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« La liberté d’expression est un devoir, non un droit »

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Bruxelles

Mardi 3 mai se tenait la 23e journée internationale de la liberté de la presse : « Accès à l’information et aux libertés fondamentales – C’est votre droit ! ». Plus d’une centaine de célébrations nationales se sont tenues à travers le monde. Bruxelles a également eu sa part grâce au « Difference Day » tenu pour la seconde année consécutive au BOZAR.

« Mesdames et Messieurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour célébrer ceux qui – jour après jour, article après article, tweet après tweet – prennent position pour défendre leur liberté à rapporter les faits, et faire entendre leurs voix et opinions. Ils enrichissent l’arène publique avec leurs idées et leurs opinions, et améliorent la qualité du débat politique dans notre société démocratique » explique Günther H. Oettinger, commissaire à l’Economie et à la Société Numériques, dans son discours d’ouverture du Difference Day 2016.

2016 est une année de célébrations pour l’histoire de la liberté de la presse. D’abord, c'est le 250e anniversaire de la première loi sur la liberté d’information qui couvre la Suède et la Finlande actuelles. Pour cette occasion, la Finlande a co-organisé avec l'UNESCO la célébration principale de cette journée et Khadidja Ismayilova s'est vue décerner le Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano. Mais c'est aussi les 25 ans de l’adoption de la Déclaration de Windhoek sur les principes de la liberté de la presse.

Les principes fondamentaux de la liberté de la presse étaient mis à l'honneur : évaluer la liberté de la presse, défendre les médias des attaques contre leur indépendance, et se souvenir des journalistes tués parce qu’ils faisaient leur devoir. Des journalistes et intervenants du monde entier s’étaient retrouvés au BOZAR à Bruxelles pour parler des menaces de plus en plus pesantes sur la liberté de la presse. 

 

La liberté d’expression est un droit humain fondamental

Sur l’écran surplombant la scène de la cérémonie d’ouverture défilaient des propositions : « Il ne peut pas exister de société sans censure », « Fini le temps où la plume était plus forte que l’épée », « Certaines opinions ne sont pas appropriées pour les enfants ». Et comme un questionnaire, chacun pouvait choisir parmi les réponses : « Wahou ! Oui ! », « Peut-être bien », « Bon ok », « Bof… », « Beurk ! », « Non non non ! ». Puis enfin apparaissait « Etes-vous vraiment pour la liberté d’expression ? Give difference a chance ». Libre à chacun de remettre alors en perspective ses réponses. Et savoir ce qu’il en est de la liberté d’expression en Europe.

Le 20 avril 2016, Reporters sans frontières a publié son classement annuel sur la liberté mondiale de la presse. Ce questionnaire de 87 questions permet de calculer l’index de liberté de la presse et classer les pays du meilleur (le plus petit index), au plus mauvais (le plus élevé). Et autant dire que… L’Europe fait très mauvaise figure.

Plus rien ne va en matière de liberté de la presse dans un continent qui s’est pourtant engagé à respecter la liberté et le pluralisme des médias ainsi que le droit à l’information à travers deux de ses Charte et Convention fondamentales.

L’érosion du modèle européen est désormais bien entamée. Depuis 2015, de nombreux pays européens chutent dangereusement dans le classement de Reporters sans frontières. La dégradation constante de la situation semble être notamment liée au détournement du contre-espionnage, à la lutte contre le terrorisme, aux lois permettant une surveillance à grande échelle, à l’augmentation des conflits d’intérêts ou encore dans certains Etats la mainmise sur les médias publics mais aussi parfois privés. Autant de critères qui mènent à des abus sur les libertés de ceux chargés d’informer les citoyens.

Reporters sans frontières rapporte cette année « une dégradation de la liberté de la presse "profonde et préoccupante". La France tombe à la 45e position pour l’année 2016, contre la 38e en 2015. Encore plus inquiétant, la France est suivie de près par la Pologne en 47e place, qui est également l’Etat ayant enregistré la plus grosse chute entre 2015 et 2016 en perdant 29 places. Et enfin, dernier européen, la Bulgarie, chute encore et se retrouve à la 113e position.

Liberté de la presse vs. censure et surveillance excessive

Melody Patry, agent de plaidoyer principal chez Index on Censorship, questionne : « la censure est-elle une chose du passé ? Pas vraiment. Il y a une sévère détérioration de la liberté de la presse en Europe. Dans le premier trimestre 2016, les violations contre la liberté de la presse ont augmenté de 30% par rapport à 2015. En Europe on considère trop souvent la liberté d’expression comme acquise ».

C'est là que la Commission doit agir en tant que médiateur. De nombreux projets allant dans ce sens sont développés et financés par l’Union européenne. Une plateforme en ligne qui répertorie les violations faites à la liberté de la presse d'ailleurs vu le jour. « Cet outil innovant et alimenté par les citoyens montre presque en temps réel ces violations, et permet de voir que les menaces contre les journalistes sont toujours d’actualité » explique le commissaire.

Garantir la sécurité du journalisme

D’autres initiatives sont prises à une échelle plus globale. L’UNESCO a développé le projet « Maintien de l’ordre et respect de la liberté d’expression » qui vise à développer la capacité des forces de l’ordre à soutenir le droit à la liberté d’expression et à l’information des citoyens en améliorant la sécurité des journalistes. Le but de cette initiative est d’établir des relations plus professionnelles entre les forces de l’ordre et les journalistes.

Le projet est implémenté en Tunisie depuis 2013 et comprend l’entrainement des forces de l’ordre à une meilleure compréhension du rôle et de la fonction des journalistes dans les sociétés démocratiques. Un manuel pédagogique a été développé pour fournir aux forces de l’ordre et qui comprend à la fois des outils théoriques et pratiques. 

Training security forces on freedom of expression and the safety of journalists - UNESCO 

La Commission européenne a demandé sur Twitter si elle agissait suffisamment pour assurer et protéger la liberté de la presse en Europe. La réponse est claire : 71% de « non », 3% de « oui », 26% de « je ne sais pas ».

Pour Oettinger, il incombe aux Etats membres de s’assurer à leur échelle, et au sein de leurs frontières de la liberté et du pluralisme de leurs médias. En plus d’agir en tant que médiateur entre les médias et ses citoyens, la Commission agit également en tant que « chien de garde » lorsque « le droit communautaire est engagé ». 

Et Oettinger de conclure : « Même dans la période difficile que nous traversons, nous ne devons pas abandonner, et nous ne devons pas laisser tomber la liberté de la presse. N’oublions pas que l’Union européenne est, avant tout, une communauté de valeurs. Une communauté où la liberté des médias et leur pluralisme font vraiment la différence. »