La France vue de Bruxelles : en citations et en son !
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Sarkozy l'avait dit : « la France est de retour en Europe ». C'était le soir même de son élection en mai 2007. Les européens semblaient s'en réjouir : enfin les Français allaient jouer leur rôle. Mais quelques mois après, les réjouissances se ternissent : l'attitude française agace certains. Pour quelles raisons ? Car un Français, ça reste un Français, et certains l'avaient déjà compris.
Vous trouverez en annexe de cet article, la chronique européenne de Babel France sur les ondes de Radio Campus Paris, du 7 février dernier, sur ce même sujet.
Sondage des plus révélateurs : 61% des français considèrent que la Présidence française de l'UE, sera un moment propice pour accroitre l'influence de la France en Europe. Les habitants de l'hexagone pensent donc que pendant six mois leur pays pourra faire valoir doublement ses intérêts, ses positions, ses points de vue.
De quoi faire grincer des dents à Bruxelles. Car cette vision égocentrique de l'Europe, les 26 partenaires de la France pensaient qu'elle faisait parti du passé, depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, saluée par tous et qui en six mois à permis la relace de bien des domaines dont le fameux traité aujourd'hui en cours de ratification.
Mais depuis quelques semaines, ça dérape à nouveau. La France a renoué avec ses vieux démons, ses vieux automatismes. L'Europe regarde de nouveau la France comme un animal étrange...mais comme disait il y a quelques temps, un allemand bien connu, un certain Arthur Schopenhauer : « Si les autres parties du monde ont des singes ; l'Europe a des Français. Cela se compense ».
Vitesse et précipitation
Voilà bien les Français, ils tournent à tout vent.
William Shakespeare - Richard VI
Shakespeare l'avait compris : le caractère français se confond avec celui d'une girouette. Quand un gaulois à une idée en tête, il faut aussitôt se mettre en parler tout le temps, la mettre en pratique, sans même savoir si c'est réalisable et surtout sans même savoir si ses camarades sont d'accord. Le dossier qui stigmatise par excellence ce problème c'est l'Union méditerranéenne.
Projet avant tout français, Nicolas Sarkozy veut y associer toute l'Europe. Ce qui provoque la colère de l'Allemagne, qui n'a pas été consultée avant l'annonce du projet. Berlin ne perçoit cette initiative que comme une juxtaposition du processus de Barcelone déjà existant et craint que cette nouvelle orientation vers le sud ne délaisse tout le processus d'élargissement engagé vers l'Est, région dont elle est très proche et où les efforts ne sont pas à relâcher.
Un poète et écrivain suisse, Charles-Ferdinand Ramuz l'avait aussi compris : « Il suffit souvent au Français de s'être épris d'une chimère pour qu'il prétende en faire une réalité ». L'Allemagne, garde-fou du girouettisme français ?
De l'audace, encore de l'audace !
Il n'y a rien de mieux que ce que les Français font bien et rien de pire que ce qu'ils font mal.
Benoit XIV
Pape du XVIIIe siècle, assez ouvert d'esprit pour l'époque, il avait eu à gérer lors de son pontificat quelques querelles avec la France de Louis XV. Il en avait tiré cette conclusion. Et c'est aussi ce que craint l'UE en pensant à la Présidence française de l'UE.
Nicolas Sarkozy a déclaré le 8 janvier dernier, qu'à l'issu de cet événement, il souhaite que l'UE «ait une politique de l'immigration, une politique de défense, une politique de l'énergie, une politique de l'environnement ». Une telle charge de travail ne semble pas faire peur aux institutions françaises. Mais comme le rappelle, Doug Larson, un coureur anglais du XXe siècle : « Ne mettez jamais en doute le courage des Français, ce sont eux qui ont découvert que les escargots étaient comestibles ».
Toutefois cette ambition démesurée pour seulement six mois de gouvernance n'est pas forcément bien vue dans les cercles bruxellois, qui rappellent que l'Europe est faite de consensus, pas de précipitation.
Et tout cet étalage, énerve aussi la Slovénie, qui assure actuellement la Présidence de l'UE. Premier pays issu de l'élargissement à accéder à ce poste, elle est fier de son rôle et veut briller. Elle voit les gesticulations de la France comme une tentative de lui faire de l'ombre. Le premier ministre slovène, Janez Jansa a même déclaré que si « la Présidence slovène ne serait pas aussi grandiose que celle de la France, elle se concentrerait dans la substance ».
Tout cela rappelle ce que disait un philosophe et écrivain suisse (encore ? Ils semblent être très perspicace sur les Français), Henri-Frédéric Amiel qui écrivit : « La France a toujours cru qu'une chose dite était une chose faite ». Et pour éviter de faire une nouvelle bêtise, il est maintenant interdit de communiquer sur la Présidence française : ordre venant des institutions françaises, et surement de très haut...
Opportunisme ?
Le Français est rarement aimable de premier jet ; on dirait toujours qu'il est aimable par ordre, par calcul.
Fiodor Dostoïevski - Le Joueur
On est européen ou on ne l'est pas. Telle pourrait être la remarque de la Commission européenne envers Nicolas Sarkozy et les politiques français en général. Car derrière de beaux discours, la classe politique française fait partie d'une des plus habiles d'Europe lorsqu'il s'agit de se décharger de la situation en accusant l'Europe.
Dernier coup en date ? Le président de la République française lui-même, qui en visite aux pêcheurs au mois de janvier, a remis en cause la légitimité des quotas de pêche, pourtant acceptés par la France en décembre dernier.
Il s'agissait à ce moment, pour le chef de l'Etat, de sauver sa côte de popularité qui commençait dangereusement à baisser. Mais cette manœuvre de politique interne n'a pas été bien vue à Bruxelles. Ce fut alors au ministre français de la pêche, Michel Barnier de recoller les morceaux en affirmant que « la France n'est pas forte quand elle est arrogante, elle n'est pas grande quand elle est solitaire ».
Finalement, laissons le mot de la fin à un philosophe et écrivain allemand du XIXe siècle, un certain Georg Christoph Lichetenberg : « La France est en fermentation ; donnera-t-elle du vinaigre ou du vin, on l'ignore encore».
Jean-Sébastien Lefebvre