La Convention, méthode démocratique pour la révision des Traités ?
Published on
Pourquoi avoir créé la Convention ? Apporte-t-elle les bons remèdes aux maux de l’Europe ?
L’intégration européenne est arrivée à un point décisif de son développement. Le 28 février 2002, la Convention sur l’Avenir de l’Europe a commencé ses travaux. Pour la première fois dans l’histoire de la réforme des traités, ce ne sont pas les représentants des gouvernements des États-membres qui décident seuls, à huis clos et lors d’un marathon de négociations, ce qui est le mieux pour les citoyens européens. Une assemblée dénommée Convention, composée de parlementaires, d’experts de la Commission et de représentants des gouvernements s’engage dans une analyse profonde sur les institutions européennes et leurs fonctions. Les travaux de cette convention constitueront la base de travail pour la prochaine Conférence intergouvernementale (CIG). La composition même de la Convention est parlante : la composante parlementaire est la plus importante, probablement au-delà de son poids numérique. Un moyen démocratique de préparer la révision des traités a été choisi.
Au niveau européen, ce n’est pas la première Convention mise en place. La Convention pour l’élaboration de la Charte des Droits Fondamentaux pourrait être qualifiée de prédécesseur de l’actuelle Convention. Néanmoins la tâche de la première tenait plus de la « révélation » du droit que de sa création, plus d’un travail de compilation que d’innovation.
Pourquoi a-t-on reconduit cette formule afin de préparer la révision des traités ? La réponse se trouve dans l’échec des mécanismes utilisés auparavant.
Nice, raison d’être la convention
En général, on remarque que les dernières CIG, (sommets des Etats membres en vue de la révision des Traités qui fondent l’Union) ont deux points communs : les révisions se sont faites pas à pas et elles sont intervenues à des intervalles de temps de plus en plus courts. Quand une CIG prend fin, la prochaine est annoncée. On pourrait dire que les traités sont en état de révision permanente. Toutefois, les dernières CIG, notamment celles d’Amsterdam et de Nice n’ont pas produits les résultats escomptés. Elles ont donc favorisé la création de la Convention. Comme José-Maria Aznar l’a fait remarquer lors de la session inaugurale de la Convention : « Nice, c’est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui ».
L’Union européenne est en train de préparer la cinquième reforme de ses traités en moins de vingt ans. Une nouvelle méthode a été conçue à cette fin. Quelle était la méthode classique ? Selon l’article 48 du traité sur l’Union (TUE - 1998), les traités sont modifiés par un commun accord lors d’une CIG, composée des représentants des États membres. Les amendements entreront en vigueur après avoir été ratifiés par tous les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Cette partie du processus de révision n’a pas changé. Ce qui a changé avec la création de la Convention, c’est la phase de préparation de la révision. Dans le passé, les CIG ont été préparées par des groupes de sages, des groupes d’experts ou des groupes de réflexion. Examinons ces trois modalités de préparation.
Les groupes de sages sont souvent composés de personnalités exerçant de hautes fonctions, et possédant des compétences notoires dans le domaine des pratiques européennes. Un commissaire ou ancien commissaire peut-être appelé à rejoindre le groupe, de manière individuelle. Les membres du groupe ne sont pas tenus par des intérêts nationaux et peuvent en conséquence faire des propositions réalistes et originales. Un de ces groupes de sages dirigé par Jean Luc Dehaene en 1999 a produit des rapports précieux sur les orientations futures de l’UE.
Un groupe d’experts est convoqué lorsqu’il s’agit de trouver une solution à des questions techniques. A contrario, ces experts ne devraient pas prendre des décisions politiques.
Enfin, la CIG qui a adopté l’Acte Unique Européen (1987) a été préparée par la Commission Dooge, composée des représentants de gouvernements. La CIG de 1996 a été, elle aussi, préparée par une telle commission, cette fois, sous l’appellation ‘Groupe de réflexion’ et sous la direction de Carlos Westendorp. Cette commission ne se composait pas uniquement des représentants des gouvernements, mais comprenait également de membres de la Commission et du Parlement européens. Le groupe de réflexion a identifié des matières pour lesquelles un consensus pouvait être dégagé et a produit un agenda clair et réaliste.
Le groupe de réflexion pourrait être vu comme un prédécesseur de l’actuelle Convention. Si sa taille est plus restreinte, la composition du groupe de réflexion se rapproche de celle de la Convention. Trois des quatre catégories des membres de la Convention (représentants de gouvernements, des Parlements nationaux, de la Commission et du Parlement Européen) étaient représentés au sein du groupe de réflexion de Westendorp. Par conséquent, il ne s’agissait pas seulement d’une réflexion « gouvernementaliste ».
Aucune de ces formules ne peut cependant se substituer à la CIG. La Convention elle-même ne peut prendre la décision finale. Celle-ci doit en effet être prise par les représentants des gouvernements des Etats membres. La Convention établira un document final qui devrait prendre la forme d'un projet de traité constitutionnel unique, bâti sur la base des traités TCE et TUE (Traités des Communautés Européennes et de l’Union Européenne) et qui sera présenté par le Président de la Convention au Conseil européen. Ce document final servira de point de départ pour les discussions de la CIG, qui prendra les décisions définitives.
Une relation ambiguë avec la CIG
Quelle est alors la nature juridique de la Convention ? D’un point de vue juridique, il est plus aisé de dire ce que n’est pas la Convention, plutôt que de dire ce quelle est. Elle n’est sûrement pas une Conférence intergouvernementale. De fait, sa relation avec la CIG est particulière : d’une part, elle constitue une méthode de préparation de la CIG et lui est donc connectée ; d’autre part, elle brise la longue tradition des révisons classiques. Sa relation avec la CIG pourrait donc être qualifiée d’ambiguë.
Même si elle était institutionnalisée, la Convention ne serait pas une « institution » européenne au sens strict. Celles-ci sont au nombre de cinq, à savoir le Conseil des Ministres, la Commission, le Parlement, la Cour de Justice et la Cour des Comptes, d’après l’Art 7 CE. Le Comité des Régions et le Comité Économique et Social ne constituent pas des institutions ; ils sont, cependant, institutionnalisés. On va conclure que la Convention, comme l’Union européenne, est une structure ‘sui generis’. Elle représente quelque chose qui n’existait pas précédemment.
On pourrait la qualifier de structure ‘ad hoc’, mise en place pour une durée déterminée, à savoir une année. Cela pourrait correspondre à la définition donnée par son Président Valery Giscard d’Estaing qui l’a qualifiée lors de sa session inaugurale : « Une Convention, c’est un groupe d’hommes et de femmes qui se rencontrent à seule fin de préparer une proposition commune ».
En tout état de cause et quelle que soit la définition que l’on retienne, il faudrait institutionnaliser la Convention. Ce serait un élément supplémentaire de légitimité de la construction européenne.