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La faute à Voltaire.

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"Dimanche 21 avril 2002, 20H, j'ai honte": dixit le t-shirt d'une manifestante dans les rues de Paris.

Au tendre visage de Jean-Marie Le Pen, florissant pour la première fois seul et officiellement au côté de notre président sortant, les jeunes répondent avec la concision et l'efficacité du slogan publicitaire -génération média oblige- : La France a honte.

A qui la faute ? Soirée mémorable d'officialisation de la désespérance des Français, dimanche soir cherche des coupables.

Dans la rue, on pointe férocement du doigt les 20% de méchants fascistes qui ont donné leur voie à l'extrême droite et les 28% d'inciviques qui ont préféré le soleil et les vacances printaniers aux urnes démocratiques. Sur les plateaux de télévision, comme le veut la tradition républicaine, la gauche accuse la droite (de démagogie), la droite accuse la gauche (de dispersion), tandis que les extrêmes les réconcilient fermement dans une culpabilité partagée et sempiternelle. Fusent les félicitations ironiques : "c'est un discours comme le vôtre qui fait gagner Le Pen, bravo" et les coups bas comme on en a maintenant l'habitude ("parlez nous de votre cassette Monsieur Strauss-Kahn puisque vous êtes là...").

Même en plein séisme surréaliste, avec au deuxième tour un candidat de droite et un autre d'extrême droite (j'hallucine...), le débat démocratique se réduit à un misérable feuilleton qui, loin de satisfaire nos attentes de citoyens épouvantés, se révèle tout autant incapable de captiver notre attention de serievores.

ALORS, A QUI LA FAUTE ?

Seuls inattaqués et inattaquables: les media qui, par la force mystérieuse du crâne ancestral, se dérobent à toute critique. Pourtant, c'est bien eux qui ont renchéri sur l'insipidité des candidats en nous imposant pour les interviewer des journalistes inaptes et aux questions grotesques. C'est eux qui ont focalisé le débat prétendu démocratique sur le thème de l'insécurité et qui se sont attachés depuis des mois à ponctuer chacun de leur 20H par l'histoire du jeune immigré qui attaque la petite grand-mère, les voitures qui brûlent, le violeur qui récidive. C'est bien eux qui nous ont bercé quotidiennement -tandis que les candidats nous endormaient déjà au rythme de leur promesses oniriques rituelles en cette période- de sondages nous disant que tout était joué au premier tour. La télévision travaillerait-elle pour le Front National sans que nous le sachions?

Mesdames et Messieurs qui font les média, vous avez vanté les mérites de la démocratie dans un spot publicitaire très divertissant. Mais vous l'avez minée en en faisant un débat soporifique, un produit inconsommable, et furent des héros ceux qui sont parvenus à ne pas couper leur téléviseur pendant cette période démocratique non comestible. Quand reconnaîtrez-vous à votre tour votre faute ?