La chasse aux pirates
Published on
Activité remontant à la nuit des temps – en Grèce antique notamment –, la piraterie tend à faire parler d’elle depuis quelques mois. Sévissant principalement en Asie du Sud-est, Amérique latine, golfe de Guinée ou encore mer des Caraïbes, c’est actuellement la corne de l’Afrique qui retient l’attention. En effet, plus de cent attaques en 2008, le double de l’année précédente, y ont été dénombrées.
Des agressions qui visent navires marchands comme bateaux de plaisance, suivies de prises d’otages accompagnées de demandes de rançon exorbitantes.
Les réactions des États défiés ont d’abord été isolées, comme l’intervention des militaires français pour libérer le voilier Le Ponant au printemps, ou le sabordage récent d’un bateau pirate par la marine indienne...
© Reuters
Mais la communauté internationale se mobilise, l’Union européenne jouant un rôle moteur. À l’initiative (estivale) de la présidence française de l’UE, une mission navale commune a été entérinée le 10 novembre.
Avec l’appui de l’ONU, l’Eunavfor Atalanta se déploie pour plusieurs mois au large des côtes somaliennes, les plus concernées par la piraterie. Ses six navires de guerre et trois avions patrouilleurs vont prendre le relais des quatre bâtiments de l’Otan sur place depuis fin octobre. Et appuyer ceux de la TF-150, force navale américaine de soutien aux opérations en Afghanistan.
C’est un essai pour la jeune Politique européenne de sécurité et de défense (Pesc). Participent pour l’instant Danemark, Allemagne, France, Pays Bas, Royaume-Uni, Grèce, Espagne, Belgique, Suède. Le Portugal les rejoindra sûrement. Turquie, Croatie et Norvège ont quant à elles été approchées. Le commandement sera placé sous l’autorité des Britanniques, un signe fort. Quant à la coordination sur le terrain, elle sera tournante, d’abord assurée par les Grecs.
En outre, les efforts européens veulent être soutenus par d’autres États comme la Russie, l’Iran, l’Inde ou la Malaisie. Surtout la Ligue arabe veut prendre des dispositions anti-piraterie.
Car les enjeux ne sont pas négligeables.
Le golfe d’Aden voit chaque année le passage de seize mille navires – 7.5 % du trafic mondial –, la plupart pétroliers, qui transitent par le canal de Suez. C’est en effet la plus courte route maritime pour contourner l’Afrique.
De plus, la Somalie apparaît comme une véritable poudrière, en guerre civile depuis près de vingt ans. Sans État, sous-développé et sans ressource naturelle, le pays voit fleurir des mafias en tout genre, dont celle de la piraterie, qui peut rapporter gros.
Des pirates qui ne sont plus de vulgaires mercenaires, car équipés d’armements modernes et de longue portée.
Estimés à un millier, ils sévissent sur trois mille kilomètres de côte et une zone maritime grande comme quatre fois la France...
Du coup l’Eunavfor Atalanta s’avère ambitieuse.
Et certains verraient d’un bon œil la présence d’agents de sécurité sur les bateaux, méthode dissuasive mais peut-être dangereuse.
D’autres comme la Russie ou l’Union africaine proposent une intervention terrestre, pour éradiquer les « nids » de pirates, et remettre de l’ordre en Somalie. Or les fiascos militaires du début des années 1990 sont encore dans les mémoires.
De plus, nombre d’observateurs craignent une radicalisation de la piraterie et son rapprochement avec le terrorisme islamique.
Enfin, il reste l’épine des législations internationales, empêchant une répression efficace des criminels pour le moment.
Quoi qu’il en soit, la protection des navires est une nécessité à court terme. Afin de limiter les risques de catastrophe écologique – on imagine les dégâts du naufrage d’un pétrolier.
Et surtout pour éviter une grave crise sanitaire, car trois millions de Somaliens dépendent de l’aide fournie par la flotte du Programme alimentaire mondial.