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Jeunesse Rom : l’ambition d’être femme de ménage

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Société

Une part significative des fonds structurels de l’Union européenne sont alloués à l’insertion sociale des groupes marginalisés. Entre les projets à financer, la responsabilité d’attribuer les fonds (qui se situe au niveau national) et les projets que les autorités locales doivent soumettre pour pouvoir installer des camps, quelque chose ne tourne pas rond.

Coincé dans les beaux paysages de l’est de la Slovaquie, on trouve un camp de 1700 Roms, une population qui représente à elle seule 80% des habitants du village, mais dont le poids dans la politique locale laisse à désirer. Les portes de ces abris de fortune, lorsqu’il y en a, tombent en ruine, et l’herbe environnante s’est transformée en marécage boueux. Au mois de janvier, la température moyenne est de -5 degrés. « On veut des maisons comme les autres, avec des salles de bain et de l’eau courante », raconte une femme de 69 ans, qui a rejoint la communauté à 16 ans lors de son mariage. « On veut être traités comme tout le monde ».

DES FONDS

Il est curieux de voir, en discutant aussi bien avec les jeunes générations que les plus anciennes, que l’éducation ne fait pas partie de leurs priorités. Néanmoins, de l’autre côté de la petite route qui mène au campement, l’imposant préfabriqué, comme ceux que l’on peut voir à côté des chantiers, est en fait une école, que l’Union européenne (UE) a en partie financé. Tous les élèves de cette école sont des Roms. Ils ont été répartis dans les classes sur la base de tests, raconte le principal.

Vidéo d’Amnesty

La Slovaquie atteint des sommets dans le baromètre européen du sentiment d'inquiétude que les parents auraient si leurs chérubins avaient pour camarades de classes des Roms. Une étude* datant de 2012 et portant sur plus de 80 000 Roms et leurs voisins, dans les 11 pays européens où la population rom est la plus importante, a montré qu’en Slovaquie, moins d’1/3 des Roms âgés de 20 à 64 ans exerce une activité professionnelle rémunérée. C’est moins de la moitié comparé au reste de la population. Près de 90% des ménages roms flirte avec le seuil de pauvreté.

Bien qu’il soit plutôt encourageant que les autorités locales aient demandé des fonds pour la construction d’une école et ait trouvé des enseignants (aucun d’entre eux n’appartient à la communauté rom), le concept des « écoles spéciales », fréquentées exclusivement par les jeunes roms, est plus que tabou. La Slovaquie a été montrée du doigt pour ne pas faire plus d’effort pour intégrer les élèves roms dans des écoles dites « normales ». La ségrégation évidente renforce les stéréotypes et les préjugés. Que souhaitent faire les jeunes écoliers roms une fois adultes ? Seuls 2 sur 10 d’entre eux lèvent la main pour répondre, mais leurs réponses ne sont pas vraiment « ingénieur », « maîtresse » ou « footballeur », comme beaucoup de leurs petits camarades en Europe. Les garçons voudraient être « forgerons », et les filles « femmes au foyer ». Ceux qui vivent sans eau courante et dont les toits ne sont pas étanches sont davantage préoccupés par leur survie qu’à faire des plans sur la comète concernant leur carrière.

LES CAMPEMENTS

À 42 km de là, les autorités travaillent depuis des années à l’intégration des communautés roms dans un autre campement. Même si le fait que les Roms représentent seulement 20% de la population locale fasse une différence, il y a d’autres signes distinctifs (tels que l’utilisation des fonds alloués, par exemple sur la construction immobilière et l’aide à la recherche d’emploi). Beaucoup de Roms vont à l’école avec des Slovaques, et les plus jeunes vont à l’école dans un centre communautaire local. Les petites maisons n’ont pas assez de chambres pour tout le monde, le taux de natalité de la communauté étant très élevé (les femmes ont parfois jusqu’à 9 ou 10 enfants). Ces maisons sont construites avec des parpaings et ont l’eau courante, voire le satellite, dont la parabole trône sur le mur. Aucune trace de dégâts gratuits sur les maisons, ces dégradations qui alimentent largement les clichés sur les Roms. Ça a peut-être un rapport avec le projet d’obliger les occupants à participer à la construction des maisons, et d’en payer un loyer ainsi que des taxes.

Les priorités et les besoins ne sont pas les mêmes au sein de la communauté. « On veut que la future génération ait un emploi », raconte une femme. « Ils sont notre avenir ». La communauté est donc bien décidée à prendre en main l’éducation de ses jeunes, et à les aider à trouver un emploi, bien que la crise économique frappe de plein fouet le pays. Le taux de chômage des jeunes en Slovaquie ayant atteint 35%. Cependant, si les autorités ont échoué face à la discrimination, la ségrégation à l’école et l’exclusion sociale sont des objectifs qui restent encore hors de portée.

Le 26 juin dernier, la Commission européenne a incité les Etats membres à faire un effort supplémentaire quant à l’intégration économique et sociale des communautés roms. L’UE joue un rôle clé dans la lutte contre la discrimination, tout comme l’allocation de fonds est indispensable à l’intégration. S’ils veulent trouver une solution, les gouvernements doivent donc faire en sorte qu’un consensus soit trouvé au niveau politique. Des mesures d’intégration efficaces au niveau local sont vraiment nécessaires, tout comme une réelle conviction que malgré toutes les différences entre la communauté rom et le reste de la population, tant en termes de traditions que de styles de vie, les deux appartiennent à une communauté pour lesquelles elles ont été, pendant un temps, des voisins dérangeants et parfois menaçants.

Enfin, les mesures politiques visant à intégrer les Roms doivent tenir compte de leur volonté et de leur vision. Le principe est le suivant : si les communautés roms atteignent les mêmes niveaux d’éducation et d’emploi que le reste de la population, on doit leur fournir tout ce qui est accessible à tout individu, notamment de pouvoir regarder en arrière en étant à l’abri et penser à ce qu’ils veulent faire de leur avenir et celui de leurs enfants. L’eau courante n’est que la première pierre de l’édifice. Malheureusement, la seconde, vers l’intégration, dépend entièrement de la première.

*étude conduite par l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, le programme de développement des nations unies, la banque mondiale et la Commission européenne.

Les auteurs de l’article travaillent pour l’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Les opinions exprimées dans cet article leur appartiennent et ne reflètent pas nécessairement la vision de l’Agence.

Translated from Roma school, Slovakia: ‘When I grow up I want to be a housekeeper’