Juvéniles, juvabien
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Juvéniles aurait très bien pu être l’un de ces nouveaux groupes à succès qui chantent à merveille le chômage à 25%. Les deux Rennais risquent plutôt de jeter une bonne grosse cuillère de Motivex dans vos verres d’eau écarlate. Rencontre pleine de tendresse à l’hôtel Amour.
Pas besoin de hacker nos articles pour s’apercevoir que l’on vous a pas mal bassiné avec le revival des années 80. Ici et là, les artistes de l’an 2013 revendiquent ou bazardent la référence aux eigthies sans jamais avoir su expliquer pourquoi l’époque bégaye. Pour certains la réponse se trouve dans la réfection en marche de rock-stars cryogénisées. Pour d’autre, dans tout ce qui est relatif à la jeunesse.
« Comme Daft Punk »
Juvéniles a choisi son camp. Rencontrés en mai, un mois avant la sortie de leur album (Juvéniles, sorti le 10 juin 2013), sur la terrasse bobo-chic de l’Hôtel Amour à Paris, Thibault et Jean-Sylvain affichaient déjà leurs intentions : « on va essayer de ne pas faire que du revival années 80 ». Vous l’admettrez, la déclaration sonne comme une promesse de ministre. Etonnamment et contrairement à Michel Sapin, les deux Français de 25 ans ont tenu bon : l’album ne fait pas la nique à l’originalité. Mieux, quand leurs potes n’hésitent plus à coucher sans capote avec M. Revival, Juvéniles se protège des redites musicalement transmissibles et administre même certaines pilules. Celles du lendemain.
« On est quand même plus tournés vers l’après. Si l’on regarde en arrière, ce n’est pas un revival qu’on envisage. On a juste envie de piocher dans des styles de musique différents, comme Daft Punk quand ils sortent un album disco », clarifie Thibault, batteur à houppette au look beaucoup plus sobre que son partenaire. Jean-Sylvain, qui se fond impeccablement dans le décor hipstamatic des lieux avec ses cheveux rasés sur les côtés, sa mèche désaxée et sa moustache de joueur de jarana, poursuit : « Je n’arrive pas à référencer mes textes et ma musique dans un truc qui a déjà été fait. Et pour se défaire de ça, Yuksek nous a vraiment aidé. » Yuksek ou la caution électro bleu-blanc-rouge qui se met - tiens donc - à produire de la pop. « Il a fait un deuxième album assez pop et avait entretemps produit les Bewitched Hands. Du coup, il n’était pas du tout étranger à ce que l’on faisait. »
A jeun (e)
Les Juvéniles s’installent un temps à Reims, chez Yuksek, qui leur prête du matos, leur studio et conduit le groupe à dépasser toujours un peu plus l’influence quasi-envahissante des Smiths. « Je pense qu’on a trop écouté ce groupe, admet Jean-Sylvain dont la voix - c’est vrai - rappelle beaucoup le falsetto de Morrisey. Et globalement, on était (trop) à fond dans la vague néoromantique anglaise. » A partir de ça, difficile de se défaire des plus sombres héritages du nord de l’Angleterre période Thatcher : « dans nos morceaux, il y a quand même toujours un côté fête froide, un espèce de truc dérangeant », avoue JS. Pourtant, le son de Juvéniles est suffisamment arrangé pour que l’auditeur abandonne toutes velléités suicidaires. Chacun des trois morceaux que le groupe a choisi de mettre en avant durant sa promo contient cet instinct de survie qui vous fera renoncer à tomber du tabouret. « Strangers » s’apprécie comme la bande-son d’un été batard, « Fantasy » copule avec la disco tandis que « We are young » invoque la jobarderie des feuilletons TV période La Croisière s’amuse.
Le paradis, la mode et Papi Brossart
C’est d’ailleurs ce titre qui introduit l’album. Une manière de rappeler à ceux qui n’auraient toujours pas compris que Juvéniles symbolise la fleur de l’âge. Né à Rennes, Thibault et JS se sont très vite entourés de copains musiciens dans une ville de plus en plus réputée pour sa production musicale. « Tout le monde est pote avec tout le monde à Rennes », confirme JS, fils de luthier. En Bretagne, le rock est devenu une affaire de famille. Le daron ? Jean-Louis Brossart, patron la salle de concert l’UBU et programmateur du festival Rencontres Trans Musicales. « C’est lui qui nous a fait jouer au départ, c’est lui qui nous a conseillé et qui nous a tous réunis. » Tous ? Les frangins : les Popopopops, Manceau, O Safari… autant de groupes qui s’enrichissent les uns les autres, et dont la relation tient à devenir carrément indispensable lorsqu’il s’agit d’enregistrer. « Ces gars-là ont connu nos trucs avant qu’ils ne sortent. On s’inspire plus d’eux que ce qu’il se passe réellement. » Une référence à cette fratrie de la pop française faussement consanguine qui a conduit le groupe à figurer sur une compilation consacrée au renouveau de la pop made in France.
A cette époque, Juvéniles est signé sur Kitsuné, le clinquant label parisien qui oscille encore entre musique et bracelet brésilien. « On était hyper-fan, avoue Thibault. C’est arrivé au tout début du projet et ça a été un gros tremplin. » Grâce au label de mode, Juvéniles tourne bien. Le groupe débarque en Angleterre, jouent à Manchester, Brighton et à Londres, au Heaven, réputé pour être le plus célèbre club gay du monde. « Le matos était pourri, les tables menaçaient de nous lâcher à tout moment. La salle était blindée et on a eu que 5 minutes de balance. Vraiment la date où tu pouvais tout foirer. » Mais tout se passe « hyper bien ». La voix parfois très Depeche Mode de JS et les arrangements electro-chic suffisent à dissoudre le groupe dans l’ambiance comme un cachet d’aspirine. Et désormais la Grande-Bretagne sonne comme un challenge pour les 2 Bretons : « Là bas, il y a tellement de gens qui font de la musique que tu n’as aucun confort. Faut se battre tu vois. » En France la question c’est : contre qui ?
Propos recueillis par Matthieu Amaré et Louise Monlaü
Juvéniles jouera au festival des Vieilles Charrues le 19 juillet prochain