La fin des dinosaures...
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L'ethnologue et anthropologue Claude Lévi-Strauss est mort dans la nuit du samedi 31 octobre au dimanche 1er novembre à l'âge de 100 ans, selon le service de presse de l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) contacté par Le Monde.fr.
Plon, la maison d'édition de l'auteur de Tristes tropiques a également confirmé l'information diffusée par Le Parisien.fr en fin d'après-midi.
Ses obsèques se sont déroulées lundi à Lignerolles (Côte d'Or), a indiqué à l'AFP une source proche de la famille.
Alors que la mort d'un chanteur pop déchaîne les passions et monopolise l'attention des médias télévisuels pendant plusieurs semaines, l'on s'interroge sur la portée qu'aurait dû pendre un tel événement.
Un reportage de quelques minutes entre un sondage IFOP sur le rapport «je t'aime, moi non plus» des Français avec le Président de la République, et la page cuisine du JT peut-il suffire à faire prendre conscience de la portée de la pensée de Levi-Strauss et de son influence dans l'apparition des sciences humaines?
MAITRE A PENSER
« Maître à penser de l'époque actuelle», « explorateur des sciences humaines en voie de constitution », selon Gaétan Picon, son nom est lié au structuralisme, dont il est un des représentants principaux.
Né à Bruxelles en 1908 et après des études de philosophie, Lévi-Strauss s'est tourné vers l'ethnologie: en 1935, il part pour le Brésil comme professeur de sociologie à l'Université de São Paulo. Au cours des années qui vont suivre, il va étudier les tribus indiennes de l'Amazonie. C'est le récit de ses voyages à l'intérieur de ces sociétés dites «primitives» qu'il racontera, en 1955, dans le livre qui l'a rendu célèbre, Tristes tropiques.
Exilé à New York pendant la guerre, entre 1941 et 1945, il s'attache à une réflexion théorique sur les systèmes matrimoniaux et il en fera le sujet de sa thèse, qui paraîtra en 1949: Les structures élémentaires de la parenté.
Avec ce livre, et avec les quatre volumes de la série des Mythologiques, il acquiert une influence considérable et le structuralisme dont il se fait le théoricien rayonnera dans tous les domaines de la recherche: aussi bien chez les philosophes, les sociologues, les historiens que chez les spécialistes de l'histoire des religions ou les critiques littéraires.
STRUCTURALISME
Si l'anthropologie structurale consiste à étudier les règles, notamment dans les systèmes de parenté, ou les lois de fonctionnement de l'esprit humain, à partir de l'étude des mythologies ou des rituels, il ne s'agit pas pour le structuralisme d'apporter un message, ni même d'offrir une philosophie générale de l'homme. Le structuralisme propose une méthode pour l'observation des phénomènes humains, afin de dégager, par l'analyse de certains aspects de la vie des hommes en société, des lois dont la validité pourra être éprouvée sur d'autres exemples. Le structuralisme a l'ambition d'être une méthode qui se rapproche de la connaissance scientifique.
« Le structuralisme n'est pas responsable des abus qu'on commet si souvent en son nom. Que nous soyons linguistes, historiens, ethnologues, nous travaillons tous dans des domaines bien délimités.
Le structuralisme sainement pratiqué n'apporte pas un message, il ne détient pas une clé capable d'ouvrir toutes les serrures, il ne prétend pas formuler une nouvelle conception du monde ou même de l'homme ; il se garde de vouloir fonder une thérapeutique ou une philosophie.
Nous nous considérons plutôt comme des artisans laborieux, penchés sur des phénomènes trop menus pour exciter les passions humaines, mais dont la valeur vient de ce que, saisis à ce niveau, ils pourront peut-être un jour faire l'objet d'une connaissance rigoureuse. » (Le Monde, 13 janvier 1968.)
Claude Lévi-Strauss a été élu à l'Académie française, le 24 mai 1973, en remplacement de Henry de Montherlant (29e fauteuil).
Les émission consacrées à Lévi-Strauss, l'un des derniers dinosaure de la pensée française, vont-elles fleurir, à l'instar de celles dédiée au roi de la pop? A suivre...
(Voir Didier Éribon, Claude Lévi-Strauss, adpf publications, la petite bibliothèque, 1996.