La Grèce, un pays en désespérance
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Par Effy Tselikas Article publié le 12 mai sur le site myeurop.info.
Mercredi , lors de la deuxième grève générale , tout le pays s’est arrêté.
Plus de 40 000 manifestants à Athènes et autant dans le reste du pays ont battu le pavé pour crier leur colère devant ce tunnel sans fin d’austérité qu’impose au peuple grec le gouvernement socialiste de Georges Papandreou, sous la férule de la dite « Troïka » (Union Européenne, Fonds Monétaire International, Banque Centrale Européenne). La coïncidence de la venue de ses experts devant se prononcer sur le cinquième versement du prêt de 110 milliards d’euros, en échange de nouvelles mesures d’austérité et un plan de 50 milliards d’euros de privatisations, a ravivé la colère populaire, avec un sentiment anti-européen de plus en plus aigu.
Structurellement insolvable
La situation de la Grèce, aussi bien au niveau économique et social, montre un pays à de bout de souffle, avec la multiplication des grèves ces derniers mois et une augmentation visible de la violence sociétale (criminalité, hooliganisme dans le sport, réactions activistes des consommateurs, …). La dégradation du climat politique et le moral en forte baisse de l’opinion publique noircissent encore le tableau. Un an après avoir fait appel à l’aide financière internationale, la Grèce est à nouveau au pied du mur, comme le prouvent les rumeurs persistantes de faillite du pays ou de sortie de la zone euro.
Pour Giorgos Kyrtsos, éditorialiste, ce plan de sauvetage du pays est un échec, malgré la politique d’austérité sévère mise en œuvre
"La production de richesse recule, la récession sévit, il y a trop peu de rentrées fiscales, le déficit du commerce extérieur se creuse chaque année, les banques grecques perdent 3 milliards de dépôts en moyenne par mois. C’’est un fait, le pays ne pourra pas rembourser les 350 milliards d’euros de dette. Et ce n’est pas un problème de liquidités. La Grèce est structurellement insolvable".
Seul le gouvernement tente encore de positiver par la voix de Michalis Chryssohoidis, le ministre du développement: "Il faut comprendre que nous avons signé ce plan de rigueur pour éviter la faillite. Il n’y aura pas de nouvelles coupes sur les salaires, mais la Grèce doit continuer sa mutation profonde. Nous avons déjà fait de grands pas en avant et les indicateurs sont optimistes, surtout concernant les exportations et le tourisme de cet été. Si nous continuons sur cette lancée, la croissance entrera dans le vert dès le début 2012, elle sera même légèrement positive".
Mais selon un récent sondage, près d'un Grec sur deux estime qu’il faut renégocier de façon urgente les termes du plan de sauvetage. Car, en plus des mesures déjà prises, comme la baisse des salaires et des retraites, la réduction des primes et bonus, l’augmentation de l’horaire de travail, le samedi considéré désormais comme jour normal, la mise en hibernation des conventions collectives, le gouvernement vient d’annoncer de nombreuses privatisations.
Plus de 2000 entreprises publiques (dites DEKO), telles la compagnie d’électricité, la compagnie des eaux, celle des chemins de fers, les sociétés gérant les ports et les aéroports, la Poste, certains établissements bancaires, casinos, …) vont ouvrir leur capital aux investisseurs privés, avec comme conséquence le licenciement de plus de 50 00 salariés en CDI.
Athina Dretta, secrétaire générale du ministère de l’emploi, a tenté de réduire la tension en déclarant que le gouvernement s’opposera aux mesures exigées par les experts, comme les réductions drastiques à l’IKA (Fonds d’assurance sociale), la Sécurité sociale grecque et à l’OAED (Organisme d’emploi de la main d’œuvre en Grèce), le Pôle-Emploi grec.
Gouvernement englué et opposition stérile
"La grève est la réponse du peuple grec, qui a l’impression que seuls les travailleurs, les retraités et les chômeurs payent la note", avait déclaré le président de la GSEE, syndicat du secteur privé, Yiannis Panagopoulos, en annonçant la grève de mercredi .
Mais ces propos rituels ne semblent plus être à la hauteur de la situation de désespérance dans laquelle se trouve le pays. Les Grecs ont, de plus en plus, l’impression que le pays est un navire sans gouvernail, avec un gouvernement englué dans des contradictions internes et une opposition stérile. La crise dépasse désormais l’aspect économique ou financier, pour atteindre la société dans son ensemble.
Deux signes, parmi d’autres : la sauvagerie, c’est le mot de tous les commentateurs ce matin, des forces spéciales de la police, très nombreuses hier dans les différents défilés, qui a systématiquement visé les manifestants à la tête (un jeune homme est dans le coma et plus de 20 blessés). C'est désormais la règle.
Et la violence des réactions (lynchage d’un sans-papier et nombreuses déclarations racistes) à la suite du meurtre sordide, la veille, d’un habitant d’Athènes, en plein centre ville, tué pour lui voler sa caméra (il filmait l’arrivée de sa femme de la maternité) par trois individus dévoilent, crûment, un pays en pleine dépression. Cet après-midi, la chasse aux immigrés était ouverte dans les rues d'Athènes.