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La crise relance le forum social mondial

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SociétéPolitique

Exaltés mais fatigués. Les 100 000 participants du forum social de Belém ont échangé infos et points de vue du 27 janvier au 1er février 2009. Une société civile qui profite du vide laissé par la crise financière pour faire valoir ses idées alternatives.

« Ce forum social mondial a été historique car pour la première fois, il a rassemblé plus de chefs d’Etats que le forum économique mondial de Davos en Suisse. » Candido Grzybowski est l’un des fondateurs du forum social mondial. La veille de notre rencontre, il animait un débat de plus de trois heures entre les chefs d’Etats du Brésil, du Venezuela, d’Equateur, de Bolivie et de Paraguay. Messieurs les présidents s’y sont présentés comme les « enfants du forum social mondial, de la société civile et des mouvements sociaux » d’Amérique latine qui ont, selon eux, « rendu l’alternance politique possible sur le continent ». Une telle rencontre à un événement non officiel organisé par la société civile pourrait bien avoir de quoi surprendre en Europe… ou seuls les G8 ou les conseils européens attirent les politiciens de haut-vol.

Des infos de Belém aux journaux français

(Alexandre Polack/flickr)Mais cette rencontre annuelle, lancée en 2001 à Porto Alegre en réponse au forum économique mondial de Davos, est surtout l’occasion de préparer des actions communes entre les continents : « Ce forum pour nous est le point de départ d’une marche mondiale des paysans sans terre d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique que nous souhaitons organiser en 2012 afin de montrer en quoi la redistribution de terre est l’une des armes les plus puissantes pour lutter contre la faim », explique par exemple Ramesh Sharma qui sort de ce forum plein d’idées et bien conscient qu’organiser des luttes entre différents continents est très compliqué.

Ekta Parishad, l’organisation de paysans sans terre qu’il dirige en Inde, a mis sur pieds une marche de plusieurs mois, longue de 350 kilomètres, à laquelle 25 000 paysans sans terre indiens ont participé en 2006. Ils ont obtenu depuis, de la part des autorités indiennes, la mise en œuvre d’une réforme agraire. « Ce forum est pour nous un moyen de préparer nos actions à venir et de lier nos forces avec le mouvement sans terre brésilien qui a une longue expérience de lutte pour la réforme agraire au Brésil », poursuit Ramesh.

« Les Africains doivent jouer un rôle plus important dans les instances dirigeantes du forum qui sont dominées part les Brésiliens»

Benjamin Peyrot des Gachons est un jeune chargé de mission pour l’organisation française Peuples Solidaires qui met en place des projets de développement dans les pays du Sud et s’occupe à Belém des questions de sécurité alimentaire. Il sort du débat exalté mais épuisé : il a du se démener pour obtenir une salle et des traducteurs en espagnol, portugais, français et anglais pour permettre à tous les participants de débattre : « Sur la base de ces échanges, nous allons engager une campagne de sensibilisation en France, en amont des prochaines élections européennes, explique-t-il. Il s’agit d’alerter les médias et le grand public sur le rôle joué par les entreprises européennes de production d’agrocarburants qui ont pour conséquences d’expulser des communautés de leur terre et de les exposer à la famine tant au Brésil, qu’en Inde ou Afrique subsaharienne. »

Les Européennes : bousculer le débat national

Les échanges sont donc fructueux mais selon les habitués du forum, la société civile réunie à Belém doit se renouveler : « La crise financière oblige la société civile à offrir des alternatives. Mais les mouvements sociaux eux mêmes doivent se renouveler et être plus créatifs », explique Otive Igbuzor, membre du comité de direction du forum, venu du Nigeria. « Les Africains doivent jouer un rôle plus important dans les instances dirigeantes du forum qui sont dominées part les Brésiliens. Ils ont beaucoup à apporter, insiste-t-il. Le prochain forum devrait avoir lieu à Dakar et j’essayerai tant que je peux de lutter pour que la voix des organisations africaines soit mieux entendue ! »

Besoin de renouvellement des décideurs et des pratiques politiques ? Les débats de Belém ne semblent pas si éloignés de ceux qui agitent les Européens. « Je sens que la crise actuelle motive davantage les jeunes qui veulent s’impliquer dans les questions de solidarité internationale. Le besoin de réponses au niveau national mais aussi européen et international est devenu une évidence », estime enfin Benjamin. « Les élections européennes tombent donc à pic ! Nous avons l’opportunité de bousculer les pratiques et les débats au delà de nos propres frontières, comme pendant les élections américaines. »