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« La Bolivie pense nationaliste »

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Réforme de l'Etat et nationalisation des hydrocarbures : Evo Morales est-il hostile aux étrangers ?

« Les multinationales européennes qui ne renégocient pas leurs contrats avec la Bolivie avant le 1 novembre devront quitter le pays », avait averti le vice-président bolivien Álvaro Llanera. Info ou intox ? Avec un PIB de 3 000 euros par an et par citoyen, la Bolivie reste le second pays le plus pauvre d’Amérique latine ainsi que le plus instable politiquement.

Pablo Gutiérrez Vega, 35 ans, membre de la Mission d’observation électorale de l’UE en Bolivie et professeur espagnol d’histoire du droit dissèque les conséquences de l’accession au pouvoir d’Evo Morales. Elu en décembre 2005 avec plus de 53% des voix, Morales est premier président bolivien d’origine amérindienne, dans un pays où 60% de la population est indigène.

Opération restructuration

A la tête du Mouvement vers le socialisme (MAS), Evo Morales, dans le cadre de son projet de refonte de l’État bolivien, convoque dès son entrée en fonctions, la tenue d’une Assemblée constituante. Depuis le mois d’août 2006, le Congrès et l’Assemblée constituante fonctionnent et planchent sur l’adoption d’une nouvelle Constitution d’ici un an. En mai, le président Evo Morales annonce la nationalisation des gisements d'hydrocarbures. Des mesures jugées inquiétantes par les observateurs internationaux.

« Dans l’absolu », affirme Gutiérrez Vega, « il n’y a pas de rejet des étrangers : en Bolivie, nous pouvons voir de nombreux Espagnols, Cubains ou Vénézuéliens qui se sentent comme chez eux. » Avant de nuancer : « ces dernières années, beaucoup de Serbes ont acheté des terrains dans l’Est du pays et investi dans des entreprises, en transgressant une loi interdisant l’acquisition de terrains par des étrangers dans un périmètre de 50 kms à l’intérieur des frontières du pays. » Une attitude qui, selon Gutiérrez « suscite une vague de mécontentement au sein de la population. »

Un pays perdant

Néanmoins, « dans un pays qui a perdu toutes les guerres auxquelles il a participées et qui occupe aujourd’hui le tiers du territoire qu’il occupait lors de son accession à l’indépendance en 1825, il est normal que les citoyens soient nationalistes », soutient notre interlocuteur. La Bolivie est sorti perdante de la guerre contre le Chili à la fin du XIXème siècle et a de fait perdu son unique accès à la mer. « Une raison pour laquelle existe encore un certain populisme anti-chilien », reprend Gutiérrez.

« De fait, la nationalisation en Bolivie des ressources en gaz et pétrole gérées par des entreprises européennes, brésiliennes ou argentines a une autre conséquence, probablement intentionnelle : ces compagnies -qui sont aussi les fournisseurs en hydrocarbures du Chili – répercutent la hausse des prix sur le Chili. »

La mesure prise par Morales semble d'ailleurs recueillir l’approbation unanime des Boliviens . « Le consensus ne s’applique pas dans toute le pays, » s’empresse de tempérer Gutiérrez. « Il concerne surtout La Paz, la capitale et El Alto, centre névralgique des élans de mobilisation sociale de ces dernières années. Les régions de l’Est ne sont pas tellement d’accord avec le processus de nationalisation.  »

Des entreprises européennes sans alternative

Conséquence, la Bolivie se retrouve clairement scindée entre les provinces occidentales, plus peuplées, et orientales, où se réfugie l’aristocratie nationale. Le département prospère de Santa Cruz est ainsi devenu le quartier général des bourgeois et des autonomistes qui cherchent à décentraliser le pouvoir de La Paz. En juillet 2006, un referendum organisé sur les autonomies régionales a pourtant vu la victoire du « Non ».

L’opposition peut-elle aujourd’hui proposer une alternative crédible à la politique d’Evo Morales ? « Absolument pas », juge Gutiérrez, « l’opposition bolivienne est immergée dans une crise sans précédent. Elle est totalement discréditée, aussi bien la droite que le Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR) avec lequel le Ché a fait la révolution dans les années 50 et 60. Le gouvernement de Morales travaille actuellement à la concession des droits sur l’accès aux ressources du sol pour les indigènes. Et il est probable que cette décision soit prochainement adoptée.  »

Translated from Pablo Gutiérrez Vega: En Bolivia no hay rechazo a lo europeo pero sí nacionalismo