Julia Reda : pirate « pour parler »
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cafébabel FRJulia Reda est, à 27 ans, la tête de liste de ces prochaines élections européennes pour le Parti Pirate en Allemagne. Après que le pays a aboli le seuil électoral de 3% pour entrer au Parlement, la voie est libre pour les petits partis comme le sien. Entretien avec cette jeune politicienne pour parler, entre autres, de son ascension fulgurante, son jeune parti et du prix Nobel de la paix.
cafébabel : Pourquoi étiez-vous contre le seuil électoral des 3% pour les élections européennes ? Aviez-vous peur de perdre ?
Julia Reda : Non, c’est quand même assez dingue quand on pense à la manière dont cette barrière des 3% a été érigée. La Cour Constitutionnelle allemande avait déjà déclaré en 2011 le seuil électoral à 5% anti-constitutionnel. Et dans l’attendu de son dernier jugement, elle explique qu’aucun seuil quel qu’il soit n’est justifiable, tant que le fonctionnement du Parlement n’est pas impacté.
L'engagement dans la peau
cafébabel : Tu t’es engagée dans la politique à 16 ans. Tu y as trouvé quoi ?
Julia Reda : Je suis devenue membre du SPD à 16 ans mais j’avais le sentiment de ne pas pouvoir y faire grand-chose. J’étais toujours mise sur une estrade pour que les gens puissent dire : « regardez, il y a des jeunes dans nos rangs ». En particulier lors des débats sur le verrouillage d’Internet, j’avais l’impression qu’en tant que jeune membre du parti je ne pouvais rien changer, même avec de bons arguments. Peu de temps après, j’ai quitté le SPD pour le Parti Pirate.
cafébabel : Pourquoi t’engages-tu dans la politique européenne ? Ce sujet n’intéresse pas tout le monde…
Julia Reda : Nous devons montrer que nos thématiques sont en lien avec le quotidien des citoyens. En Allemagne, la moitié des vidéos sur YouTube sont bloquées. C’est pourquoi nous avons besoin d’un marché unique numérique ainsi que d’un droit d’auteur européen. En Allemagne, 30% des nouveaux électeurs votent aux européennes, et nous devons leur dire quelles conséquences ont les politiques sur leur vie.
MERCI EDWARD SNOWDEN
cafébabel : Est-ce que le Parti Pirate considère Edward Snowden comme un modèle ?
Julia Reda : Oui, et les deux députés suédois au Parlement européen ainsi que les députés islandais du Parti Pirate ont, avec d’autres responsables politiques, nommé Edward Snowden et Chelsea Manning pour le prix Nobel de la paix. Cette nomination est vraiment une bonne chose car Snowden et Manning ont redonné aux gens un peu de contrôle sur la démocratie. Dans ce modèle, on ne peut se gouverner soi-même que lorsque l’on sait ce que font le gouvernement et les services secrets.
cafébabel : Et que propose le Parti Pirate contre la surveillance de la NSA et la protection des données ?
Julia Reda : Je crois que l’Internet européen proposé par Hollande et Merkel n’est pas bon. Nous ne devons pas remettre en question la structure globale d’Internet, comme la Chine ou l’Iran le font. Cela n’aura aucun effet sur la surveillance puisque le Service fédéral de renseignements allemand et le GCHQ (Government Communications Headquarters, service de renseignements électronique du gouvernement britannique, ndlt) échangent des données avec la NSA. Nous constatons que les services secrets ne peuvent plus être contrôlés démocratiquement au sein de l’UE, et doivent par conséquent être supprimés.
Il ne peut pas y avoir de démocratie sans transparence de l’Etat. C’est quand les services secrets deviennent une entité autonome et agissent sans légitimité que les lanceurs d’alerte sont nécessaires. C’est le seul moyen pour pouvoir parler de société démocratique. En ce sens, on ne peut que remercier Edward Snowden et espérer qu’il trouve beaucoup de personnes pour l’imiter.
Un seul mot d'ordre : la liberté
cafébabel : Vous abordez d’autres thèmes que le verrouillage d’Internet et le marché intérieur numérique ?
Julia Reda : Nous avons un programme électoral commun avec les Partis Pirates européens. Nos revendications sont réunies sous le slogan « Une Europe sans frontière ». Nous voulons supprimer les frontières à tous les niveaux de la société, pas seulement sur Internet, mais également au niveau de la liberté de circulation dans l’UE. Nous voulons faciliter le droit d’asile et lutter contre toute tentative de limiter la liberté de circulation des Roumains et des Bulgares.
cafébabel : C’est ce que veulent la majorité des partis. Qu’est-ce qui fait la spécificité du Parti Pirate ?
Julia Reda : Il s’agit de la liberté de l’information, de la libre mise à disposition par l’Etat des informations dont il dispose. De manière plus générale nous souhaitons une démocratisation de l’Union européenne. Nous voulons plus de décisions prises à cette échelle, et donc plus de droit d’initiatives pour le Parlement européen. Nous voulons également élargir l’initiative citoyenne européenne, pour permettre aux citoyens de lancer des procédures législatives en Europe.
Translated from Piratin Julia Reda: „Geheimdienste abschaffen!“