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La Grèce passera-t'elle l'hiver au chaud?
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Par Pierre-Yves Leveaux. Envoyé spécial à Athènes Du 9 au 11 décembre la représentation de la Commission européenne en Grèce a reçu la presse à Athènes pour une vaste « opération séduction ». Plusieurs rencontres étaient au programme, notamment avec le Premier ministre Antonis Samaras, des membres du gouvernement, de l'opposition et des porte-paroles des syndicats.
Le message officiel se voulait résolument rassurant, le bout du tunnel n'est pas loin : l'échéance est fixée à 2014. Mais la route pour y arriver est encore longue et semée d'embuches: le risque de tensions sociales n'est pas à exclure.
Pro VS Anti-Europe
« La
Grèce a dû faire face à une récession jamais vue en temps de
paix »
a déclaré le Premier ministre, Antonis Samaras,
qui recevait dans son salon des membres de la presse européenne,
« nous avons implementé les 72 mesures recommandées par la
Troika afin de restaurer la crédibilité de la Grèce » .
Il faut noter que c'est la première fois dans l'histoire moderne de la Grèce qu'un
gouvernement de coalition se retrouve au pouvoir et le premier
ministre d'ajouter « Mon parti a œuvré à faire rentrer la
Grèce dans l'Union, il ne sera pas celui qui l'en fera sortir ».
En effet après les élections de juin un accord à été trouvé
entre la Nouvelle Démocratie (parti de Samaras, centre-droit) et deux se
situant à gauche du spectre politique : le PASOK (Mouvement
socialiste panhéllénique) et la Gauche démocrate (DIMAR) pour
former une majorité de 179 parlementaires capables de soutenir les
propositions du gouvernement. Le clivage ne se faisant plus tellement
entre droite et gauche mais plutôt entre pro et anti-memorandum of understanding,
autrement dit entre pro et anti-Europe. Après des rencontres avec
les ministres du développement, de l'économie et des responsables de
la task force, le message a diffusé est le suivant : la Grèce
a subi de plein fouet une grave crise, son peuple a fait beaucoup de
sacrifices et espère bientôt voir le bout du tunnel, et c'est le
seul unique et choix : la Grèce est condamnée à réussir au
risque de tomber dans le chaos social. Pour ce faire il faudra
adopter plusieurs mesures d'austérité qui devront entrer en
application début janvier, l'hiver promet d'être rude à Athènes.
Chômage, banques et feta
Néanmoins et malgré ce message d'espoir porté par les membres du gouvernement de la Task Force ; sur le terrain la situation reste assez sombre. En effet le taux de chômage n'a jamais été aussi élevé, et en particulier chez les jeunes ou il atteint plus de 50%. Certes la Grèce a bien réussi son opération de rachat de dette ce qui a permis de débloquer un fond d'aide de l'Union. Mais cet argent servira essentiellement à la recapitalisation des banques et à rembourser ce que l'Etat doit à ces citoyens (à peu près 9 milliards d'Euros). Même si certaines réformes ont été mises en avant par les représentants officiels, d'autres problèmes structurels persistent dans la république héllenique. L'exemple le plus frappant ? D'après un rapport de McKinsey : la Grèce ne jouirait que de 28% de part de marché de vente mondiale de Feta, fromage grec ô combien traditionnel, alors que par exemple 85% du marché de Mozarella est controlé par des compagnies italiennes.
L'opposition fait de l'austérité son cheval de bataille
En marge du discours de la majorité
gouvernementale et des fonctionnaires envoyés par l'Union, des voix
s'élèvent dans l'opinion publique contre ces nouvelles mesures
d'austérités. Les représentants des syndicats (GSEE et
ADEDY) insistent sur le fait que cet « austérité imposée par
Berlin » ne mènera pas automatiquement à une reprise de
l'économie grecque. Afin de montrer encore une fois leur force dans
l'arène publique, ces derniers ont appelé à une nouvelle grève
générale, la 37eme depuis le début de la crise. Même son de
cloche chez le principal parti d'opposition, Syriza, coalition de
parti allant de la gauche anti-libérale à l'extrême gauche, qui
tente petit à petit de reprendre la place du PASOK en tant que
« grand » parti de gauche. Cela s'est ressenti dans le
discours de leurs élus, par exemple celui de Rena Dourou, bien que
forcément contre les mesures d'austérité
et le modèle de croissance « néo-liberal », la parlementaire grecque n'a eu de
cesse de rappeler l'engagement pro-européen de son parti : « Nous
voulons sauver la Grèce, nous voulons sauver l'Europe. Nous sommes
contre les mesures d'austérité en général ».
Crise démocratique et montée de l'extrémisme
Un autre point mis en avant par
l'opposition et les syndicats: c'est la rupture du dialogue social mais plus encore une véritable crise de la démocratie. Comme démontré lors
des dernières élections ou le parti néo-nazi
l'Aube dorée à récolté a peu près 7% des suffrages et ainsi
obtenu 18 sièges au Parlement Hellénique. Certains considèrent ce
phénomène comme une réaction à la crise et aux lourdes mesures
d'austérité qui touchent la Grèce. Avançant que quand la
situation se sera améliorée le parti disparaîtra et les électeurs
retourneront voter pour des partis traditionnels. Selon eux le
succès électoral de l'Aube Dorée s'expliquerait par leur travail social sur le
terrain "un peu à la manière du Hezbollah". D'autres, comme Dourou, vont plus loin considérant que ce
parti est une menace sérieuse pour la démocratie grecque et que
leurs électeurs ont oublié le passé et le combat qu'ont mené
leur grand-parents.
Mais tout n'est pas si noir dans l'histoire. En effet Standard and Poor's, a récemment revu à la hausse la notation de la Grèce de 6 crans, en réaction aux différentes mesures prise par le gouvernement et la Troïka. Et ça c'est bon pour le moral, comme l'a déclaré le premier ministre Samaras à propos d'un éventuel défaut de payement qui entrainerait la sortie de la Grèce de la zone euro : « la drachmophobie a été évacuée », et pour celui-ci l’élément psychologique à son importance dans une logique d'entraînement: « la psychologie c'est déjà 50% de l'économie ».
Dignité et solidarité
Tous s'accordent néanmoins à vanter
la réaction du peuple grec, bien que certains soient tombés dans
l'extrémisme, l'écrasante majorité de la population a consenti à
faire des efforts considérables pour répondre aux critères imposés
par la Troïka. Mais les Grecs attendent des résultats à la mesure
de leur sacrifice et c'est ce qu'ils demandent à leur gouvernement :
de préserver la dignité du peuple grec. Pendant ce temps là,
l'entre-aide européenne s'organise à d'autres niveaux, comme dans
la société civile par exemple : un chèque de 12 000 euro
récolté grâce à un événement culturel: « 12h pour la
Grèce » organisé par Jimmy Jamar et ayant eu lieu au mois de
mai à Bruxelles, a été remis à l'ONG « Le Sourire de
l'Enfant » qui oeuvre en faveur des droits et du bien-être
des enfants grecs et chypriotes.