La BD roumaine s'expose à Bruxelles
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Par Nicolas Bronfort Si Steven Spielberg remet actuellement Tintin sur le devant de la scène suite à la sortie de son film Le secret de la Licorne, nombreux sont ceux qui ont œuvré à l’universalité de l’œuvre hergéenne. Parmi ceux-ci, Dodo Nita. S’il est sans doute moins connu que le réalisateur américain, lui aussi a aidé le héros de Hergé à traverser les frontières. Comment ?
En traduisant cinq albums de Tintin en langue roumaine, mais aussi en publiant une étude selon laquelle trois des albums du célèbre reporter à la houppe aurait pour terrain le pays de Dracula.
Mais si Dodo Nita, le président de l'Association des bédéphiles roumains, était à Bruxelles mercredi dernier, c'était avant tout pour assister à l'inauguration de l'exposition « 77 ans de BD en Roumanie », au CBBD (Centre Belge de la Bande Dessinée). Une exposition qui permettra aux visiteurs de se familiariser avec les différents âges de la bande dessinée roumaine. À savoir la période du Royaume (1924-1947), la période communiste (1948-1989) et enfin la période contemporaine. « Je ne pouvais pas m'imaginer lorsque je suis venu pour la première fois en 1993, qu'un jour on pourrait exposer ici. Puis avec Alex (NDLR : Alexandru Ciubotariu, le commissaire de l'exposition), on a trouvé des trésors, des planches originales. On s'est dit qu'on devait faire cette expo. Et là, nous exposons à Bruxelles, c'est une grande fierté. »
« Un papier carbone qui permet de lire la société roumaine »
Si cette expo peut se tenir à Bruxelles, c'est aussi par l'entremise de Jean Auquier, le directeur du CBBD, qui se rend régulièrement en Roumanie. « C'est comme ça que j'ai vu les planches originales qui sont proposées dans l'exposition. Je pense que la bande dessinée peut être une sorte de papier carbone permettant de lire la société à travers les années. Pas uniquement en Roumanie, d'ailleurs. Dans l'exposition, on la lit d'ailleurs très facilement à travers les trois périodes de la BD roumaine. Et puis tout le monde a à apprendre du courage des auteurs de BD roumains durant la période communiste. Ils sont des héros. Pas des héros bande dessinée, des héros tout court. »
L'exposition retrace les grandes périodes de l'histoire de la BD roumaine, une histoire qui, comme celle du pays est fortement marquée par le communisme. « Entre 1947 et 1989, seuls 50 titres de bandes dessinées sont parus. Et la censure était légion, explique Dodo Nita. La plupart des ouvrages publiés étaient des BD à l'intention des enfants. On ne pouvait pas aborder des sujets comme l'église ou la politique. Après 1989, grâce à l'explosion de la liberté d'expression, on a de nouveau vu apparaître des BD pornographiques, politiques. »
Alexandru Ciubotariu, porte-drapeau de la nouvelle génération d'auteurs roumains est également très heureux d'être le commissaire de cette expo à Bruxelles, mais reste réaliste quant à la situation de la bande dessinée dans son pays. « C'est très important pour moi et pour la BD roumaine d'être ici, dit-il ému. Mais cela reste très difficile chez nous. Il manque des éditeurs qui font confiance à la bande dessinée. Beaucoup de gens doivent s'auto-publier... Depuis 1989, il y a des choses très bonnes, des expériences graphiques. J'espère que la BD contemporaine roumaine va garder sa touche culturelle spécifique, qu'elle ne ressemble pas aux monstres culturels qu'on voit se développer aux Etats-Unis par exemple.»
Le problème de l'édition
Si il est un auteur de Bandes Dessinées qui a traversé les âges en Roumanie, c'est Puiu Manu. Ajourd'hui âgé de 83 ans, il dessine toujours. Il a connu la période communiste « durant laquelle il fallait slalomer à travers les interdictions », et lui aussi est confronté au problème actuel du manque d'éditeurs. « On m'a dit un jour à Paris que j'étais le dinosaure de la BD roumaine (rires). Exposer ici, c'était un de mes grands rêves. Je ne peux pas le croire, c'est extraordinaire. Malheureusement, la situation chez nous n'est pas favorable actuellement. Dernièrement, l'institut culturel roumain a invité tous les éditeurs roumains pour une rencontre avec les auteurs de bande dessinée. Un seul a répondu à l'invitation, mais a dit qu'il ne voulait pas publier de BD car il n'en vendrait pas. C'est grave... Ma dernière BD parue, je l'ai publiée avec mon argent. J'ai une autre BD qui est terminée, qui raconte les aventures d'un James Bond roumain, Marius. Mais je ne trouve pas d'éditeur. »
L'exposition « 77 ans de BD roumaine », si elle veut montrer au public belge ce qui se passe ailleurs sur la planète BD, a également pour but de faire bouger les choses en Roumanie. « On n'attend pas uniquement une réaction du public belge, conclut Dodo Nita. Mais aussi chez nous, en Roumanie. Si les éditeurs pouvaient se dire « Tiens, si les Belges font une exposition sur la BD roumaine, nous aussi on va s'y intéresser», c'est en tout cas ce que l'on espère. »
Pour découvrir Haplea, dont le premier album a été publié en 1924 et dont les aventures se poursuivent toujours aujourd’hui, Minitenhicus et autres héros de BD roumains, rendez-vous au Centre Belge de la Bande Dessinée. Jusqu’au 20 mai 2012.
77 ans de BD roumaine Jusqu'au 20 mai 2012 Centre Belge de la Bande Dessinée Rue des Sables, 20 1000 Bruxelles