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La fatwa de la vieille Europe

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Simon Loubris

Ces perfides néo-conservateurs ont été excommuniés par les apôtres de la pensée unique européenne. Mais pourquoi continuons-nous à boycotter la révolution démocratique globale ?

Faucons. Princes des ténèbres. Impérialistes. Militaristes. Va-t-en guerre. Méchants. Très méchants. On n’avait pas vu depuis bien longtemps, en Europe, une cabbale telle que celle qui, ces derniers mois, a condamné, à de rares exceptions près, les « néo-conservateurs ». Tous les analystes avertis savent bien que parmi les tenants de cette doctrine il y a des sensibilités et des profils des plus divers, comme ils savent qu’il est arbitraire de s’obstiner à faire l’amalgame entre eux et l’ensemble des actions politiques menées par l'administration Bush. Mais l' « Europe officielle », avec sa culture, ses journaux, ses maîtres à penser (ou, plus souvent, « à dominer »), est implacable : c’est ainsi, sans appel. La fatwa est lancée. Sans si et sans mais.

Antiaméricanisme masqué

Pour comprendre sur le fond ce qui a pu se passer, un psychologue serait utile, avant même le recours à un historien ou un politologue. On sait que les racines communistes, fascistes ou cléricales d'une partie importante de la culture européenne l’inclinent naturellement à l'antiaméricanisme, c'est-à-dire à s’opposer à une politique basée sur la liberté, la démocratie, l'individualisme. Dans ce sens, l'antiaméricanisme est, de plus en plus, un lieu de rencontre des régressions européennes, des retours en arrière en tout genre. Mais, dans le même temps, mener -sic et simpliciter- une campagne « antiaméricaine » aurait été inconvenant, a fortiori après le 11 septembre (souvenez-vous, « Nous sommes tous américains »). Il fallait, alors, trouver quelque chose qui permette de faire une campagne antiaméricaine qui ne dise pas son nom. Le néo-conservatisme s’est en ce sens révélé un parfait épouvantail.

Guerre préventive permanente

Mais venons-en aux faits, au coeur des « pêchés » néo-conservateurs. Pendant des lustres, dans la lignée de Kissinger, même les Etats-Unis ont cultivé l'illusion de l'apaisement avec les dictateurs, et de la mythique recherche de la « stabilité » (avec des coûts relatifs toujours à charge des opprimés du monde entier, victimes des pires régimes). Après le 11 septembre, les choses ont changées, et (surtout grâce aux « perfides » néo-conservateurs), l’administration américaine a lancé (avec pour mot d’ordre le « changement de régime ») un programme de politique étrangère opposé à celui proposé par Bush lors de sa campagne. Sa plate-forme électorale en 2000 était simplement -et cruellement - isolationniste (« Que l'Amérique pense à l'Amérique »). Ceux qui aujourd'hui, « à gauche », regrettent ce programme ne font que s'aligner aux côtés de la droite « paléo-conservative » de Pat Buchanan, plus à droite que la droite, qui reproche à l’administration d'avoir adopté une sorte de « néo-wilsonisme », ou même une version républicaine du traditionnel « interventionnisme démocrate ». Et ici -pas doute-, on arrive au nœud gordien, à la pierre de touche, au scandale de la « guerre préventive ». Mais les lapidations des mois passés me semblent franchement pharisiennes : l’ONU a-t-elle autorisée les bombardements de Clinton en Iraq ou la mission de l’OTAN au Kosovo ? Où étaient à cette époque tous ceux qui hurlent aujourd'hui avec les loups ? Pourquoi n’ont-ils rien dit ?

Allons encore plus loin. Moi, en tant que radical, je suis favorable non seulement à la guerre préventive, mais à une véritable « guerre préventive permanente », à une oeuvre continue de déstabilisation des dictatures, à l'élévation du « changement de régime » comme « alpha et oméga » d’une nouvelle politique internationale à construire.

Pour une Organisation Mondiale de la Démocratie

Le problème est que les radicaux croient à l'adoption d’outils différents de celui, traditionnel, qu’est l’outil militaire, privilégié par une partie encore importante des théoriciens néo-conservateurs.

Un premier levier consiste à cesser de financer les dictateurs : l'Occident continue à exiger que les accords de coopération prévoient des clauses sur les droits de l’homme, qui trop souvent, ne sont pas respectés.

Un second outil est l’emploi systématique de ce que nous, radicaux, appelons des « bombes de l'information ». Il faut un système, un réseau audiovisuel global, qui permette aux dissidents de chaque régime de frayer leur chemin vers la liberté et la démocratie.

Troisième outil, plus structurel : l'Organisation Mondiale de la Démocratie. Il faut, en commençant par l'ONU, que les démocraties se rassemblent, travaillent ensemble, fassent bloc et pression pour que d’autres « entrent dans le club ». Après avoir contribué à la naissance d’une Cour pénale internationale (CPI) permanente, c’est notre défi pour la prochaine décennie.

Si nous pensons ainsi, il ne sert à rien de diaboliser ceux qui partagent nos buts. Il est par contre plus utile de déplacer la discussion sur un terrain plus constructif : celui relatif aux moyens les plus aptes à la réalisation de l'objectif stratégique commun. Il est nécessaire et possible, en somme, de relancer une ancienne bataille radicale : un « non » clair et définitif aux vieux et aux nouveaux « kissingeriens », et un « oui » franc et massif à la promotion globale de la démocratie, en militant pleinement pour ce droit/devoir d'ingérence que Tony Blair a courageusement (mais vainement) cherché à proposer à nouveaux leaders progressistes du monde entier. C’est à cette aune (et sur le choix de méthodes qui réduisent au minimum l'exigence d’un recours aux moyens militaires, et le niveau de violence qu’il porte inévitablement) que nous devrons mesurer les choix futurs de Bush, et l'influence qu'auront sur lui les « perfides » (mais ô combien nécessaires !) néo-conservateurs.

Translated from La fatwa della Vecchia Europa