La Constitution belle comme un camion
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La Constitution cherche un costume de rêve pour des cérémonies référendaires réussies. Disponible au rayon communication.
Les Institutions européennes ne sont pas douées pour la communication. Le président désigné de la Commission, M. Barroso en donnait récemment une belle illustration en affirmant que « faire tomber une Commission parce que deux ou trois commissaires ne donnent pas satisfaction (…) ne serait pas raisonnable ». On sait comment sa première équipe a fini. Mais la responsabilité de l’UE n’est pas toujours en cause : faiblesse du budget « com » et absence de média européen de masse, auxquels s’ajoute un accès restreint aux médias nationaux expliquent l’aphonie des institutions.
1 seul citoyen sur 4 bien informé
Pour la Constitution néanmoins, la Commission avait fait des efforts, en organisant un grand débat sur l’Europe sensé consulter (et donc concerner) les citoyens et alimenter ainsi les travaux de la Convention. Quelques sommets européens plus tard, la Constitution pour l’Europe, enfin prête, reste toutefois, largement méconnue (en moyenne, seul 1 citoyen sur 4 s’estime « bien informé sur les questions liées à la Constitution » selon Eurobaromètre (pdf), en juin 2004). Trop de citoyens n’ont pas entendu parler de sa préparation et sont inquiets ; le mot Constitution n’est pas anodin.
Le travail d’information et de communication réalisé jusqu’à aujourd’hui n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan d’incompréhension qui subsiste quant au système européen en général et pour le traité constitutionnel en particulier. La nouvelle Commission entend prendre le problème à bras le corps avec sa Commissaire pour les relations institutionnelles et la stratégie de communication, Margot Wallström. Pour la Suédoise, la ratification de la Constitution sera à n’en pas douter une voire LA priorité des années à venir.
Quand les Etats s’en mêlent
La tenue de referendums nationaux, préférée à l’idée d’un grand referendum européen s’est finalement imposée, rappelant que la Constitution est surtout en fait un traité constitutionnel. Comme pour l’Euro, la Commission bénéficiera donc de la collaboration des Etats membres qui connaissent mieux leurs populations nationales et bénéficient, davantage qu’au niveau européen, de réseaux d’influences constitués. Si les gouvernements s’engageront donc pour le oui, les paysages politiques nationaux auront souvent des avis plus nuancés (« oui mais », « oui si » ou « non mais »).
Le déni d’espace public européen est pour une fois salutaire pour élargir le débat à toutes celles et ceux qui devront se prononcer pour ou contre cette Constitution dans les mois à venir. En effet, si l’on déplore généralement la nationalisation des enjeux et débats européens, il faut certainement reconnaître qu’elle permettra ici de parler et de faire parler de la constitution. En réalité, il y aura moins de débats publics que de confrontations médiatiques entre les pro et les anti, comme souvent quand on parle de l’Union européenne. Les partis politiques nationaux ont la capacité de convaincre les citoyens. Leur moyens de communication sont autrement plus efficaces que ceux de la Commission. Surtout, ils maîtrisent des espaces publics dans lesquels les repères culturels sont autant d’armes au service de la persuasion de masse. Une véritable entreprise de séduction des opinions publiques se prépare donc, qui risque hélas de laisser de côté les véritables attentes des Européens.
Communication très (trop ?) classique
La communication sur la Constitution, devrait toutefois, dans une certaine mesure, s’inspirer des grandes aspirations, voire des rêves des citoyens nationaux en fonction de leur rapport au projet européen. Pour ce qui est des vecteurs de cette communication, les hommes politiques pourraient se voir adjoindre des personnalités plus sexy. David Beckham, footballeur anglais, travailleur immigré à Madrid, aurait ainsi été contacté et compterait parmi une liste établie par le gouvernement Blair pour sa campagne du oui à la Constitution.
Deux grands axes de discours se dessinent donc : d’un côté la Constitution, voie vers une Europe fédérale ; de l’autre la Constitution, voie vers un renforcement d’une Europe-marché. Entre ces deux bornes, chaque gouvernement mettra en place sa propre campagne. Cela passera aussi par des choix sémantiques cruciaux. Ainsi, là où trop d’intégration européenne fait peur, on préférera le terme de traité constitutionnel à celui de constitution, trop riche de symboles nationaux et synonyme d’une intégration européenne « lourde ». Les contre tenteront probablement aussi de confondre les enjeux comme c’est le cas déjà pour la question turque par exemple.
Les campagnes de communication s’organisent partout dans l’UE sur des modes plus ou moins originaux. En Espagne, premier Etat membre à organiser un référendum, la campagne gouvernementale traîne ; les socialistes au pouvoir se sont prononcés pour la Constitution en avançant des arguments fédéralistes. Le parti populaire devrait lui emboîter le pas mais avec, pour sa part, des arguments plutôt libéraux et anti-fédéralistes. L’extrême gauche rejette ce qu’elle considère être un pas en arrière pour l’Europe sociale. En France, les opinions sont plus partagées au sein même des formations politiques, les socialistes, par exemple, étant largement divisés…
Quoi qu’ils pensent de l’Europe, il faudra donc amener les citoyens à se déplacer pour dire oui le jour du référendum. Les campagnes de communication tenteront de passionner le débat et cela aura, espérons le, le mérite de concerner les citoyens. Espérons que les sirènes populistes ne charmeront pas la vox populi. Europhile, eurosceptique ou europragmatique, choisissez votre camp et pour tous, une petite lecture de ladite Constitution pour l’Europe vous permettra peut-être de savoir si, oui ou non, le costume constitutionnel était taillé pour vous.