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Italie : le vote du siècle ?

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Politique

Le 4 décembre prochain, le peuple italien est appelé à se prononcer sur un référendum qui a pour objectif de réformer la Consitution. Mais le scrutin, abordé comme l'évènement politique le plus important que l'Italie ait connue, pourrait représenter bien plus : de la chute de Renzi à un possible « Italexit ». Alors, de quoi s'agit-il au juste ?

La chute du président du Conseil italien Matteo Renzi, le triomphe du leader du Mouvement 5 Étoiles (M5S) Beppe Grillo, l'ombre de Silvio Berlusconi et un possible « Italexit ». Voici peu ou prou les enjeux du prochain scrutin organisé en Italie le 4 décembre prochain. Complètement oublié des radars médiatiques européens, le référendum constitutionnel italien de 2016 aimante toutes les discussions au sein de la Botte. 

À tel point que le scrutin du weekend prochain est présenté comme l'évènement démocratique le plus important qu'ait connue l'Italie. Ce n'est pourtant pas la première fois que les responsables de la Péninsule tente d'introduire une réforme constitutionnelle, même Berlusconi s'y était essayé en son temps. Le sujet revient même régulièrement hanter le calendrier politique national. Mais cette fois-ci, précédé d'évènements internationaux aussi importants que le Brexit ou l'élection de Donald Trump aux États-Unis, un référendum sur une question très technique est fatalement en train de tourner au drame.

Qu'est-ce que l'on vote ?

Commençons par le début : que vote les Italiens ? L’objet du référendum consiste à approuver ou non une révision de la Constitution. Cela dit, comprendre les modifications proposées semble un peu plus difficile, à la fois en raison de la formulation cristalline des nouveaux textes juridiques, mais aussi à cause du nombre considérable de changements à effectuer. 

Dans les grandes signes, le référendum constitutionnel italien entend sonner la fin du bicamérisme. Actuellement, toutes les lois, ordinaires et constitutionnelles, doivent être approuvées (sans aucune modification) par les deux Chambres. En d’autres termes, si une loi, entérinée par une Chambre, est remaniée par l’autre, elle sera renvoyée à la première Chambre afin d’être agréée par celle-ci avec les changements suggérés. Si à son tour, cette Chambre souhaite présenter de nouvelles modifications, alors ce jeu de « ping-pong » parlementaire peut se dérouler éternellement. En outre, elles doivent également avoir la confiance du gouvernement.

Si la réforme est adoptée, seule la Chambre des Députés devra avoir la confiance du gouvernement, qui resterait ainsi l’unique organe élu par les citoyens au suffrage universel direct. Cette Chambre serait ainsi responsable du vote des lois ordinaires (en théorie) et du budget. Cette réforme changerait en effet la composition et la fonction du Sénat, qui deviendrait une assemblée de représentation des autonomies locales, composée de seulement 100 sénateurs (contre 315 actuellement) qui ne seraient cependant pas élus directement par les citoyens, mais nommés par les conseillers régionaux et (de façon minime) par le président de la République. De plus, le Sénat ne devra plus nécessairement voter toutes les lois ordinaires, mais exprimera seulement ses conseils et d’éventuels changements. Son pouvoir législatif concernant les lois constitutionnelles et la ratification des traités internationaux restera, lui, intact.

Les autres points de la réforme touchent au nouveau mode d’élection du président de la République, l’abolition du Cnel (un organisme actuellement prévu par la Constitution, détenant des fonctions auxiliaires concernant l’économie et le travail, mais jamais utilisé), la révision de la division des compétences entre le Sénat et les Régions, l’abolition des Provinces, une augmentation du nombre de signatures nécessaires pour la mise en place d’un référendum et pour proposer au Parlement une loi à l’initiative des citoyens, ainsi que l’institution de nouveaux types de référendums, le proactif et celui d’orientation (jusqu’à présent, la Constitution ne prévoit que le référendum abrogatif).

Confus ? C’est normal

Dans le cas où vous commenceriez à avoir la tête qui tourne et à ressentir le besoin de relire une ou deux fois la liste des modifications proposées, ne paniquez pas : c’est tout à fait normal. Rien qu'à lire la question qui est posée au peuple italien, il y a déjà de quoi jeter une aspirine dans un verre d'eau : 

« Approuvez-vous le texte de la loi constitionnelle sur les « dispositions pour dépasser le bicamérisme, sur la réduction du nombre des parlementaires, sur la maîtrise des coûts de fonctionnement des institutions, sur la suppression de la Cnel8 et sur la révision du titre V de la deuxième partie9 de la constitution », tel qu'approuvé par le parlement et publié dans le no 88 de la Gazzetta ufficiale du 15 avril 2016 ? »

Il y a tant de choses à comprendre qu’avoir une idée claire de la situation n’est pas aisée, même pour les constitutionnalistes et les experts. Ainsi, 6 Italiens sur 10 déclarent connaître peu voire pas du tout le sujet de la réforme, tandis que les indécis ou les éventuels abstentionnistes représententeraient déjà 40% de l’électorat.

Comme si ça ne suffisait pas, l’affrontement politique n’aide vraiment pas à clarifier le débat : la confrontation entre les deux partis quant à la question de la réforme s’est transformée en guerre de gangs, riche de coups bas des deux côtés. La campagne a davantage été menée à coups de machette qu’à fleurets mouchetés, privilégiant les accusations d’illégitimité plutôt que de mettre en avant les raisons justifiant leurs positions. 

Oui ou Non ?

Quels sont les motifs de cette consultation ? En votant Oui, les Italiens admettent que la suppression du bicaméralisme paritaire évitera de longues attentes législatives, économisant également l’argent public qui alimente une machine administrative puissante comme le Sénat. Cette réforme aurait le mérite d’introduire de nouveaux types de référendums, augmentant ainsi la participation populaire, et redéfinissant les compétences entre le Sénat et les Régions. En outre, le nouveau Sénat reflèterait mieux les exigences des territoires. Dans l’ensemble, les défenseurs du Oui arguent qu’il « vaut mieux une réforme avec quelques défauts, plutôt que pas de réforme du tout ».

En votant Non, les Italiens rétorquent que la lenteur législative due au bicaméralisme est un « faux mythe » qui ne concerne pas la majorité des processus législatifs, et que l’économie avancée serait trop insignifiante pour justifier une perte aussi importante. Quant à la nomination des sénateurs, il serait, de cette façon, illégitime de nommer une Chambre avec des pouvoirs législatifs sans élection directe, et sans l’obligation de mandat (qui les obligerait à voter selon les indications des Conseils qui les ont nommés, sur le modèle allemand). En d’autres termes, les nouveaux sénateurs ne représenteraient pas les territoires mais eux-mêmes, ou les partis qui les ont nommés. Sans compter que les maires et les conseillers seraient contraints de faire un « double travail », les empêchant ainsi de mener à bien leurs tâches.

Il ne s’agit pas d’ignorer la complexité du système législatif : il s’agirait de passer de deux processus actuels (lois ordinaires et lois constitutionnelles) à 10, peut-être 13 voire 16 selon la nouvelle réforme (le texte n’est pas clair sur ce point). Avec cette Constitution remaniée, le système subirait une centralisation des pouvoirs entre les mains du gouvernement et de son chef, le président du Conseil, faisant disparaître le contrepoids du pouvoir d’un Parlement bicaméral.

À vrai dire, en analysant les chiffres, l’organisation Openopolis a calculé que les projets de loi soumis au « ping-pong » parlementaire demeurent minoritaires : environ 20%, soit 1 projet de loi sur 5. À de nombreuses reprises, le bicaméralisme a sauvé le gouvernement d’erreurs de texte. Sans compter que l’économie annoncée ne serait pas subventionnée par le gouvernement à hauteur de 500 millions d’euros par an, mais de seulement 50. Soit dix fois moins, au point de renoncer à l’élection des sénateurs. Sans oublier que, si l’on considère que les dépenses militaires du gouvernement italien se montent à 64 millions d’euros par jour, ces économies sont véritablement dérisoires.

Le jour d'après

Les défenseurs du Oui peuvent néanmoins se vanter d’une chose : le gouvernement passe désormais tout son temps à évoquer les raisons de voter en faveur de la réforme. La cadence des apparitions télévisées du président Renzi et des ministres est impressionnante : 71 meetings en l’espace d’un mois et demi, soit deux par jour. « Même Che Guevara ne s’est pas autant bougé le cul pour libérer Cuba », plaisante Maurizio Crozza, célébre comique et présentateur italien. Mais la campagne ne se limite pas à la télévision et aux annonces. Ces dernières semaines, Renzi a envoyé une lettre signée de sa main à tous les Italiens résidant à l’étranger, pour les convaincre de voter Oui, tandis qu’une brochure sera expédiée à toutes les familles italiennes, au titre emblématique : « OUI au changement ». Sans oublier les prévisions apocalyptiques évoquées en cas de victoire du non.

Mais l’erreur principale de Renzi et de sa campagne tient dans cette intervention : « Si la réforme n’est pas approuvée, je démissionne ». Si le but du président du Conseil était de vouloir faire face à ses responsabilités, l’attention se déplacera inévitablement de la réforme au sort du gouvernement. Dit autrement, voter Non signifierait renvoyer le gouvernement à la maison. Immédiatement, l’opposition s’est alignée sur le Non. Réalisant la portée de son erreur, Renzi s’est rétracté en été : en cas de victoire du Non, personne ne démissionnera. Ou du moins jusqu’à ce qu’il se rende compte que la menace d’un effondrement du gouvernement peut potentiellement être utilisée à son avantage, l’opposition étant composée de positions variées et souvent irréconciliables (de la minorité PD au M5S en passant par la Ligue du Nord et Forza Italia). « Si je perds le référendum, ce gouvernement chutera. Imaginez le spectacle le 5 décembre : Grillo, Salvini, D’Alema et Berlusconi qui devront se mettre d’accord », a tenté Renzi. 

La personnalisation du référendum a provoqué un effet indésirable : de nombreux Italiens ne voteront pas en fonction de la réforme, mais jugeront les actes du gouvernement. 56% des électeurs voteront ainsi pour ou contre Renzi, au lieu de voter pour la réforme. Ce qui, couplé à un nombre record de personnes indécises (12 millions), rend le résultat électoral imprévisible.

La vraie question, au fond, est toujours la même : voter ou laisser le futur être décidé par quelqu’un d’autre. Et le 4 décembre approche : que le spectacle (ou le drame italien, c'est selon) commence.

Translated from Il referendum costituzionale in pillole