John Morillion : du rock vermillon
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C’est bien connu : une bonne playlist peut sauver un été pluvieux. Surtout si on y trouve des chansons de John Morillion, que nous avons rencontré quelques jours avant son passage sur la scène du Bus Palladium à Paris. Son premier album, Love it All, vous fait croire que, finalement, « the best is yet to come », comme il le dit lui-même.
Le rock du garçon est du genre vermillon. Pas de folie des grandeurs mais plutôt une simplicité assumée dans un album où on sent l’influence de rockeurs « positifs » qui ne broient pas du noir mais vous invitent plutôt à chanter avec eux autour du feu, un soir d’été. A la fin de l’été justement, John Morillion part faire un tour à New York, plus pour y découvrir ses bars et ses nouveaux artistes que pour y jouer les touristes. Voyageur, le garçon ? Plutôt, oui, et depuis toujours.
Une langue qui parle à tout le monde
A l’âge de 7 ans, ébranlé par le décès de sa grand-mère, il commence à tourner en rond si bien que ses parents décident de l’envoyer prendre l’air outre-manche. Le pensionnat anglais, dans le souvenir de John, ça n’a rien de triste. Oubliez Oliver Twist et imaginez plutôt un gamin « assez débrouillard », au milieu de « Chinois qui jouaient du piano comme des virtuoses » et autres enfants venus des quatre coins du monde. Une révélation pour ce petit parisien né « du côté de la gare Saint-Lazare » dans une famille de six enfants. Par la suite, sa « fascination » pour la culture british et la langue de John Lennon ne fait que grandir. L’été, il parfait son anglais en Irlande. Après le bac, il trouve des petits boulots à New York puis passe quelque temps à Vancouver, où il « traîne surtout avec des Japonais et des Indiens ». Car à quoi bon voyager si ce n’est pour rencontrer des gens dont on ne parle pas la langue ? L’anglais s’est donc imposé très vite même s’il apprécie dès l’adolescence les grands chanteurs engagés à la Jacques Brel ou du rock français comme celui des Innocents. « On croit souvent qu’il n’y a pas de bon rock français mais c’est faux. Après, moi j’écris en anglais car quand j’essaie de le faire en français, ça donne des espèces de vers », confie-t-il, un peu dubitatif sur la qualité desdits vers sans doute. « J’ai aussi le souci de parler à tout le monde. L’anglais est idéal pour ça et puis c’est quand même une langue qui se prête bien au chant. »
Seul en scène avec un cortège d’influences
Goût du voyage ou désir d’indépendance précoce ? Les deux mon capitaine : « A 15 ans, j’étais en pleine crise d’ado et j’ai demandé à mes parents de me renvoyer en pension. » Il débarque à Reims, et commence à jouer de la guitare, d’abord avec un prof, « pour 2-3 leçons » puis tout seul. « A cette époque, j’écoutais en fait beaucoup de rap, malgré mon éducation de bourgeois », sourit-il. Rien que du classique : NTM, dont la « belle violence » le séduisait, et Nas sont les artistes qu’il évoque d’emblée. Et c’est en fait « grâce à la magie d’Internet » que le garçon s’essaie à la guitare. « Je téléchargeais des partitions gratuites : des trucs des Smashing Pumpkins, du Radiohead aussi. Et voilà, j’ai appris comme ça. » Voyager seul et l’être sur scène ne fait pas peur à Morillion (qui est aujourd’hui accompagné de trois musiciens professionnels en concert). Il a cela dit connu les essais en groupe mais la formule ne lui convenait pas : « Je n’ai pas l’âme d’un leader, j’avais plutôt tendance à me faire tout petit et très vite, j’étais un peu exclu du processus créatif. Tout ce que je voulais éviter. » Ses modèles sont donc ses seuls compagnons de route : « Il y a plein de gens qui m’inspirent, que ce soit Ray Charles ou Beck. Et puis il y a tous les artistes pas encore connus et qui ne demandent qu’à être découverts… »
Bluesman solaire
« C’est un peu cliché de dire un truc pareil mais ce sont surtout la cigarette et l’alcool qui ont fait de ma voix ce qu’elle est aujourd’hui ! »
« J’ai toujours chanté, mais ma voix a pas mal changé ». La voix de John Morillion est probablement son plus bel atout : mature, grave et joliment éraillée lorsqu’il force un peu dessus, elle pourrait être celle d’un bluesman pas complètement désabusé. « Avant un concert par exemple, je fais des exercices mais jamais chez moi car ça fait vraiment trop de bruit. » Ça, c’était pour la leçon de chant mais la réalité est bien plus terre-à-terre : « C’est un peu cliché de dire un truc pareil mais ce sont surtout la cigarette et l’alcool qui ont fait de ma voix ce qu’elle est aujourd’hui ! » Précisons que lors de notre rencontre, John se montre sage et commande un coca. Ce grand garçon de 27 ans ne se la joue pas Johnny Cash pour un sou. « Les mythes du rocker, je les connais bien, ça fait rêver. Mais moi en fait, j’ai tellement entendu mes parents désavouer mon choix de faire la musique avec leurs stéréotypes sur l’artiste maudit que j’ai toujours tout fait pour ne pas tomber là-dedans. »
« The Best is Yet to Come »
Chez John Morillion, il y a en fait un désir profond de faire triompher la lumière et la « bonne humeur ». C’est pour lui une « nécessité ». De son éducation marquée par le christianisme, il rejette ce qui était le plus « lourd à porter » et en garde la plus belle part – le partage, l’envie d’aller vers l’autre : « Il faut avoir cet instinct absurde qu’on appelle l’optimisme. » En tant que chanteur, John Morillion « essaie d’avoir une éthique ». Sur scène, John Morillion s’exécute avec panache, sans en faire trop. Ce soir-là, son public est composé en grande majorité de ses amis de toujours, ce qui lui met « quand même la pression » mais l’autorise à faire preuve de simplicité : « Je ne veux pas qu’il y ait un trop grand écart entre ce que je donne sur scène et ce que je suis en studio ou dans la vie. » En résumé, faire du rock sans jouer à la rock star.
Photos : Une © courtoisie du service presse ; Texte : © Mélodie Labro ; Vidéo : lemouv/YouTube