La bière : une recette qui appuie sur le champignon
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CoumbaOrge, eau, houblon et levure. Quatre éléments, une formule ancestrale et de nombreuses années d’ivresse sont à l’origine d’une des boissons alcolisées les plus anciennes de la planète : la bière. Sa découverte est le fruit d’un heureux hasard, résultat d’une réaction biochimique initiée par un champignon.
On dit que personne n’aime la bière la toute première fois qu’on la goûte. Que nous affichons tous la même grimace au moment de prendre une gorgée prudente du liquide couleur or qui pétille dans notre verre. Cependant, à force de récidive, notre palais finit par s’habituer à la saveur intense de ce breuvage à la recette millénaire. Et au final, presque sans nous en rendre compte, elle en devient irremplaçable. Présente dans notre vie quotidienne, nous la consommons maintenant de manière compulsive. A tel point qu’elle est désormais la troisième boisson la plus consommée autour de la planète, suivant de près l’eau et le thé. Mais est-il possible de rivaliser avec des besoins vitaux ? Au-délà des indices de popularité et autres tables de classification, quels sont les secrets qui se cachent derrière la plus douce des boissons amères ?
Tout le mérite de ce méticuleux procedé d’élaboration est dû à un organisme monocellulaire : le champignon Saccahromyces Cerevisiae. Bien que la plupart d’entre nous n’ait jamais entendu parler de lui, du moins sous son véritable nom, il cache pourtant derrière une appelation latine un ingrédient très connu. La levure. Cette masse de couleur indescriptible, base indispensable du pain et de la pizza, recèle des millions de ces micro-organismes, prêts à fermenter.
C’est justement la fermentation, son mécanisme particulier qui vise à produire de l’énergie face à l’absence d’oxygène ambiant, qui transforme un simple jus d’orge en la boisson la plus populaire du monde. Cap sur les origines.
La bière de Toutankhamon
Des manuscrits égyptiens vieux de plus de 8000 ans démontrent qu'à cette époque, on élaborait déjà du vin d’orge à partir de la fermentation de pain peu cuit. De même, il apparaît que les constructeurs des pyramides se rafraîchissaient en buvant une version primitive de nos bières actuelles, bien que son goût était vraisemblablement beaucoup plus sucré que celui que nous associons de nos jours à cette boisson. Sa recette puise ses origines sur les bords du Nil. Il est certain que différentes civilisations élaborèrent de manière indépendante (un concept bien difficile à imaginer dans le monde globalisé dans lequel nous vivons) des boissons fermentées alcoolisées à partir de plusieurs céréales. L’histoire, l’inspiration, de même que les conditions agraires ont permis aux producteurs de bière du monde entier d’avoir la brillante idée d’élaborer des jus à partir de céréales comme l’orge, le maïs, le blé, ou bien, dans le temps les plus anciens, le sorgho. Cette richesse a donné lieu à d’inombrables variétés, nuances et saveurs, qui ont survécu jusqu’aujourd’hui. Cependant, parmi toutes ces céréales, l’orge est le plus utilisé, et illustre le procédé habituel de production de la bière. Prenons-le comme exemple. Une fois les grains récoltés, ils sont mélangés à de l’eau afin de provoquer leur germination. Ce qui résulte de ce procédé de trempage n’est ni plus ni moins que le malte. Ensuite, le grain malté est moulu puis porté à ébullition dans de l’eau, afin d’obtenir, une fois le mélange filtré et débarassé de ses impuretés, le jus d’orge. Une boisson sucrée que les saccaharomyces cerevisiae, par leur fermentation, rendent alcolisée.
La touche teutonne
Nous sommes déjà au XIè siècle lorsque l’on décide, en Europe centrale, d’incorporer à la recette traditionnelle un ingrédient qui changera à jamais la saveur de la bière. L’Humulus lupulus, plante de la famille des cannabinacées. Oui, vous avez bien lu, elle fait partie de la même famille que le cannabis (les deux partagent d’ailleurs les mêmes propriétés relaxantes). Son nom commun, qui sera sûrement reconnu même par les non-amateurs de botanique, c’est le lupus. En le faisant bouillir mélangé au jus d’orge, juste avant le début du processus de fermentation, la bière obtenue aura une saveur plus amère. Aussi amère que celle que nous connaissons à notre époque. Le succès de cette nouvelle recette fut si retentissant qu’il mena à l’apparition des première brasseries, et de leurs maîtres respectifs. Les Allemands étaient si convaincus du succès de l’incoporation du lupus à la formule, qu’en 1516, Guillaume IV de Bavière institua la « Reinheitsgebot », plus familièrement connue sous le nom de « loi de la pureté de la bière ». Selon ce décret, toute bière qui voudrait être considérée comme telle devait être obligatoirement élaborée à partir de 4 ingrédients: l’orge malté, l’eau, le lupus, et la levure. Cette loi resta en vigueur jusqu’en 1986, date à laquelle l’Union européenne prit la décision de la substituer par ses propres régulations.
Industrialisation vs artisanat
Bien que la recette de la bière soit connue depuis plus de mille ans, son industralisation, et par conséquent, sa commercialisation de masse, ne sont pas apparues qu’au XIXè siècle, lorsque le processus de fermentation fût véritablement assimilé. Le mécanisme à l’origine des colonies de champignons qui forment la levure n’est autre que l’obtention d’énergie provenant des sucres présents dans le jus d’orge. Des sucres qui, eux, proviennent de l’amidon qui se trouvait dans les grains de la céréale, après que celle-ci eût été mélangée à l’eau. En conséquence de cette consommation énergétique, les millions de Saccharomyces cerevisiae qui interviennent dans la fermentation expulsent des molécules d’alcool et de CO2, gaz à l’origine des bulles de la boisson. La gradation, les nuances de saveur, de couleur ou d’arôme, varient selon les modifications - subtiles ou importantes - apportées lors des différentes phases de ce processus, aussi simple qu’antique (rappelons tout de même que cet article expose une version simplifiée d’un processus scientifique très précis).
De nos jours, grâce à la simplicité de la recette, des centaines de producteurs artisanaux des quatre coins du globe fabriquent de la bière, sans compter les innombrables marques industrielles. Pendant les années 70, les premiers producteurs américains ont fait leur apparition, en reproduisaient chez eux les bières traditionnelles européennes. Une décennie plus tard, la mode traverse l’Atlantique et s’installe en Europe, où un grand nombre de personnes entreprennent de lancer leur propre marque. Une saveur authentique et intense qui ravit les papilles des amateurs de cette boisson légendaire. Et tout cela grâce à un champignon.
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Infographie Adrien le Coärer pour cafébabel
Translated from La fórmula de la cerveza