un des camps. A Moscou, la rancoeur suite au soutien occidental à la ‘Révolution orange’ est encore perceptible.

Hors de question pour le Kremlin de voir un pays aussi stratégique adhérer à l’OTAN et à l’UE dans un futur proche. Les autorités de Bruxelles, conscientes de l’importance que revêt l’Ukraine en plein contexte d’éloignement avec Moscou, ambitionnent pour leur part de consolider la stabilité politique dans l’ex-République soviétique. En établissant de préférence un gouvernement favorable à leurs intérêts énergétiques.

Translated from Ucrania: la mecánica de la naranja no funciona