La « Green card » tchèque devance les projets de l’UE
Published on
Translation by:
Jean-François NominéAvant même que l’Union européenne lance sa « Blue card » pour l’emploi des étrangers, la Tchéquie copie l’initiative avec une « Green card » nationale, censée combler le manque de main d’œuvre… Mais la crise économique complique ce processus d’immigration.
« Loterie de la Carte verte de l’UE. Cliquez-ici pour vous inscrire et vérifiez si vous êtes sélectionné ! » Voila comment le site Web green-card-lottery-eu.org fait la pub d’une carte verte européenne qui ressemble à s’y tromper à son modèle américain. Les travailleurs européens venus de pays hors UE peuvent s’enregistrer en ligne pour suivre une procédure qui leur offre la possibilité de trouver un emploi dans l’Union européenne. Mais quand on voit les onglets « Fatherland Feeling » (« attachement à la patrie ») et « Choose your faith » (« choisir sa foi »), on finit par se demander si derrière cette page, il y a vraiment de vrais pouvoirs publics… La réponse est non ! C’est la coopérative artistique franco-hongroise, Société Réaliste, et ses instigateurs Ferenc Gróf et Jean-Baptiste Naudy, qui tente de démontrer ici les attentes et les espoirs des personnes qui désespèrent de trouver un job en Europe. Ceux-là même qui se font avoir en tombant sur ce que les deux artistes appellent « un site Web parasite », qui plus est, payant. La migration mondiale est devenue une affaire juteuse.
Contre la « Blue card » de l’UE
Pour des raisons similaires, la République tchèque, suivant sa propre voie vers l’Europe, a introduit, le 1er février 2009, une carte verte européenne : la carte « Celena ». Le communiqué de presse qui annonce sa création n’existe pour le moment qu’en tchèque. Cette loi précède de quelques années le projet de l’Union européenne, qui souhaite délivrer, en 2011, une « Blue card » pour des salariés hautement qualifiés, venant de pays-tiers.
Ewa Klamt est membre du Parlement européen. Elle se déclare favorable à l’utilisation de la « carte Céléna» , en parallèle de la « Blue card» , et d’une procédure unique de demande : « La ‘Blue card’ ne va pas remplacer les législations nationales sur les emplois disponibles pour les ressortissants de pays-tiers et les demandeurs d’emploi hautement qualifiés, mais elle offre à chaque Etat-membre une possibilité de plus, du moment que la directive sur ce thème est respectée. Chacun a donc le choix entre distribuer exclusivement une permis national de travail et de séjour, ou utiliser la ‘Blue card’ [avec comme avantage supplémentaire la mobilité intra-européenne, par exemple]. La procédure nationale continue toutefois d’exister dans tous les cas et ne saurait être remplacée par la directive ‘Blue card’. »
« La Carte verte n’est pas accordée à des étrangers présentant des risques politiques, sécuritaires ou encore sanitaires »
Au contraire de la « Blue card », seuls les ressortissants de douze pays (Australie, Monténégro, Croatie, Japon, Canada, Corée, Nouvelle-Zélande, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Etats-Unis, Serbie et Ukraine) peuvent émigrer vers la capitale tchèque. De plus : on ne cherche pas seulement des scientifiques excellemment formés, mais aussi des salariés moyennement ou peu qualifiés. Le point cinq du communiqué de presse officiel explique cette sélection : « La Carte verte (…) n’est pas accordée à des étrangers présentant des risques politiques, sécuritaires ou encore sanitaires. »
Un marché du travail vieillissant
Sont appréciés les diplômés universitaires, un minimum de formation et d’autres qualifications ouvrières. Les postes à pourvoir sont enregistrés dans une base de données centralisée où il faut s’enregistrer pour voir les offres, comme sur le site Web de Société Réaliste. Mais cette fois, sans payer. Ouvriers du BTP, serveurs, techniciens de surface, commis poissonnier ou boucher, standardistes, mais aussi plus rarement programmeurs, urbanistes et comptables ayant des compétences linguistiques ont une chance de trouver leur bonheur. Les salaires varient de 12 000 couronnes (environ 450 euros) par mois pour un conducteur de camion à 20 000 couronnes (environ 736 euros) pour un urbaniste. Le poste doit être réservé à un Tchèque ou un ressortissant de l’UE pendant 30 jours avant d’être ouvert à un étranger hors UE, une fois ce délai dépassé.
Le marché du travail tchèque, vieillissant, a besoin de toute urgence de sang neuf, en particulier pour des emplois où ne se présente aucun candidat tchèque. Après que le pays a perdu sa main d’œuvre au profit des pays de l’UE limitrophes, voici que cette pénurie menace l’économie nationale dans le secteur industriel, la branche de la sous-traitance automobile et le BTP. Au ministère du travail, une bâtisse aux murs chargés de sculptures de travailleurs en lutte hérités du socialisme, Jana Řihová, porte-parole du ministre du travail et des affaires sociales, Petr Necas, et attachée de presse de la présidence tchèque de l’UE : « La carte verte répond aux exigences de souplesse du marché du travail et à l’absence de candidatures de la part des Tchèques et d’autres citoyens de l’UE. Les employeurs, en particulier ceux du secteur industriel, ont besoin de cette main d’œuvre. Grâce à cette carte, ils peuvent embaucher de façon simplifiée. »
La crise la met à mal
Avant même d’avoir été réellement mise en place, cette carte est déjà démodée… Certes, l’industrie a besoin d’une main d’œuvre bon marché, mais les politiciens doivent préserver les intérêts nationaux sans « brader » les emplois. Le social-démocrate Zdeněk Škromach redoutait « un afflux incontrôlé de travailleurs non qualifiés sur le marché du travail », qui viendrait « dérober » les emplois des Tchèques. Jana Řihová en convient : « Il est important de dire que la crise économique a tout changé. Les personnes qui ont perdu leur job, commencent à candidater sur des postes auxquels ils ne s’intéressaient pas auparavant. »
La crise explique aussi cette pratique dommageable que le gouvernement tchèque instaure provisoirement au détriment des demandeurs d’emplois étrangers et démunis. Les Vietnamiens, dont l’empreinte se fait nettement remarquer dans le paysage pragois depuis quelques années avec des salons de massages et des restaurants rapides asiatiques, sont particulièrement visés par une mesure gouvernementale. On leur offre un billet de retour, plus un chèque de 500 euros, pour éviter leur plongée dans l’illégalité et pour « libérer » des emplois. Malgré les vives réactions dans les médias tchèques, les politiques sont restés de marbre. 2000 Vietnamiens auraient accepté cette offre d’après Radio Praha. Personne n’aurait encore bénéficié d’une Carte verte selon le ministère du travail. Il y aurait cependant cinq demandes. Jana Řihová reste convaincue par cette idée : « L’introduction de la Carte verte, c’est la politique de la république tchèque. C’est notre invention ! »
Translated from Blue Card, Green Card - Tschechien bekennt Farbe