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Kristina Lunz : en plein dans le BILD

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Translation by:

Amélie Marin

ImpactBerlinFéminisme

Des millions de personnes lisent chaque jour le plus grand tabloïd allemand BILD - et apprennent ainsi que les femmes ne sont rien de plus qu’un ventre, des jambes et des fesses. Kristina Lunz n’accepte plus ce sexisme : Avec StopBildSexism, elle a lancé sa propre campagne anti-BILD.

Dehors, il fait un froid glacial, un temps typique pour Berlin en hiver. Par la fenêtre du café, le regard se porte sur un immeuble de l’autre côté de la rue : le siège de l’empire médiatique Axel Springer. Et c’est contre cet empire médiatique, ou plus précisément contre son produit le plus connu, que se bat Kristina Lunz. « J’ai grandi avec insouciance et je n’avais pas le sentiment d’être désavantagée en tant que fille », dit-elle en buvant une gorgée de Spezi (mélange de cola et de soda à l’orange, ndt). Puis elle ricane : « Mais j’ai toujours été impertinente ».

Impertinente ? Elle doit bien l’être, car cette diplômée d’Oxford de 26 ans est devenue en peu de temps une des activistes les plus célèbres d’Allemagne : sa pétition « Zeigt allen Respekt – Schluss mit Sexismus in der BILD » (« Respecte-les – Finissons-en avec le sexisme dans BILD », ndt) a déjà recueilli plus de 37 900 signatures, beaucoup de médias ont relayé la campagne StopBildSexism. Mais comment l’insouciante Kristina a-t-elle pu devenir une combattante sûre d’elle-même et qui affronte BILD, le plus important tabloïd allemand, qui tire à plus de 1,87 millions d’exemplaires ?

Pétition anti-BILD

L’attention de Kristina a été attirée pour la première fois sur ce sujet début 2013, lorsqu’un #aufschrei [tollé] a traversé l’Allemagne et que le sexisme quotidien est soudain devenu le sujet n°1. « À dire vrai, je ne m’en étais jamais souciée auparavant », reconnaît Kristina. À travers ses études en gouvernance globale et en diplomatie à Londres, elle s’est alors heurtée encore et toujours au sujet des droits des femmes. Elle a peu à peu appris comment fonctionnent les médias, quel est leur impact – et comment on peut utiliser médiatiquement des campagnes politiciennes. Ce sentiment confus qui finissait toujours par gagner Kristina après #aufschrei est devenu une certitude : « Il y a quelque chose qui cloche. Les femmes subissent tant de violence dans le monde, et pourtant, elles n’apparaissent le plus souvent dans les médias que comme des objets sexuels. On doit prendre conscience du fait que cette manière de les représenter a un impact ».

L’argument décisif lui est venu lors d’une visite dans son village natal en Allemagne. Kristina aperçoit la Une du BILD dans une station-service : « BILD recherche les plus gros seins de la télé ! ». Tout devient limpide : il faut faire quelque chose. Mais quoi ? Kristina rit : « Je n’avais aucune idée de quoi que ce soit ! Mais je connaissais la campagne No more Page 3 d’Angleterre (une campagne contre la représentation de femmes à moitié nues en page 3 du tabloïd Sun, ndlr), et j’ai pensé qu’il fallait faire la même chose en Allemagne ». Kristina s’est alors mise à taper le texte d’une pétition contre le BILD, plus précisément contre la figure de la  «BILD-Girl », toujours jeune et dénudée. Puis tout est allé assez vite. De grands médias ont évoqué la campagne StopBildSexism. L’ex-rédacteur en chef du BILD en personne a réagi. Kristina esquisse une grimace : « Il s’est, bien sûr, moqué de nous et a été impitoyable. Je venais quand même d’atteindre les 11 followers sur Twitter ! »

« T’es qu’une mal baisée ! »

Malgré ce faible nombre de followers, cet « horrible site Internet » et l’apprentissage par la pratique, la pétition recueillent 8000 signatures en trois jours. Pendant ce temps-là, la boîte mail de Kristina se remplit de messages malveillants : « Va consulter un psy ! » ou « T’es qu’une mal baisée ! ». Kristina ne s’attendait pas à autant de haine : « Que l’on trouve la pétition bête, ok. Mais que tant de personnes m’attaquent personnellement, commentent mon apparence – je ne faisais plus que pleurer. »

#ByeByeKai

Kristina hausse les épaules. Aujourd’hui, elle sait mieux aborder ce genre d’infos. Elle a entre-temps réuni autour d’elle une équipe StopBildSexism de 19 soutiens engagés. Certains d’entre eux vivent à Londres, comme Kristina, d’autres à Berlin. Ensemble, ils tentent de démonter ce sexisme omniprésent dans le journal BILD – avec fracas et persévérance. Car ce sexisme, Kristina en est persuadée, transmet aux lecteurs le message selon lequel il serait normal de réduire les femmes à leur sexualité et à leur apparence. Et cela amènerait au sexisme quotidien et au manque de respect envers les femmes.

Première étape : faire supprimer la BILD-Girl

StopBildSexism a, entre autres, écrit une lettre ouverte au désormais ex-rédacteur en chef Kai Diekmann, et organisé une table ronde sur le thème du sexisme dans les médias. La première étape est et reste la suppression de la BILD-Girl. « Voilà un objectif déjà bien ambitieux », admet Kristina, « mais il faut bien commencer quelque part ». Kristina prend congé, elle a encore un rendez-vous, de l’autre côté de la rue : chez BILD. Les hommes du BILD ne la prendraient pas au sérieux, dit Kristina. Mais avec la rédactrice en chef du BILD am Sonntag (l'édition du dimanche, ndlr)et les rédactrices du BILD, c’est différent selon elle. Bilan : dans ce combat contre le sexisme médiatique, un peu d’impertinence n’est pas de trop. 

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Mind The Gap présente #Sheroes, une série de portait de jeunes européens qui parlent, promeuvent ou discutent d’égalité des genres. 

Translated from Kristina Lunz: „Frauen tauchen meistens nur als Sexobjekte auf“