Kosovo : la paix armée
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Après la flambée de violence interethnique de mars 2004, comment voir l’avenir sereinement au Kosovo ? L'absence d’un statut pour ce territoire n’arrange rien. Mais l’UE veut y croire.
Mars 2004 : la mort de trois enfants albanais dans le village de Cabra, au Kosovo déclenche une nouvelle flambée de violence dans cette région gérée par l’ONU. La présence sur place de dizaines de milliers de militaires internationaux n’a pu contenir les foules, ni empêcher des exactions graves contre les populations civiles, des édifices publics, les monuments religieux orthodoxes mais aussi contre la MINUK (Mission des Nations Unies pour le Kosovo) et les forces de la KFOR (Force de paix au Kosovo, constituée de troupes de l’OTAN). Bilan très lourd : 19 morts et des centaines de blessés. Lourd aussi pour la MINUK, dont la mission définie par une résolution des Nations Unies à la sortie du conflit de 1999 consiste à assurer la sécurité de tous dans cette province albanophone de Serbie.
L’Europe à nouveau coupée en deux sur l’Ibar
Mars 1999 : l’OTAN entre en guerre contre la République Fédérale de Yougoslavie (RFY) afin de protéger les droits de la minorité albanaise. En réaction l’armée serbe expulse par la terreur les Albanais du Kosovo. Les accords de paix de Kumanovo signés en juin de la même année doivent assurer aux Albanais expulsés le retour dans leur foyer et la sécurité et l’égalité pour tous les citoyens de la province. Le Kosovo reste une province de l’Etat serbe, mais est géré comme un protectorat de l’ONU par la MINUK. L’armée et la police serbe se retirent, le mark puis l’Euro remplacent le dinar yougoslave comme monnaie officielle.
Dès la mise en place de la Force de Paix au Kosovo, en juin 1999, les exactions albanaises contre les autres communautés éclatent : représailles contre la population serbe, mais aussi contre les Tziganes et les autres minorités ethniques. Un nouveau nettoyage ethnique s’amorce, consistant à réduire les poches de peuplement non albanais et à repousser les Serbes au nord du pays. Une ville est devenue le symbole de cette nouvelle fracture en Europe : Kosovska Mitrovica et son pont sur la rivière Ibar, séparant les deux communautés de la ville, gardé par les militaires internationaux. Les violences sporadiques se poursuivent en 2000 et en 2001, mais aucun de ces accès de fièvre n’est comparable avec celui de mars 2004.
Les 17 et 18 mars, sur l’ensemble du territoire de la province des groupes organisés ont attaqué les habitats et les monuments religieux serbes, détruisant 550 maisons et 27 églises et monastères et contraignant plus de 4 000 personnes à la fuite. Près de 51 000 personnes sont impliquées dans ces agissements qui se déroulent sous les yeux des militaires internationaux. En Serbie, à Belgrade et à Niš, au sud du pays, les mosquées ont été incendiées, transformant, aux yeux de la communauté internationale une expression de colère et de désespoir en conflit religieux.
Les violences de la mi-mars sont un échec pour la MINUK, la KFOR et le Service de police du Kosovo (KPS). Human Rights Watch (HRW) a rendu un rapport très critique en juillet. Pour Rachel Denber de HRW, « Les paroles seules ne suffisent pas pour protéger les communautés minoritaires ou pour créer un Kosovo multiethnique. Ce qu’il faut ici, c’est une véritable réforme des structures de sécurité internationales ».
Des standards avant le statut
Mais la seule issue du drame du Kosovo est la définition d’un statut viable pour ce territoire. Le credo de la diplomatie internationale et celui de l’Union européenne en particulier reste : « Les standards [de l'Etat de droit] avant le statut ». Or la sécurité des personnes fait partie de ces standards, de même que la cohabitation entre les deux principaux groupes ethniques. Parmi la multitude de critères qui seront étudiés l’année prochaine pour juger de la marche en avant du Kosovo, certains doivent être impératifs. L’ambassadeur norvégien Kai Eide, dépêché au Kosovo par le Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a recommandé que soient considérés comme essentiels la décentralisation, mais aussi le retour des réfugiés, la sécurité et la liberté de mouvement.
Si ces conditions sont remplies, un statut définitif pourra être proposé. L’absence de solution modérée au problème du Kosovo pouvant mettre en danger la région toute entière, l’UE écarte toute idée d’indépendance ou de partition du territoire qui provoquerait une remise en cause des frontières actuelles dans la région (par exemple en Bosnie ou en Macédoine). Comment sortir de la crise actuelle sans mécontenter Belgrade et les populations serbes du Kosovo et en assurant aux Albanais du Kosovo la sécurité et un développement autonome ? En faisant en sorte que les deux parties acceptent un compromis, tel qu’une souveraineté large au sein de l’Etat serbe.
Mais seule l’accélération du processus d’intégration européenne des Etats de la région (Bosnie et Herzégovine, Serbie-Monténégro avec le Kosovo, Macédoine, Albanie) pourrait permettre de dépasser ces questions de frontières. Le président de la Commission Européenne Prodi a déclaré lors du sommet européen de Thessalonique, en juin 2003 que « l’intégration des Balkans, Kosovo compris, dans l’Union Européenne était dorénavant un mouvement irréversible ». Et peut-être le seul espoir de paix durable pour cette région.