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Julien Pierre : géant vert

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Société

Ex-international français et joueur de rugby pro, Julien Pierre  - 34 ans - est aussi président d’une fondation de protection des animaux. De sa naissance dans un zoo à son périple dans la mangrove indonésienne, le finaliste de la dernière Coupe du monde raconte ici ses nombreux combats écolos. Et n’hésite pas à aller à l’impact.

cafébabel : Vous avez grandi dans un zoo. Comment s'est passée votre enfance ?

Julien Pierre : J’aime bien dire que j’ai grandi dans un zoo. Il se trouve aux Sables d’Olonne (en Vendée, ndlr). Il appartenait à mon grand-père mais était géré par mes parents. J’habitais dans une maison au milieu de toutes sortes d’animaux. Au lieu d’avoir un jardin de 300 mètres carrés, j’avais 10 hectares avec des girafes, des lions, des oiseaux... L’été, je me mettais à l’accueil et je faisais visiter le zoo aux visiteurs. On faisait des tours dans tous les sens. Je le connais par cœur.

cafébabel : Aujourd’hui, vous présidez une fondation de protection des animaux, La Passerelle. Qu’est-ce que vous y faites exactement ?

Julien Pierre : J’ai créé ce fonds de dotation avec les propriétaires du parc animalier d’Auvergne. Aujourd’hui, on essaie de récolter des fonds qui visent à soutenir des programmes à travers le monde. À plus long terme, on a aussi un projet de centre de soin pour les animaux d’Auvergne. On se concentre sur les programmes que l’on connaît via mon oncle, Pierre Gay, qui est très impliqué dans la sauvegarde de l’environnement. Des programmes qui mêlent protection de l’environnement et bien-être des populations locales. Au Népal par exemple, on va plutôt soutenir une association qui permet de sauver une espèce animale en employant sa propre population. On ne se rend pas compte en France, mais beaucoup de gens dans le monde sont contraints de cohabiter avec des espèces. Et on est là pour les aider.

cafébabel : En 2009, vous avez fait un voyage en Indonésie pour soutenir une association qui œuvre pour la sauvegarde du Tigre de Sumatra, à 4 heures de pirogue de toute civilisation. Quel souvenir en gardez-vous ?

Julien Pierre : C’est un voyage qui m’a beaucoup marqué. J’en garde des souvenirs magnifiques mais aussi l’image d’une forêt dévastée, carrément rasée au bulldozer, des pipelines à perte de vue, une mangrove dont l’écosystème est bousillé et où plus rien ne poussera... On était dans un petit village, perdu en pleine forêt, coupé de toute civilisation. On essayait de faire comprendre aux gens que le tigre de Sumatra, même s’il est très menaçant, doit pouvoir cohabiter avec eux.  

cafébabel : Au delà de votre fondation, vous avez une grande sensibilité écologique. Quel est votre regard sur l’état général de la planète ?

Julien Pierre : C’est inquiétant. Aujourd’hui, on entend beaucoup de gens nous dire qu’il faut sauver la planète mais il faut prendre conscience qu’elle n’a pas besoin de nous. La planète était là avant nous, elle sera là après. Je pense que l’enjeu principal actuellement, c’est plutôt de sauver l’humanité. On est de plus en plus nombreux, on sera 9 ou 10 milliards en 2050 selon les prévisions. Si on ne change pas nos modes de communication ou nos moyens de déplacement, ça va être compliqué. 

cafébabel : Par où faudrait-il commencer ?

Julien Pierre : Je ne suis pas scientifique, hein. Mais quand j’entends qu’on n’a pas encore diffusé le moteur électrique alors qu’on tient des ordinateurs ultra-puissant dans une main, je me pose des questions. Il faudrait commencer par de petites choses que l’on voit émerger au quotidien. De plus en plus de personnes commencent à changer leur façon de consommer, de plus en plus d’agriculteurs se mettent au bio et font attention aux produits qu’ils utilisent...

cafébabel : L’écologie ne semble pas vraiment être la priorité de la classe politique. Elle est aussi rarement en couverture des médias. Comment l’expliquez-vous ?

Julien Pierre : À une époque, je pense qu’on nous a un peu trop bassinés avec l’écologie. Il fallait absolument être écolo, manger bio... les gens en ont eu marre. Puis le deuxième aspect, c’est qu’il faut généralement attendre une grosse catastrophe pour prendre conscience de l’ampleur des phénomènes. Regardez les migrants. On en parle depuis longtemps mais il a fallu attendre la photo d’un gamin mort sur la plage pour que l’on réagisse. Faut-il attendre une énorme catastrophe naturelle pour se rendre compte des problèmes écologiques ? Peut-être, mais il sera temps de faire un vrai bilan afin de savoir où on a merdé.

cafébabel : Qu’attendez-vous d’un événement comme celui de la COP21 ?

Julien Pierre : De vraies révolutions, de vraies initiatives. Mais je suis très sceptique. On va encore batailler sur des chiffres, nous dire qu’on va baisser la température de la planète de 2 degrés. Mais ça veut dire quoi ? Le grand problème actuel avec l’écologie, c’est que ceux qui s’en font les porte-paroles ne savent pas s’adresser aux citoyens. Si demain, l’État français encourage la production de voitures électriques au motif que le moteur à essence pollue, je pense que ça aura plus d’impact sur la population. Tout simplement parce que ça les concerne. J’ai plutôt tendance à croire aux initiatives personnelles, au pouvoir du nombre. 

cafébabel : Mais comment faire participer l’ensemble de la planète ?

Julien Pierre : C’est tout le problème. Imaginez-vous dire à une personne d’un pays émergent qu’il doit moins polluer alors qu’on le fait depuis 50 ans. Ambigu non ?

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.