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La culture en 2013 : des vieux pieux ?

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Sarah Todd

Culture

Rolling Stones, My Bloody Valentines, Depeche Mode, Bowie… on ne compte plus les anciennes gloires qui tiennent à rester branchées. Marquée par des come-back surprises, la première moitié de 2013 aura vu les fameux « oldies » revenir en force. Et comme un aimant, c’est toute une culture de la nostalgie qui leur fait écho.

Mais est-ce toujours dans les vieux pots que l’on fabrique les meilleures (dé)confitures ?

C’est officiel : les Rolling Stones seront à l’affiche du festival anglais de Glastonbury en juin. Leur retour en 2013 coïncide avec la sortie de nouveaux albums de la part des « oldies » David Bowie, Depeche Mode et My Bloody Valentine. D’ailleurs, en regardant les agendas de concerts et les têtes d’affiche des festivals cette année, on pourrait se demander si on est pas montés par inadvertance dans la DeLorean du Doc Brown pour se retrouver dans les années 70 : Black Sabbath, Deep Purple, Robert Plant et Fleetwood Mac, pour ne citer qu’eux, sortent les déambulateurs et font leur retour sur scène. Les tournées de réunion se multiplient, parfois sans le leader du groupe (les Doors sans Jim Morrison, Thin Lizzy sans Phil Lynott), les rééditions d’album de légende pullulent dans les grands magasins… Parallèlement à ce retour des vieux sur scène, les effets de la culture rétro se ressentent sur la musique produite par les jeunes artistes de ces dernières années : Adele, Amy Winehouse, Duffy ou même les Strokes ont recyclé avec succès les sons qui ont bercé bon nombre de consommateurs vieillissants.

La musique n’est pas le seul domaine qui connait en ce moment une vague de nostalgie : les Oscars ont récompensé l’année dernière un film muet en noir et blanc. La série Mad Men, avec ses costumes et ses décors années 50, est avidement suivie par beaucoup de téléspectateurs, et les jeunes branchés arborent fièrement bretelles et mocassins. Les applications conçues pour vieillir les photographies numériques sont peut-être l’expression la plus criante du paradoxe de la culture pop contemporaine et de sa fascination pour le passé.

Jacques a dit jadis

Alors, c’était mieux avant ? Toute cette nostalgie constitue-t-elle un frein à la créativité, ou à l’inverse, sommes-nous nostalgiques justement parce que notre époque manque d’élan créatif, au point de nous pousser à nous réfugier auprès des idoles de nos parents ? La culture pop serait-elle arrivée à son terme ?

Ôtons-nous de la tête que ce retour des anciens est la conséquence d’un désert de talents

Difficile d’argumenter contre certains faits : si les années 1990 ont vu apparaitre quelques artistes à l’influence durable (Radiohead, Nirvana), on est en droit de se demander si la dernière décennie laissera des figures aussi marquantes que les Beatles, Bob Dylan, Elvis, Hendrix ou les Doors. Toutefois, il serait trop facile d’oublier que l’art s’est toujours nourri de son passé. La nostalgie a toujours existé et l’utopie d’un âge d’or révolu est présente dans la pop depuis le début. Il suffit de se pencher sur les textes de Morrissey (The Smiths) ou même sur les paroles de Penny Lane pour s’en apercevoir. Regarder en arrière pour aller de l’avant n’est pas un crime, en soi.

Le fait est que le rétro vend. Face à l’effondrement des ventes et au téléchargement illégal, l’industrie musicale se repose plus facilement sur des artistes qui ont fait leurs preuves et dont le public est bien établi, quitte à investir moins dans la nouveauté. Ce ne sont plus les kids qui financent la musique. Transis dans une époque teintée de précarité économique et de capitalisme brutal, les gens se blottissent dans ce qui leur est familier comme dans une couverture bien chaude qui protège du futur incertain.

L'homme moderne ?

Meilleurs vieux pour 2013

Lire le dossier consacré à la nouvelle façon de consommer la culture en Europe

Ôtons-nous de la tête que ce retour des anciens est la conséquence d’un désert de talents. Le Web, les salles de concerts et les festivals grouillent d’artistes innovants. Simplement, à l’heure de la mondialisation, la musique peut donner l’impression de tourner en rond. Les mélanges se font plus vite, les courants apparaissent et disparaissent rapidement. Ce phénomène, allié au conservatisme et à la frilosité de l’industrie musicale, peut créer une impression de blocage créatif. L’industrie musicale sous sa forme traditionnelle n’est plus adaptée aux rythmes et aux moyens de diffusion actuels.

On peut aussi se demander si cette impression de sclérose de la scène musicale actuelle ne se limite pas au monde occidental où est née la pop que l’on connait. Le Brésil, l’Inde, l’Islande, l’Afrique du Sud, la Russie produisent des nouveautés, le blues malien gagne les scènes européennes… Peut-être ces pays, en apparaissant sur la carte pop-rock dont ils étaient jusqu’à présent absents, donneront-ils une impulsion de renouveau à la pop. Le futur est là, quelque part. Mais qui débranchera les guitares de nos bonnes vieilles popstars ?

Photos : Une © courtoisie de la page officielle des Stones, Texte © courtoisie de la page Facebook de Mad Men Vidéos (cc) TheOfficialMBV/YouTube ; (cc) OfMonstersAndMenVEVO/YouTube

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