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Jhon-Rachid : l’humour du risque

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BrunchCulture

Des milliers de fans sur Youtube, Vine ou encore Twitter. Avec sa fameuse série des « J’ai mal Au Rap » où il clash les rappeurs d’aujourd’hui, Jhon-Rachid est désormais bien installé dans le game des comiques de chambre. Mohamed Ketfi, de son vrai nom, nous a reçus chez lui pour improviser sur son parcours et son avenir. Entretien avec un comédien de la nouvelle école.

« Pourquoi faire un portrait de moi ? Asseyez vous les copains, regardez ma dernière vidéo. » En nous recevant dans son appart parisien, Mohamed Ketfi alias Jhon-Rachid, la nouvelle star du Web, nous met tout de suite à l’aise. Souriant et détendu, il se comporte avec nous, comme dans ses vidéos Youtube. Généreux et affable, le comédien rembobine les étapes de son parcours comme il tourne un nouveau sketch. Vite et bien. Mais comment l’ex bénéficiaire du RSA, a-t-il si rapidement gravi les échelons ?

Dallas, version bled

« J’ai commencé mon parcours il y a 6-7 ans maintenant, raconte-t-il. À l’époque je faisais mes premières vidéos sur Skyblog et MSN et j’avais parodié Dallas, en faisant la version Bled. D’où le fameux Jhon-Rachid, ou J-R si vous préférez. » Longtemps raillé pour son humour « communautaire », le natif de Lyon assume complètement la posture : « À la base, ce n’était pas mon but. Moi je recherchais juste à faire rire mon public. La vidéo qui pouvait faire la différence. Après, j’ai joué sur la communauté, sans trop réfléchir. Je n’avais pas le recul nécessaire pour me rendre compte que je me moquais de mes origines. » À cette période, Mohamed travaille chez Orange, puis arrête, s’inscrit au chômage et vivote avec le RSA. « Ça m’a permis de continuer à faire mes petites vidéos, mes petits projets. C’est pour cela que je remercie la France et que je suis fier de payer mes impôts aujourd’hui. Ça a permis à un petit connard comme moi d’y arriver », plante l’humoriste franco-algérien. 

Comme souvent dans ce genre d’histoire, il a fallu patienter pour que Jhon Rachid connaisse l'apogée de sa jeune carrière, grâce à ses vidéos sur les rappeurs qu’il commence à moquer. Booba, La Fouine, Maitre Gims... les rappeurs pimpés de l’an 2010 passent au révélateur de ce fan de hip-hop qui a grandi en suivant l’âge d’or du genre, dans les années 90. Écrite avec Kaza, sa série intitulée « J’ai mal Au Rap » commence à trouver son public et, très vite, la chaîne YouTube du JR 2.0 atteint la centaine de milliers d’abonnés. Aujourd’hui ? Plus de 500 000 personnes continuent à savourer les punchlines de l’humoriste toute en appréciant ses anciennes prods qu’elles s’appellent « Parodie du Bled » ou « Mes films préférés ».

Quand JR clashe le Duc.

« Maintenant, c’est n’importe quoi, balance le puncher. Je me balade plus comme avant. Mais dans la vraie vie, les gens sont plus chaleureux que sur Internet.  Sur la Toile, les gens te cherchent plus facilement. Je bloque beaucoup de personnes sur les réseaux sociaux. C’est quelque chose qui me touche. » Une faiblesse ? « Plutôt un ras-le-bol des réseaux sociaux », répond-t-il tranquille, en servant le café. 

Charlie et la rançon du succès

Comme beaucoup de YouTubers qui ont commencé dans leur chambre, il n’a pas fallu attendre bien longtemps pour que Jhon Rachid soit appelé à traîner son talent au-delà du domicile familial. « Je n'ai pas la prétention de me croire au top, mais aujourd’hui on m’appelle pour des publicités, des téléfilms, des longs-métrages », précise-t-il entre deux coups de téléphones, dont un de Norman Thavaud, référence en la matière sur le Net. Entre la pub et l’écriture d’un one-man show prévu pour 2017, le jeune lyonnais ne cache pas son ambition, qui se projette sur grand écran. « Le cinéma, c’est mon rêve. Des réalisateurs me félicitent aujourd’hui. Moi je suis comédien, pas chroniqueur. On m’a proposé des émissions de télé, mais ça ne m’intéresse pas. Youtube en lui-même est un média. Je peux donner mon avis, sans avoir la crainte d’être censuré ou bridé »

La dernière fois qu’on est venu chercher l’avis de Jhon Rachid, c’était en janvier dernier, après les attentats de Charlie Hebdo. « On m’a demandé de me justifier, de prendre parti en tant qu’humoriste français, de confession musulmane », explique-t-il en référence à un article de Libération, mal interprété par ses fans. Le 7 janvier 2015, le trentenaire écrit sur Twitter : « Courage aux familles. Enculés de psychopathes, on va en avoir plein la gueule #horrible. » Deux jours plus tard, il explique dans Libé qu’il « a pensé égoïstement à nous, les musulmans de France ». Problème, l’article est titré « Ils ont le droit de le faire mais je n’arrive pas à rigoler des caricatures religieuses ». Le papier tourne, Jhon Rachid devient facilement un mec qui n’est pas Charlie et passe à la moulinette de la bienséance médiatique. « C’est n’importe quoi, tonne le comédien dans son salon. Ma réponse, désormais, ils l’auront à travers mon art et mes vidéos. Comme ça, rien ne sera déformé par le grand public et certains médias. » Peut-être le seul moment où l’on aura senti Jhon Rachid un peu grisé par la rançon du succès. Celle d’un mec définitivement normal, du bon pote qui a connu une ascension fulgurante en s’amusant sur le Net. Loin de ce qu’il imaginait, lorsqu’il postait ses premières vidéos sur Skyblog.

Cet article a été réalisé dans le cadre de la Street School, formation gratuite au journalisme de StreetPress.