L' Australie dans les pensées des Italiens
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Elise CompagnonL’image de l’émigré italien des années 50 qui quitte son pays avec une « valise en carton » a laissé place à celle de l’italien diplômé qui converge vers l’étranger avec un « bout de papier ». Les temps ont changé, les exigences sont différentes mais le résultat semble être le même : les jeunes européens partent avec l’espoir de trouver une place au soleil dans un coin du monde.
Est-ce que tout ce qui brille se transforme en or ? Réflexion d’une Italienne en Australie.
Depuis près de trois mois, je suis à Melbourne, en Australie, et dans quelques semaines, un long vol retour pour l’Italie m’attend, à contre courant des jeunes Italiens qui se rendent au pays des kangourous ces derniers temps. Les chiffres officiels de l’année dernière peuvent laisser perplexe, selon les statistiques du Department of Immigration and Citizenship du gouvernement australien, 62 083 Italiens ont bénéficié d’un visa d’entrée.
Les autres pays européens, plus ou moins intensément touchés par la crise économique, ne sont pas en reste puisque l’on dénombre 184 163 visas attribués en Allemagne, 132 113 en France, 76 432 en Irlande et 22 092 en Espagne. Parmi les touristes et les voyageurs à court terme, une grande partie sont de jeunes diplômés qui viennent frapper à la porte australienne avec un working holiday visa (visa vacances-travail) en mains.
Cependant, le plus dur est de rester. La lutte pour l’existence se traduit ici par une lutte bureaucratique afin de déceler de nouveaux moyens de prolonger son séjour. Fascinés par l’inattendue décontraction de la vie urbaine, par la philosophie australienne du « no worries mate », par les grands espaces qu’offre l’île océanique et par le multiculturalisme qui envahit les rues, les cuisines et les visages, les jeunes émigrés, Italiens et Européens, voient dans l’Australie une terre d’opportunités. Le working holiday visa (visa vacances-travail) permet, au moins de 31 ans, de résider et travailler en Australie pendant un an, à condition de changer d’employeur tous les six mois. Pour que le visa soit renouvelé, et rester une année de plus, il faut prêter ses services aux fermes des zones rurales pour un minimum de trois mois. En effet, l’employeur doit déclarer au gouvernement que la présence du travailleur est nécessaire et qu’il est disposé à soutenir les coûts élevés d’un visa permanent. La situation commence à se compliquer quand l’on se rend compte, qu’à 16 000 kilomètres de distance, les diplômes ne sont pas reconnus ou n’ont pas la même équivalence.
Il est facile d’accepter les petits boulots car on est sidéré par le tarif horaire. De fait, on parle d’une moyenne de 14-20 dollars australiens (1 euro correspond à 1,24 AUD) pour travailler dans un restaurant, considérant que la paie varie en fonction de l’expérience. Ces chiffres sont à rapporter indubitablement au coût de la vie qui, dans les grandes villes comme Melbourne ou Sydney, est élevé.
Le doute est que tous les espoirs ne trouvent pas ici leur dénouement
Néanmoins, le jeune a le sentiment d’être indépendant et de vivre plutôt aisément même en travaillant dans un bar. Le doute est que tous les espoirs ne trouvent pas ici leur dénouement. L’enthousiasme du départ est souvent remis en question par la prise de conscience, en arrivant du Vieux continent, qu’il faut faire ses comptes avec une réalité difficile, qui se complique au fur et à mesure que l’immigration européenne et asiatique se fait pressante car l’Australie, à sa manière, se défend et pose des obstacles aux longs séjours.
Manuela et Vittoria, de Rome, occupées à leurs préparatifs de retour en Italie après quatre ans passés en Australie, font l’expérience de ces difficultés. Il ne reste que quelques mois à Manuela, 32 ans. En mars, elle sera contrainte à rentrer en Europe : « J’ai fini mon Master en traduction en novembre (équivalent d’un master ou d’une maitrise en Italie/France). J’ai quatre mois pour trouver un employeur avant que mon visa étudiant expire. Vu le peu de temps, je dois me faire à l’idée, de plus en plus sérieuse, de devoir quitter l’Australie. » Vittoria, 28 ans, n’a pas trouvé d’emploi et a déjà utilisé tous les visas exploitables. C’est maintenant le temps de rentrer : « Après quatre ans ici, j’ai peur de ce que l’Italie et l’Europe pourront m’offrir », admet-elle. Un mélange de crainte et de désillusion avec cette idée de l’Australie qu’elles avaient et qui n’a pas tenue ses promesses.
La réflexion de l’Italien qui cherche une place au soleil, car il croit en ses capacités et qu’il est prêt à voyager pour se faire reconnaitre, est toujours d’actualité. En même temps, ses pensées reviennent toujours à l’Italie, à laquelle il songe immanquablement avec cet éternel sentiment contradictoire d’amour-haine que les émigrants des années 50 emportaient avec eux dans leur valise de carton à travers le monde, avec leurs espoirs et leur envie de bien faire.
Photo: (cc) berzowska/flickr; Vidéos: Xavier Rudd, YidakiDave/youtube ; radio teleaustralia/youtube
Translated from I giovani italiani alla prova dell'Australia