Jeunesse moldave : un an après les émeutes, on vote !
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Les Moldaves sont appelés aux urnes ce dimanche pour des élections législatives cruciales. Depuis 18 mois, ce petit pays – le plus pauvre d’Europe - est privé de président, bloquant toute initiative politique ambitieuse. A deux jours de l’élection, il est impossible de savoir qui a le plus de chance de les remporter. Seule certitude, les jeunes ont joué, et joueront un rôle déterminant.
Retour sur une l’ascension d’une force politique majeure devenue indispensable et qui compte se faire entendre.
En avril 2009, 2,5 millions d'électeurs moldaves doivent se rendre dans les bureaux de vote. Avec 49,48% des voix, le parti communiste remporte les élections et détient 60 mandats de députés, alors que 61 sont requis pour pouvoir élire le chef de l'État. De nouvelles élections sont donc organisées en juillet 2009, et quatre petits partis s'allient (Alliance pour l’Intégration Européenne ) et remportent 53 mandats (toujours insuffisant pour élire un président). Or, la constitution interdit d'organiser une troisième élection dans un si court laps de temps. Depuis ce jour, le président par intérim est donc Mihai Ghimpu, membre de l’Alliance.
Les émeutes de 2009, la prise de conscience
Même si les observateurs internationaux ont reconnu la conformité de ces élections, de très nombreux jeunes se sont rendus dans la capital pour contester les résultats préliminaires (annonçant la victoire des communistes). Pendant plusieurs jours, ils ont été des milliers à défier les forces de l'ordre, détruisant en partie le parlement et le palais présidentiel. Ces émeutes se sont soldées par 270 blessés et un mort. « Ces manifestations ont été un déclic pour beaucoup d'entre nous, explique Anna Cernomaz, étudiante moldave très impliquée dans le parti libéral. Les jeunes se sont rendus compte qu'il pouvaient déstabiliser les communistesà eux seuls... Qu'ils pouvaient changer les choses ». De nombreux jeunes décident alors d'adhérer aux partis politiques de leur pays.
Rapidement, les jeunes moldaves sont devenus un électorat non négligeable pour les partis. En effet, la classe politique est divisée en deux : le parti communiste, proche de Moscou, et les partis de droite (libéraux, démocrates), ouverts sur la Roumanie et l'Europe. Les communistes représentent une image de stabilité, de sécurité souhaitée par un électorat âgé, nostalgique de l'époque soviétique. Les libéraux incarnent quant à eux le changement (combat contre la corruption notamment) et le rapprochement vers l'Europe qui fait tant rêver les jeunes par ses opportunités économiques.
Ion Cebanu, 26 ans, plus jeune ministre européen
Pour remporter les élections, la coalition actuellement au pouvoir sait qu'elle doit attirer et mobiliser les jeunes. Dès son entrée au gouvernement en juillet dernier, le parti libéral a créé un ministère de la Jeunesse et des Sports. A sa tête, le plus jeune ministre européen, Ion Cebanu (26 ans). Appartenant à la même famille politique, le maire de Chisinau, la capitale Moldave, 32 ans, est également le plus jeune maire d’une capitale européenne ! Des députés n'ayant pas encore dépassé la trentaine, comme de nombreux assistants parlementaires sont également en poste.
Ces jeunes élus, qui contrastent avec les dinosaures communistes, représente une source de motivation considérable, explique Ion Cebanu, dont le visage d’adolescent joufflu contraste avec la solennité de son bureau : « C'est important que des jeunes occupent des postes à responsabilité, cela montre que les efforts réalisés au sein des sections jeunes des partis sont récompensés, et rapidement. »
Pour une conscience politique des jeunes
Cette représentation de jeunes élus dans la vie politique paie. En effet, de nombreux jeunes souvent ambitieux s'investissent dans leurs partis, à l'image de Sergiu Boghean, le président des jeunes du Parti Libéral : « Aujourd'hui, nous sommes environ 5000 jeunes à avoir adhéré à ce parti. Mon rôle, en tant que président, est d'éveiller la conscience politique des jeunes moldaves, mais aussi de les former, en créant des séances de travail, en proposant des séminaires, en donnant des responsabilités lors de campagnes électorales.... »
Lorsque nous demandons à Laurentia, étudiante moldave, ce qu'elle pense de l'implication des jeunes dans la vie politique de son pays, sa réponse est révélatrice : « Il y a deux types de jeunes aujourd'hui : ceux qui croient en l'avenir de leur pays et qui se battent pour, et ceux qui n'ont plus aucun espoir, qui ne souhaitent même plus se battre.» Ce sont ces jeunes là que certaines initiatives qui se veulent apolitiques souhaitent sensibiliser. C'est le cas du National Democratic Institute et de son opération GOTV (« Go Out To Vote »). Doina Marinescu, 19 ans, fait partie de cette association : « Nous sommes formés aux techniques du débat avec des jeunes qui hésitent à aller voter. Nous les poussons à se rendre aux urnes, mais faisons attention à ne pas vanter les mérites de tel ou tel candidat ». Par groupe de 5 ou 6, ils sillonnent le pays à la rencontre des jeunes, souvent étonnés de leur neutralité politique.
Les urnes dans l'université
Enfin, d'autres actions plus concrètes sont mises en place pour augmenter le vote des jeunes. Des bureaux de votes ont par exemple été installés dans les universités (ce qui n’oblige pas les étudiants à se rendre dans leur ville natale pour voter). Les Moldaves vivant à l'étranger sont eux aussi mobilisés. Le président par intérim Mihai Ghimpu était par exemple en meeting avec les moldaves d'Italie, et le maire de Chisinau Dorin Chirtoaca avec les étudiants moldaves en Roumanie. Des bureaux de vote ont par ailleurs été installés à l'étranger (dont une quinzaine en Italie).
« Les élections de dimanche prochain vont déterminer le futur de la Moldavie » s’exclame Anna Cernomaz, jeune libérale : « Nous, les jeunes, nous battons activement pour la victoire de nos idées. Encore faut-il que les politiques sachent s'unir, penser à l'intérêt national et laisser de côté leurs ambitions personnelles ». En effet, une trop faible majorité (des communistes ou de la coalition) replongerait le pays dans l'instabilité politique qu'elle connait depuis plus d'un an.
Photo : (cc)benkamorvan/flickr ; photos du texte : ©Louis Villers