Italie : mais qui est vraiment « Renzusconi » ?
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Véronique MazetAprès seulement dix mois, le Premier ministre Enrico Letta, a démissionné. Matteo Renzi le remplace. Il a suscité une immense vague d'optimisme, mais ne négligeons pas le fait que, comme ses deux prédécesseurs, Renzi n'a pas été élu par le peuple italien. Mais qui est vraiment ce nouveau chef de file de Florence que l'on appelle déjà « Renzusconi » ?
Le serment des scouts américains est enthousiaste, passionné et peut-être un peu naïf. « Je ferai de mon mieux pour accomplir mon devoir, pour Dieu et mon pays, dit-il, et pour toujours aider mon prochain, je serai fort mentalement , éveillé, et droit ». Dans un ancien épisode de Happy days, Fonzie, avec la même rhétorique claire et déterminée, a annoncé : « tu n'es rien tant que tu ne fais pas ce que tu veux ». Dans ces deux cas l'optimisme est palpable. L'énergie est presque contagieuse. La confiance en soi et l'esprit d'initiative sont associés à une certaine suffisance que l'on pourrait considérer comme attachante ou insupportable. Une personne qui incarnerait ces traits diviserait sans aucun doute l'opinion et enflammerait le débat.
De Florence au « Renzisme »
Idéalement, les Italiens - qui excellent pour se plaindre - ont dorénavant l'homme qu'il leur convient parfaitement. Cet hybride de scout et de Fonzie se nomme Matteo Renzi, et lundi il est devenu Premier ministre de l'Italie. Bien que ce soit un remarquable exploit pour le jeune maire de Florence - une ville relativement petite - on doit noter que l'Italie est devenue célèbre pour sa capacité à avoir des Premiers ministres non élus dont le travail consiste à maintenir le pays à flot jusqu'à ce que l'économie s'améliore. Berlusconi avait démissionné durant son quatrième mandat en novembre 2011, et depuis le pays a été témoin d'un flux constant à la tête de l'État : Mario Monti, le technocrate, Pierluigi Bersani, chef du Parti Démocrate, qui s'est retrouvé au coeur de la tempête après les élections peu concluantes de février 2013 et Enrico Letta, à qui l'on a demandé de fonder une coalition précaire après le départ de Berlusconi. Et maintenant donc, Renzi remplace Letta. C'est le troisième Premier ministre en deux ans et demi qui n'a pas été élu par les citoyens.
Il y a plusieurs choses qui différencient Renzi de ses prédécesseurs. Parmi elles, deux ont été galvaudées au travers de leurs incessantes répétition dans les médias : oui, il est « jeune », et oui, il est « ambitieux ». À 39 ans, il peut déjà se vanter d'avoir eu une sacrée carrière en tant que Président de la province de Florence, maire de Florence, et secrétaire du Parti Démocrate - sans oublier sa phénoménale ascension depuis une position provinciale jusqu'à celle dont on parle le plus dans le pays. Son nom est associé à celui de l'exaspération de l'électorat italien qui a suivi des décennies de domination politique perpétrées par les mêmes responsables politiques. En 2012, Renzi semblait indifférent à gravir l'échelle politique et se concentrait plutôt sur la bataille pour renouveler la classe dirigeante. Il ne faisait pas partie des favoris et, sans surprise, il perdit les élections primaires du centre-gauche en décembre 2012 . Mais, rétrospectivement, la défaite a été bénéfique : Renzi a été largement félicité pour avoir accepté sa défaite avec grâce dans un pays où l'objection et la critique sont la norme pour pratiquement tout. Pendant un moment, il est retourné dans sa chère Florence, et a résumé son activité légère mais abondante sur Facebook et Twitter.
La tête de Letta
Et puis tout s'accéléra jusqu'à aujourd'hui. Le flux sur les réseaux sociaux de Renzi s'est calmé ces dernières semaines, mais le public italien s'est lâché dès qu'il a annoncé son désir de détrôner Letta. Des commentaires sarcastiques sont apparus à coté d'extraits d'anciens entretiens dans lesquels Rezi avait déclaré son soutien inébranlable au Premier ministre. Certains ont creusé pour retrouver ses discours dans lesquels il promettait de ne pas devenir chef de l'État. Certains penseront que Renzi a enfin montré son vrai visage de vautour avide de pouvoir. Pour d'autres, il a donné les preuves de son ambition, de son initiative aussi à un moment critique. La plupart des gens secouent juste la tête, résignés, en attendant de voir si Renzi fera de vieux os dans un fauteuil de Premier ministre qui devient vraiment maudit.
Le cœur de Renzi est probablement à sa place. Il est déterminé, énergique et sans aucun doute confiant pour réussir là où d'autres ont échoué : préserver une majorité fragile au Parlement, qu'il aura à partager avec l'héritier de Berlusconi, pendant qu'il changera quelques lois imparfaites et maintiendra l'économie italienne à flot. La critique la plus inistante dont il fait l'objet réside dans sa rhétorique fleurie et ses slogans accrocheurs qui ne l'aideront pas à gouverner un pays surpassé par le chaos.
Cependant, il n'en demeure pas moins que Renzi devra prouver qu'il est plus qu'un Fonzie prétentieux qui fonce la tête la première vers ses objectifs, et que gouverner l'Italie ne lui coûtera pas sa santé ni sa froce morale - ce qui est vraiment le risque des aspirants Premier ministre. Demandez à Berlusconi de vous parler des fêtes Bunga Bunga et des procès minables, ou regardez Letta qui semble avoir vieilli à la vitesse de la lumière ces six derniers mois.
Étrangement, l'argument majeur à la fois de tous ses détracteurs et de ses supporters est le même : Renzi est un produit parfait de son temps. Son côté cool, jeune et déterminé pourrait se révéler être aussi fragile que ses déclarations inspirées ou les hashtags tels que « changeons l'Italie ensemble ». Mais, jusqu'à ce jour, c'est précisément cette vivacité qui a attiré l'attention de ceux qui, comme beaucoup d'entre nous, ont une inquiétante et courte possibilité d'attention, contents de parcourir les titres du jour, préférant le sensationnel, le superficiel à une vraie substance. Personne ne sera choqué si Renzi donne la priorité au superficiel. Mais beaucoup seront agréablement surpris si ce qui va émerger démontre, en fait, que Renzi tiendra ses promesses mieux que ses prédécesseurs, et qu'il pourra aussi traduire en action l'enthousiasme et la vivacité qui l'ont conduit là où il est aujourd'hui.
Translated from Renzi replaces letta as italian prime minister