La Catalogne joue les prolongations
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Philippe VanderpotteLe nouvel exécutif catalan travaille déjà à poser les bases d'une future République catalane bien qu'il ait ajouté une série de nuances au processus démarré par le gouvernement régional précédent. De leur côté, aussi bien le gouvernement central espagnol que l'opposition continuent à rejeter le processus.
Quelques heures après que les membres du nouveau gouvernement de la Catalogne sont entrés en fonction, leur président, Carles Puigdemont, a déclaré que son gouvernement ne pense pas déclarer unilatéralement l'indépendance. Dans une interview à la télévision publique catalane, Puigdemont a dit clairement que le mandat des élections du 27 septembre 2015 est de préparer le terrain et d'établir les bases pour garantir une Catalogne indépendante stable et sous les normes d'une nouvelle constitution propre. « Si nous le faisons bien, le référendum de la constitution de la République catalane permettra que les gens qui auraient voté non, puissent maintenant voter oui », a-t-il dit.
Un délai de 18 mois a été fixé pour mener à bien le processus vers l'indépendance. Un chiffre fixé en son temps par l'ex-président Artur Mas en campagne électorale, que le nouveau chef du gouvernement catalan nuance : « Le délai ne peut pas être un corset. Si on peut être plus rapide, tant mieux, mais s'il faut le prolonger un peu, ce n'est pas grave non plus ». Il semble que l'héritier de Mas veuille faire les choses avec calme et bonne manière. Celui-ci s'est montré jusqu'à présent moins offensif dans les formes que son prédécesseur car l'objectif de son gouvernement, selon lui, est de « faire les choses bien », « avec toutes les garanties » et en dialogant pour « maintenir les ponts » avec le gouvernement central qui est actuellement au pouvoir et qui jusqu'à présent est resté ferme sur son « non » à un processus d'indépendance qu'il considère illégal.
Le nouvel exécutif catalan a été formé plus de trois mois après les élections du 27 septembre. Le président Puigdemont a été investi juste à temps, le dernier jour prévu par la législation. Quelques heures de plus et la Catalogne aurait dû resortir les urnes pour de nouvelles élections. Le jour de ladite investiture en dernière minute, Puigdemont a déclaré que la Catalogne se trouve « entre la post-autonomie et l'indépendance ». Il est clair pour lui que son équipe et lui-même ont la force et la légitimité pour démarrer la rupture, mais en même temps, il se pose la question suivante : « Avons-nous la force suffisante pour proclamer l'indépendance avec cette composition parlementaire ? Pas encore ! », a-t-il ajouté quelques jours plus tard dans son interview sur TV3 (chaîne de télévision catalane, ndt). « Nous ne ferons pas de déclaration unilatérale d'indépendance. Ce n'est pas prévu dans le programme », a-t-il conclu.
Un conseiller des Affaires étrangères pour la Catalogne
Cela fait des années qu'en Catalogne, on ne promet pas d'être fidèle à la constitution pour prendre ses fonctions. Ce n'est pas le cas de cette législature non plus, bien que cela ait eu encore plus de répercussions que les autres fois, puisque aussi bien l'opposition que le gouvernement central considèrent « le processus » comme illégal. Inconstitutionnel. Et le Bureau de l'Avocat général de l'État est déjà en train d'étudier cette omission. Il n'y a pas eu de références faites à la Carta Magna, ni au Chef de l'État.
La présidente du Parlement, Carme Forcadell, ancienne activiste pro-indépendance, a demandé aux conseillers : « Promettez-vous de remplir fidèlement, en accord avec la loi, les obligations des charges que vous assumez, au service de la Catalogne et avec loyauté envers le Président de la Generalitat ? ». À cela, ces derniers ont répondu : « Oui, je le promets ». Et forts de cette promesse, les conseillers de Puigdemont sont déjà au travail pour préparer les institutions catalanes pour l'indépendance.
Oriol Junqueras, leader de la Gauche républicaine de Catalogne (Esquerra Republicana de Catalunya - ERC), est maintenant le nouveau vice-président. Il prend la relève de Neus Munté, qui occupe maintenant le portefeuille de la Présidence. Un exécutif clairement indépendantiste, formé par des membres des partis qui se sont unis pour se présenter ensemble aux élections pour l'indépendance au sein de Junts Pel Sí (Ensemble pour le oui, formé de CiU, Convergence et Union, et ERC, ndt), dans lequel il y a eu des changements et des transferts de portefeuilles, mais aussi la création d'un nouveau département. Celui des affaires étrangères.
Raúl Romeva, tête de liste de la coalition Junts Pel Sí et eurodéputé du parti Initiative pour la Catalogne Verts (Iniciativa Catalunya Verds) pendant dix ans, veillera à éviter les conflits avec le gouvernement central (celui qui est actuellement en fonction et celui se va être formé dans le futur). Jusque maintenant, les relations de la région avec l'étranger étaient l'affaire du secrétaire général, et cette promotion n'est pas un hasard : elle répond à l'intention de la Generalitat d'internationaliser le processus de séparation avec l'Espagne. Après être entré en fonction, Romeva a expliqué que la Catalogne est « une société qui offre beaucoup au reste du monde. Il est aussi important de demander des alliances que de les offrir nous-mêmes. Nous aussi nous pouvons apporter quelque chose au niveau européen et international ». Romeva se comportera à partir de maintenant comme « ministre des Affaires étrangères » pour tenter de trouver des partenaires internationaux qui soutiennent son projet, quelque chose qui jusqu'à présent a déjà été tenté sans grand succès.
En 2015, plusieurs visites de diplomates catalans ont eu lieu dans des pays tels que les États-Unis, la Belgique, la Suède, l'Uruguay ou le Paraguay, des visites critiquées par les représentants espagnols sur place. De son côté, la Generalitat possède plusieurs délégations à l'étranger, créées il y a plusieurs années, comme celles de New-York, Londres, Bruxelles, Paris ou Berlin. Les plus récentes sont celle de Rome et de Vienne, inaugurées durant le mandat de Artur Mas. En plus de cela, le Gouvernement de la Catalogne compte sur un large réseau de bureaux sectoriels à l'étranger de type linguistique, culturel et touristique.
Le rayonnement extérieur fait partie de la feuille de route de ce nouveau gouvernement qui, depuis son entrée en fonction, ne cesse d'aller vers son but : l'indépendance. Le fait qu'ils y parviennent ou pas va dépendre en grande partie de ce nouvel exécutif et des institutions centrales. Pour le moment, Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) et Democràcia i Llibertat (DiL, Démocratie et liberté, l'ancienne Convergence Démocratique de Catalogne d'Artur Mas, ndt) ont un poids important au Parlement avec respectivement huit et neuf sièges. Et depuis peu, ils ont gagné en poids au Sénat, après que le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol, ndt), second parti des élections générales, a « prêté » quatre de ses sénateurs à ces deux partis afin qu'ils puissent créer un groupe propre dans cette même institution. Une simple « courtoisie parlementaire », selon le PSOE mais tout de même interpellante si on prend en compte le fait que les socialistes auront besoin du soutien des indépendantistes pour l'investiture de leur candidat comme Chef du gouvernement. L'Espagne vit un moment de changement politique effervescent et la question indépendantiste loin de rester à la marge des questions de l'État, se place déjà en clef de voûte pour le futur du pays.
Translated from Declaración unilateral no. Independencia sí.