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Kaliningrad, casse-tête russe de l’élargissement

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« Coincée » entre la Pologne et la Lituanie, l’enclave russe de Kaliningrad sera, encerclée par l’Union le 1er mai prochain. Tombée d’un « rideau de cristal » ou opportunité à ne pas manquer ?

Les relations entre l’Union européenne et la Russie sont considérées tant à Bruxelles qu’à Moscou comme étant d’une importance grandissante dans le cadre du nouvel élargissement de l’Union. Les déclarations communes visant à la mise en place d’un partenariat stratégique s’accumulent et visent à éviter la création d’un nouveau « rideau de cristal » qui s’abattrait dès le 1er mai prochain aux nouvelles frontières de l’Union et qui isolerait la Russie du reste de l’Europe. Dans ce contexte, la situation de l’enclave russe de Kaliningrad, est un exemple frappant des conséquences néfastes du processus d’intégration communautaire.

Depuis que la Pologne et la Lituanie ont introduit de nouveaux visas pour les ressortissants russes et alors qu’ils s’apprêtent à appliquer la législation Schengen, le territoire de Kaliningrad est littéralement coupé du reste de la Russie. Moins d’un an après l’introduction d’un nouveau système de facilitation du transit des personnes, la situation a-t-elle évolué ?

Dring !!! C’est l’heure de l’élargissement

Tout d’abord, la dynamique d’exclusion du territoire de Kaliningrad due au processus d’élargissement n’a été que très tardivement perçue comme potentiellement handicapante par Moscou. Cet éveil tardif n’a fait que renforcer chez les autorités russes le sentiment de se retrouver devant ce fait accompli qu’est l’acquis communautaire et la législation Schengen. De même, l’Union européenne n’a reconnu que très récemment la nécessité de réguler le transit des Russes habitant Kaliningrad et ce n’est qu’en janvier 2001, c’est-à-dire quelque trois ans seulement avant son élargissement que l’UE commence à s’interroger sur Kaliningrad. Pourtant l’Union ne reconnaît pas encore la nécessité d’arrangements particuliers pour la circulation de ces personnes. Ce n’est qu’en 2002, alors que le sujet est devenu hautement politisé et l’objet de fortes tensions de la part des deux protagonistes, que ceux-ci se penchent sur le problème et s’entendent sur la nécessaire mise en place de mesures susceptibles de faciliter la circulation des Russes entre Kaliningrad et le reste du pays. Des négociations tripartites (Russie, Union européenne, Lituanie) s’engagent alors qui aboutissent au printemps 2003 à une série de mesures qui entrent en vigueur le 1er juillet 2003.

Le DFT facilite le transit

Le nouveau régime introduit deux principaux documents facilitant le transit par la Lituanie depuis et vers la Russie : le premier est un régime de documents facilitant le transit (DFT) par voie terrestre des ressortissants russes. Il est valable pour une durée limitée à un an. Le deuxième document facilitant cette fois le voyage par train (DFVT) est délivré aux personnes traversant le territoire lituanien par train. Les deux documents sont gratuits. Ce nouveau régime a nécessité des moyens supplémentaires importants afin de faire face au nombre de demandes. Un nouveau consulat lituanien a même été créé à Sovietsk, la seconde ville de l’enclave. La situation n’est cependant pas brillante et malgré les efforts fournis par les autorités lituaniennes, des queues interminables se forment chaque jour devant les consulats lituaniens et la période minimale nécessaire pour recevoir ces fameux documents de transit peut atteindre jusqu’à sept ou huit jours.

A la recherche de nouvelles solutions

Un an après le lancement de cette initiative, il reste cependant de nombreuses modifications à apporter au système. L’Union européenne réfléchit actuellement à la possibilité de mettre en place une sorte de train à grande vitesse reliant Kaliningrad à Saint-Pétersbourg, qui éviterait le recours à des documents de voyage spécifiques. Des études de faisabilité sont en cours, cependant que la solution actuelle reste considérée comme permanente aux yeux de l’Union européenne. La Russie, quant à elle, semble toujours plébisciter un régime sans visa.

La volonté « intégrationniste » de l’Union européenne a abouti à l’aberrant isolement de ce morceau de territoire russe qui a vu naître Kant. Le nouveau régime de transit est une ingérence claire de l’Union dans les affaires intérieures russes. La Russie s’est vue imposer la législation Schengen et a du accepter cette situation de fait contre son propre gré. Le discours de l’Union ne cesse de vanter les mérites de l’élargissement et de sa logique « intégrationniste » clamant son effet bénéfique sur la paix et la stabilité en Europe. Cependant ces effets semblent s’arrêter aux frontières mêmes de l’Union tandis que derrière ces nouvelles « lignes de démarcation », une partie de la population frontalière souffre d’une mise à l’écart de cette nouvelle zone de liberté et de sécurité en Europe.