La machine à remonter le temps de l’Alliance Royale
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Nous continuons notre tour d’horizon des partis politiques iconoclastes en lice pour les élections européennes avec une noble formation venue tout droit des limbes de l’histoire.
Avant tout ruraliste et conservatrice, la liste de l’Alliance Royale menée dans la circonscription ouest par un dénommé Jean Pierre Chauvin (ça ne s’invente pas) vous propose de mettre à bas l’Union Européenne, son drapeau étoilé, sa technocratie aliénante et ses politiques supranationales destructrices. Mais nos amis royalistes sont également partisans, à l’échelle nationale, d’une suppression du principe de laïcité, et même du régime Républicain tout entier. Tant qu’on y est, pourquoi se priver, après tout.
Le programme de l’Alliance Royale pour les élections européennes de 2009 est donc relativement ambitieux, mais aussi complètement surréaliste, on vous le dit tout de suite. Mais c’est quand on a plus d’espoir qu’il ne faut désespérer de rien, comme disait Sénèque. Aussi, en tant qu’irréductibles défenseurs du pluralisme et du débat d’idée, Noway ! vous livre les grandes lignes du projet européen de Mr Chauvin.
N'ayons pas peur des paradoxes
Le premier axe de l’argumentaire de l’Alliance Royale, c’est l’établissement d’une nouvelle répartition des pouvoirs entre l’Europe et les Nations, dans une organisation souple qui remplacerait l’Union Européenne. Nos amis monarchistes sont en effet partisans d’une annulation des traités communautaires, mais ils ne rejettent pas pour autant l’idée d’une construction européenne. « La construction de l’Europe doit être d’abord et avant tout orientée vers la préservation des intérêts de la France », nous dit leur programme officiel.
Le ton est donné, et il va sans dire que ce n’est pas du Schuman dans le texte. On s’y attendait, mais il ya plus étrange : proposer la création d’une « Communauté des Etats Européens, disposant d’institutions spécifiques, destinées exclusivement à mener des politiques de coopération entre les Etats membres ». Première surprise : n’est-ce pas déjà le cas avec les institutions de l’Union ? Une réponse miracle est sensée être donnée plus loin dans le programme : cette nouvelle architecture empêcherait toute institution d’exercer une « coercition de droit sur les Etats membres, en dehors de traités librement et préalablement consentis par eux ». On n’y voit toujours pas clair, puisque les traités européens, de Rome à Nice, ont tous étés librement consentis par les Etats membres. A moins qu’un agent secret invisible dépêché par Bruxelles n’ait posé un pistolet sur la tempe des signataires, on ne voit pas trop ce que cette proposition essaye d’exprimer.
On échoue aussi à comprendre l’affirmation selon laquelle « nul Etat européen ne peut être contraint d’appliquer des directives ou des lois européennes sur son territoire s’il ne les a pas lui-même ratifiées » : rappelons qu’une directive est transposée (et donc ratifiée en substance) par les parlements nationaux exprimant la souveraineté inaliénable de la Nation, et que les parlementaires français de Strasbourg amendent et votent une large majorité des directives en amont.
Des racines très profondes
Passons sur cette conception assez floue du futur assemblage institutionnel européen, et venons-en au contenu des propositions. Nos lecteurs ne seront pas surpris d’apprendre que la liste royaliste défend une conception nationale et protectionniste de l’agriculture, de la pêche et de l’économie en général, préconisant la mise en place d’ « écluses douanières » pour barrer la route aux effets destructeurs de l’ouverture du commerce international, qui comme chacun sait, n’apporte aux peuples que misère, catastrophes et guerres. La coopération entre états européens doit de plus se limiter à trois axes : la « préférence communautaire » dans l’économie, la sécurité terrestre et maritime, et enfin la préservation du patrimoine naturel. Les Etats collaboreront librement entre eux, selon le principe de souveraineté. Pas beaucoup plus de détail, on n’en saura donc peu sur le contenu de ces projets.
Mais l’Alliance Royale a beaucoup d’autres propositions, bien plus radicales. Par exemple, le sujet des fameuses racines chrétiennes de l’Europe, qui seraient le véritable ciment de notre civilisation européenne (bien plus que les apports de la philosophie des Lumières, nous dit le programme), a une place de choix dans le projet. L’idée est d’établir clairement une hiérarchie entre les croyances dans le traité européen, en mettant en avant l’importance cruciale des valeurs véhiculées par les religions chrétiennes dans la vie publique. Et il y a urgence, puisque « c’est toute la culture occidentale qui se trouve menacée de déracinement, avec de graves conséquences sociétales dont les populations les moins favorisées sont en général les premières victimes : perte de repères pour les jeunes, perte du sens civique, réactions xénophobes, rupture entre le peuple et ses élites, etc. ».
On remarquera que la recrudescence des réactions xénophobes est donc mise texto sur les dos de l’abandon des références chrétiennes. Gonflé, me direz-vous, mais crucial, d’autant plus que « la France se trouve confrontée, comme la plupart des pays européens, à une autre menace, celle du fondamentalisme musulman, qui gagne du terrain à mesure que l’Europe refuse toute référence religieuse et oublie ses racines chrétiennes ». On tremble à l’évocation de « plus de trois cents zones de non droit, où les forces de police n’osent plus pénétrer, qui sont autant de fiefs islamistes d’où partent les violences de banlieue. » La très catholique couronne de France est alors aux yeux de l’Alliance Royale le seul moyen de rétablir l’ordre, la sécurité, et éviter toute dérive civique. On imagine déjà les troupes du roi sur leurs fidèles destriers partir en croisade à la Courneuve…
Mais quelle jeunesse !
Mais soyons sérieux, tout cela n’est qu’accessoire aux yeux de Mr Chauvin et de ses joyeux drilles. La priorité des priorités pour l’Alliance Royale, c’est de rétablir un principe allègrement bafoué par l’Europe des Lumières : l’ « Ordre Naturel ». C’est qu’ils sont fâchés avec la modernité, les royalistes. Ils déplorent en effet la propagation par l’Union Européenne d’une prétendue « culture de mort qui tue chaque année plusieurs centaines de milliers d’enfants à naître, qui dénature le mariage, qui ruine l’autorité, en particulier celle des pères, qui collectivise l’éducation contre l’autorité parentale, qui affaiblit les familles, qui nivelle l’école, qui mine le sentiment patriotique, qui érode le sens du devoir, qui incite les jeunes à assouvir leurs pulsions sans contraintes, qui banalise les mœurs déviantes, qui rejette - voire tue - les handicapés et les vieillards, qui laisse prospérer la manipulation génétique, tout cela au nom de l’hédonisme et du relativisme ». Et bing. Les homos et les mères filles n’ont qu’ bien se tenir, de même que les masturbateurs et masturbatrices pratiquants (que l’on salue au passage), l’école républicaine, les femmes un peu trop émancipées, etc.
On vous épargnera ici les passages sur la nouvelle organisation étatique dans une monarchie ressuscitée, qui constituent un joli florilège d’aberrations et de contorsions constitutionnelles. Mais on soulignera tout de même, à l’instar du site de l’Alliance Royale qui se fait le relais d’un sondage BVA datant de 2007, que 17% des français verraient bien la fonction de chef d’état assurée par un roi. Le mouvement royaliste jouit donc théoriquement d’un espace politique conséquent, si l’on en croit ces chiffres. Mais toujours est-il qu’il va falloir trouver un souverain digne de ce nom, parce qu’on voit mal Louis de Bourbon, l’héritier légitime de la couronne de France, clamer son du en cas de victoire. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, Louis XX ne passe pas son temps à chasser en Anjou en attendant que la République morde la poussière. Ce financier franco-espagnol, marié à une vénézuélienne et travaillant pour la banque de son beau père à Caracas, n’est pas pressé de revenir jouer les représentants de dieu sur terre pour lutter contre la mondialisation. Mais l’espoir fait vivre, vous dit-on, alors courage, chevaliers !
Présentation Alliance Royale