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« La Grèce a besoin d’un changement de mentalité »

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Politique

La « comptabilité créative » à la grecque aura fait bien des ravages. Alors que l'UE se penche sur les modalités d'une aide financière à la Grèce au cours d'un sommet européen les 25 et 26 mars, les Grecs sont-ils prêts à bouleverser leur état d'esprit pour sortir de la crise ?

Des boutiques vides, des vitrines barricadées et d’innombrables vendeurs de camelote : voilà ce qui caractérise le centre-ville d’Athènes. Le flot incessant de touristes qui se bousculent au pied de l’Acropole quelques centaines de mètres plus loin, est une goutte d’eau dans la mer des finances de l’État grec. La crise économique a révélé au grand jour à quel point la « comptabilité créative » et le florissant marché noir ont été funestes pour le budget de l’État. Le gouvernement du premier ministre socialiste, Georges Papandréou, subit actuellement de fortes pressions de la part des marchés et d'autres gouvernements de l'Union européenne pour ramener son déficit budgétaire de 12,7 pour cent du PIB l'an dernier à 2 pour cent en 2013. Ainsi, Georges Papandréou n’a pas seulement annoncé des mesures restrictives mais aussi une réforme de la fiscalité. Le but : mettre un terme aux marchés « gris » et « noir » et réduire le déficit budgétaire pour « créer un système fiscal juste et simple » comme l'avance la préface de la réforme. Un contribuable déclarant 35 000 euros de revenus par an devra ainsi produire des reçus pour au moins 8 100 euros afin de pouvoir bénéficier d'une franchise fiscale, fixée à 12 000 euros annuels. De nombreuses professions, notamment les chauffeurs de taxis, les ingénieurs civils ou les loueurs de chambres, disposaient d'un régime d'imposition forfaitaire. Il a été aboli. Des critères objectifs de niveau de vie sont instaurés pour pouvoir sévir contre les propriétaires de yachts, piscines et autre signes extérieurs de richesse déclarant des revenus sans rapport avec leur train de vie.

 Haro sur l'individualisme !

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Le premier ministre grec impose des économies drastiques aux citoyens grecsL’État grec espère ainsi que les consommateurs amèneront les entreprises à se soumettre à la TVA, mais il est loin d’être sûr que la population répondra à l’appel. Comme l’économiste Georges Pagoulatas l’a écrit il y a quelques semaines dans les colonnes du quotidien Kathimerini, les Grecs devraient profondément changer de mentalité pour sortir de la crise. Le maire d’Athènes, Nikitas Kaklamanis (Nouvelle Démocratie, conservateur) partage ce point de vue : « Tout ce qui fait mal à notre société concerne des mentalités qui privilégient l’intérêt individuel au détriment de l’intérêt général. Quelqu’un qui jette ses ordures à côté d’une poubelle n’est qu’un petit exemple mais qui illustre parfaitement ce genre de mentalités. Il faudrait que l’on réussisse à prendre en compte l’autre pour comprendre une chose : ce qui nous semble nous apporter parfois quelque chose à court terme, peut être pour nous tous nuisible à long terme. » Kaklamnis craint que pour l’instant la réforme fiscale reste sans suite : « Une mentalité incrustée peut s’avérer plus puissante que n’importe quelle loi. Nous avons un nombre infini de lois en Grèce, mais je ne sais pas combien d’entre elles sont véritablement respectées ». En attendant, il essaie tant bien que mal de donner le bon exemple à ses concitoyens. Depuis son entrée en fonctions en janvier 2007, il a donné un coup de balai dans les finances de la ville et remboursé 50 millions de dettes. Il estime que les Athéniens doivent « adopter un nouvel état d’esprit ». Ainsi, les Grecs devraient payer des impôts « pas seulement parce que la loi leur y oblige, mais parce qu’ils le veulent : il faut que les gens soient conscients qu’en échange, on peut demander un niveau de services plus élevé de la part de l’État et aspirer à plus d’égalité », commente-t-il. Un raisonnement logique, mais pas en Grèce.

L'Europe, alliée requise

Et le rôle de l’Europe? Malgré la prise de conscience que les Grecs sont en grande partie responsables de la crise qu’ils traversent, il existe une forte tendance à pointer l’UE du doigt. « Certes nous avons une monnaie unique, mais nous n’avons pas de volonté politique commune », selon Athanase Papandropoulos, un journaliste spécialisé dans les questions politiques et économiques. Beaucoup de Grecs qui ne laissent pas passer une occasion d’insister sur l’importance de la solidarité entre États-membres, dans l’espoir que le pays ne se retrouvera pas tout seul. Le président de la Banque nationale grecque, Vassilis Rapanos, se dit confiant que l’UE se serrera les coudes pour venir en aide à son pays : « Malgré les problèmes, quitter la zone euro n’est pas une option pour la Grèce. Grâce à la coopération européenne, nous trouverons la sortie du tunnel ». Ou, comme l’a formulé Kaklamanis : « Il ne faut pas se pointer du doigt mais essayer de se comprendre mutuellement […] L’ami véritable est l’ami des heures difficiles ».

 photo : Une ©tom.tziros/Flickr; ©Design Insane/Flickr