Italie : ovale masquée (ohé ohé)
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3 février 2013. Le XV de France s'incline une nouvelle fois en Italie, deux ans après sa première défaite chez le voisin transalpin et des années d’invincibilité. Cette nouvelle victoire de prestige, qui ruine complètement le moral des Français, suscite l'enthousiasme du monde rugbystique. L'équipe d'Italie de rugby capitaliserait enfin ses années d'apprentissage au haut niveau européen.
Alors simple exploit ou véritable évolution ?
L'Europe connaissait l'Italie du foot, elle fait peu à peu connaissance avec son équipe de rugby. Intégrée au Tournoi des 5 nations en 2000 afin de développer ce sport à la pratique encore endémique dans la botte, la Squadra Azzurra va faire l'objet de railleries durant ses premières années de participation. Pas au niveau, tant sur le plan physique que tactique, les revers s’enchaînent, à la différence des équipes de foot locales qui brillent sur la scène européenne et internationale. Complètement étouffée par cette réussite footballistique, le projet d'émancipation du rugby italien semble alors mort-né. Pourtant la fédération italienne de rugby n'abdique pas car, elle le sait, bâtir repose sur du long terme.
Franchir le Rubicon
Suivant le principe des « petits pas », l'Italie du rugby, comme l'UE, se construit progressivement et évolue
Et cela commence au milieu des années 1990. Avec sa professionnalisation, le monde européen de la balle ovale s'embarque dans un mouvement d'ouverture des quotas de joueurs non nationaux au sein des clubs. Le rugby italien est à la réception sous la chandelle : une première génération de joueurs quittent leur Italie natale et posent leurs valises dans des clubs européens de standing, curieux de voir évoluer ces profils atypiques et peu onéreux. C'est l'époque des Diego Dominguez, Alessandro Troncon et autres frères Bergamasco (Mauro et Mirco), fers de lance de ces héros partis à la découverte du haut-niveau. Et ça marche. Ces joueurs présentent des prédispositions individuelles évidentes pour le haut-niveau, avec une grande capacité d'adaptation. Diego Dominguez devient le métronome-artilleur d'un Stade Français (un des clubs de la capitale française, ndlr) en pleine expansion.
Encouragés par cette réussite, bon nombre d'Italiens partent tenter leur chance dans les championnats français et britanniques, avec une part importante de réussite. L'Italie ovale compte aujourd'hui ses stars : Sergio «Massey-Ferguson » Parisse, perceur de défenses, plaqueur invétéré et capitaine de la squadra. Certainement l'un des meilleurs à son poste en Europe. Que dire de Martin Castrogiovanni, vérin humain et pilier de profession, élu meilleur joueur du championnat anglais en 2007, au pays dont la devise nationale reste « no scrum, no win »...
La science tactique et l'encadrement physique dont bénéficient ces joueurs constituent un atout fondamental pour le XV national. Ils représentent une épine dorsale sur laquelle va se reposer l'équipe dans le temps pour évoluer et qui se charge de l'encadrement des joueurs italiens novices ou en manque de repères.
L'Italia s'è desta
Mais paradoxalement, au niveau international, les résultats ne suivent pas directement la courbe exponentielle des talents qui la constituent, la faute à cet écart de niveau entre joueurs. Néanmoins, suivant le principe de la méthode Monnet-Schuman des « petits pas », l'Italie du rugby, comme l'Union européenne, se construit progressivement et évolue. Malgré un manque de régularité évident, les premières victoires sur l'Écosse durant le tournoi des 6 Nations (la première lors de sa première participation) sont véritablement encourageantes. Au point que le rugby italien et son ambition comment à séduire au niveau international. La Fédération italienne parvient à débaucher des sélectionneurs qui ont fait leurs preuves au niveau international comme dans les grands championnats, en particulier chez le voisin français, où évoluent la majorité des joueurs italiens exilés.
Nick Mallett (champion de France par deux fois avec le Stade Français), Pierre Berbizier (sélectionneur de l'équipe de France de 1991 à 1995) ou Jacques Brunel (champion de France avec Perpignan et ancien entraîneur adjoint de l'équipe de France), dernier sélectionneur en date, apportent leur science tactique au diamant brut italien. Cette recherche de cohérence technique tend à homogénéiser le niveau de l'équipe. La stabilité du groupe aussi. L'Italie est d'ailleurs la sélection la plus capée du Tournoi 2013. Expérience et détermination constituent aujourd'hui les principales forces du rugby italien.
Reste que la constance lui fait encore défaut. Car une semaine après sa victoire sur la France, le XV italien explose en Écosse, repartant avec 30 points dans la musette et une petite gueule de bois (l'Italie a également perdu, ce weekend, à Rome, contre le Pays de Galles, ndlr). Un peu comme la France finalement, sure de son fait après sa dernière tournée d'automne et qui aujourd'hui semble errer sur le terrain à la recherche d'une cohésion passée. Capable de réaliser ponctuellement des matchs véritablement aboutis, l'équipe italienne digère encore les restes de son passé pas si lointain, fréquemment ponctué de « cuillères de bois » (place de dernier, ndlr). Mais patience, Rome ne s'est pas faite en un jour.
Photos : Une et Texte © courtoisie de la page Facebook officielle de la Fédération italienne de rugby sauf Mirco Bergamasco © courtoisie de la page Facebook officielle de l'athlète ; Vidéo (cc) adidasrugbytv/YouTube