La Cour de Babel : un beau message de tolérance
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24 élèves, autant de nationalités différentes et un point commun : apprendre le français dans une classe d'accueil du collège de la Grange aux Belles du 10ème arrondissement de Paris. La réalisatrice Julie Bertuccelli les a filmé pendant un an, et cela donne La Cour de Babel, un très beau film sur la tolérance et le vivre ensemble.
Dans le collège de la Grange-aux-Belles dans le 10ème arrondissement de Paris, une classe n’est pas comme les autres : on l’appelle classe « d’accueil », parce qu’elle regroupe 24 enfants de nationalités différentes venus en France étudier et apprendre la langue. C’est cette classe qu’a filmé pendant 1 an la réalisatrice Julie Bertuccelli. Sur 100 heures de « rush », les morceaux choisis sont compilés dans cette magnifique Cour de Babel.
L’intégration par la langue
Ils viennent du Venezuela, de Lybie, de Biélorussie, de Guinée. Ils cherchent l’asile politique, rejoignent un proche, ou sont fils et filles de diplomates. Tous ont eu des histoires différentes, mais sont ici dans le même but : apprendre la langue pour s’intégrer en France, leur « terre d’accueil ». Avec le soutien de leur professeur Brigitte Cervoni, ils apprennent ensemble, partagent leurs différences, et leurs interrogations. « Est-ce que Dieu est blanc ? », « Pourquoi y-a-t-il plusieurs langues ? », ou « Pourquoi les religions existent-t-elles ? ».
Quand chaque enfant ramène un objet auquel il tient, une Bible et un Coran provoquent un débat sur les religions. « Si vous êtes musulmans et que vous touchez une Bible, ça ne va pas vous brûler la main », dit une jeune élève avant de poursuivre : « c’est parce qu’on ne connaît pas les autres religions que les pays sont divisés ». Se raconter, donner son point de vue, remettre en question certaines idées reçues : dans cette salle de classe, la diversité est le moteur de l'apprentissage.
La Cour de Babel - Bande-annonce
Une heure et demie de vie scolaire
L’idée est née d’une rencontre entre Julie Bertuccelli et Brigitte Cervoni. Les deux femmes se sont rencontrées lors d’un festival de film scolaire, pour lequel la réalisatrice était membre du jury. Elle a alors eu envie de passer du temps avec ces élèves, « les voir étudier, évoluer ». La réalisatrice les a suivi toute l’année, à raison de 2 ou 3 jours par semaine. « Parfois j’attendais qu’ils me réclament », plaisante-t-elle. Elle a pris le parti de ne les filmer qu’entre les murs de l’école, de ne pas les montrer avec les autres élèves, ni chez eux. « Pour respecter une certaine intimité », dit-elle. Mais très vite, on a le sentiment que les enfants sont chez eux en classe. D’ailleurs, ils disent s’être habitué à la caméra. Maryam, une élève lybienne, avoue avoir rigolé lors du visionnage. « On s’est bien moqués de nous-mêmes, et on se rend compte qu’on a bien progressé. »
L'émotion au rendez-vous
Le film est puissant, parce qu’il réussit d’une façon très simple, sans mise en scène ni artifices à montrer le quotidien de ces enfants qui souhaitent réussir à s’intégrer en France. On pense bien sûr à la portée politique du film, et on ne peut nier qu’il fait du bien au moral quand l’immigration est pointée du doigt par beaucoup de responsables politiques, et pas seulement par l’extrême droite.
Mais à la fin du film, on reste surtout frappé par ces plans rapprochés, les visages de ces élèves qui parfois rient, parfois pleurent, portent leur histoire sur leurs épaules, et l’espoir dans leurs yeux. « Je veux devenir une femme libre », dit Rama, qui vient du Sénégal. Elle voudrait être médecin. Youssef, lui, vient du Maroc, et veut être architecte. Déterminé, quand Brigitte Cervoni lui demande s’il a peur de quitter la classe d’accueil, il répond « non » tout de suite. Mais comme les autres élèves, il pleure à chaudes larmes quand sonne la fin de l’année dans cette « cour de Babel » à laquelle ils se sont attachés. La grande majorité en sort pour suivre un cursus général, alors que certains ne savaient dire que « bonjour ». Un cursus « ordinaire », comme ils l’appellent. Mais ces enfants, pour sûr, ont tout d’extraordinaire.