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Journée Syrie: il faut continuer à soutenir la population syrienne

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Bruxelles

Le 10 décembre, le Hall Maximilien a ouvert ses portes à tous ceux désireux d’en savoir plus sur la situation en Syrie. L’occasion de réfléchir au destin d’une population extenuée par une guerre longue et sans perspectives. Cafébabel a recueilli les témoignages des personnes ayant fui les horreurs du conflit.

 « Mon père dit que la vie est comme un arbre : parfois il est fleuri, parfois il est complètement dépouillé » nous raconte Hamza, un Syrien d’une vingtaine d’années, dans un anglais parfait. «  En Syrie, on était riches. Mon père avait de nombreuses activités. Il est arrivé en Europe avec un faux passeport hongrois qu’il a payé 1700 dollars. Aujourd’hui en Belgique, il fait le même travail que celui que faisaient ses ouvriers là-bas » .

Que préférez-vous entre risquer votre vie chaque jour ou la risquer une fois et, en survivant, perdre votre dignité ? « Beaucoup de gens pleurent aujourd’hui. Ils pleuraient hier parce qu’ils redoutaient de mourir à chaque instant. Et ils pleurent aujourd’hui parce qu’ils doivent quitter leur pays » écrivait il y a peu Jared Malsin dans The Time, pour évoquer Alep. (VOL 188, NO 27-28/2016).

Tenter de raconter la Journée Syrie à ceux qui ne l’ont pas vécue est un exploit ardu. S’il est facile de relater des événements, il est impossible de reproduire des émotions. On parle effectivement de la crise des réfugiés depuis plusieurs années, notamment depuis que la guerre civile a éclaté en Syrie en 2011, mais on ne parle pas, ou presque pas, de l’histoire et de la vie de chaque individu. Et on ne le fera sans doute jamais. On peut discuter de politiques d’asile, d’intégration et d’accueil. Mais donner un visage et une identité à des chiffres abstraits dont on entend parler à longueur de journées, c’est bien plus difficile.

C’est pour cela que la Plateforme citoyenne « Soutiens aux Réfugiés », une initiative qui a démarré en 2015 pour faire face à la crise des réfugiés, en leur offrant un soutien individuel, a organisé cet évènement du 10 décembre. Un moment de communion, de dialogue, de discussions et de témoignages. Car si même après cinq ans, la situation n’a pas changé, il faut continuer à témoigner, à raconter des histoires de vie qui pourraient être les nôtres. Ces débats étaient néanmoins teintés de frustration puisque Théo Francken, secrétaire d’Etat à l’asile et aux migrations, avait promis de prendre part à la journée et n’est finalement pas venu. Le même Théo Francken qui a récemment fait scandale pour avoir refusé de donner un visa humanitaire à une famille syrienne (http://bit.ly/2is0eOJ).

L’évènement s’est ouvert avec une présentation de la situation d’Alep, ou des centaines de milliers de civils succombent encore aux atrocités de la guerre. Alep, le symbole de la résistance des rebelles face au régime de Bachar al-Assad. « Si une personne est menacée de mort, elle est obligée de partir » lâche de manière pragmatique un des orateurs du premier panel. Comme Shahed, 13 ans, à Bruxelles depuis 2014. Ses doux yeux nous parlent bien plus que sa voix. Ou bien Kindal et Anas, un couple de trentenaires originaire de Swaida. Elle était pharmacienne, lui ingénieur. Il y a un an, il a décidé de partir, de quitter sa terre natale désormais détruite par les bombes et entreprendre le chemin vers l’Europe. « J’ai été arrêté par le régime. On  n’avait pas de choix : soit on était avec le régime, soit avec les rebelles islamistes ». Il est arrivé jusqu’en Turquie, puis est monté à bord d’un canot jusqu’en Grèce. Et a atterri en Belgique. «  J’ai eu la chance d’être accueilli par une famille belge. Puis ils m’ont rejoint » nous dit-il en français, en faisant référence à sa femme et à ses enfants.

Cette Journée Syrie a été précédée de deux évènements-clefs dans le cadre de la question des refugiés : la prise d’Alep, officialisée par Bachar al-Assad le 13 décembre et la non-réforme de la politique d’asile de l’Union Européenne, suite à la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen du 15 décembre.  De grands espoirs trahis par les mêmes logiques qui ont permis à l’accord UE-Turquie sur les réfugiés de perdurer.

« Regardez la beauté de ma ville » nous dit Ahmed en anglais, en me montrant les photos de Palmyre sur son portable. « Regardez, ces photos remontent à l’avant-guerre. Ça par contre, c’est ce qui reste après les bombardements. Palmyre était tellement belle, tellement riche en histoire ! » ajoute-t-il. Palmyre, ville qui a été reprise par l’Etat Islamique le 11 décembre. Il continue à nous montrer ses photos, avant que nous nous arrêtions sur une photo d’un corps sans vie. Nous n’avons pas le courage de lui demander de nous dire qui est cette personne, mais Ahmed vient mettre fin à cette interrogation. « C’est mon fils ainé. Il était à Homs pour combattre avec les rebelles, c’est son ami qui m’a envoyé la photo. Je ne l’ai plus jamais revu. Il n’y a plus aucune solution à cette guerre. »

Dans une vidéo mise en ligne par les médias d’opposition le 15 décembre, on peut voir un habitant se préparant à fuir écrire sur la porte d’un magasin « Alep, on revient », comme nous le fait remarquer Jared Malsin dans The Time. Nous avons vu, sur les visages des participants à la journée Syrie, le même espoir, la même volonté de pouvoir, un jour, revenir sur leur terre, pleine d’histoire et de culture. L’Europe et la société civile ne doivent pas oublier que leurs cousins syriens ont besoin d’eux. Parce qu’un jour, on pourrait taper à leur porte pour les mêmes raisons.