Italie : comment éviter le pillage des plages de Sardaigne ?
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Cécile VergnatChaque été, les plages sont privées de tonnes de sable, de pierres et coquillages qui finissent dans les valises des touristes. Ce qui peut sembler être un geste innocent et un souvenir ayant peu de valeur, crée toutefois de graves problèmes environnementaux. Les employés de l’aéroport de Cagliari se sont spontanément organisés pour défendre les plages de la Sardaigne.
On pense souvent que les dégâts environnementaux sont causés par la trace que l’homme laisse derrière lui, comme le ciment, les bâtiments, les déchets ou les décharges. On n'a rarement à l’esprit qu’une bouteille remplie de sable ou des coquillages ramassés sur la plage peuvent aussi créer un sérieux danger pour l’écosystème.
Un granit de 45 kilos dans une valise
En Sardaigne, une fois l’été terminé, on fait généralement un bilan. Et entre juin et août de cette année, 5 tonnes de sables ont été saisies aux touristes rien qu’à l’aéroport de Cagliari. Ces informations proviennent des agents d’escale qui postent sur la page Facebook Sardegna rubata e depredata (« La Sardaigne volée et pillée », ndt) qu’ils ont créée : « Si ça vous semble peu, multipliez par les 3 aéroports et les 5 ports de l’île et vous vous ferez une idée de la dimension du phénomène », écrivent-ils.
La portée de cette véritable carrière à ciel ouvert est impressionnante. Tout autant que le manque de conscience de la part des touristes. « Les passagers sont presque toujours inconscients d’avoir commis un délit et s’excusent souvent, mais ils se plaignent aussi de l’absence d’informations », affirment les employés aéroportuaires. « Nous n’avons pas l’autorité pour pouvoir sanctionner les contrevenants. Nous nous contentons donc de saisir le matériel. »
Le pillage est surtout saisonnier - de mai à octobre - mais peut aussi survenir à d’autres périodes. Il semblerait que le sable le plus convoité soit celui de la splendide plage d’Is Arutas. Beaucoup emportent les pierres colorées lisses de la mer, des bouteilles remplies de sable, des enveloppes débordantes de coquillages, jusqu’à parvenir à l’invraisemblable : « Un jour, quelqu’un était en train d’embarquer dans ses bagages un granit parfaitement sphérique qui pesait 45 kilos ».
« On n'a même pas la place d'entreposer ce qu'on a confisqué »
C’est à ce moment-là qu’intervient le « corps expéditionnaire ». Des préposés au contrôle des bagages d’Elmas, l’aéroport de Cagliari, qui agissent de manière méticuleuse, organisée et complètement bénévole. « Depuis que j’ai commencé à travailler ici en 2000, raconte un employé sarde, nous nous sommes demandé qui devait intervenir pour éviter ce pillage inutile et honteux ». Après avoir informé les autorités, en passant par l’Office des forêts, au garde-côte, jusqu’à la région, ils ont découvert que tout le monde se disait « impressionné », mais « en 15 ans rien de concret n’a été fait ».
Victimes, les habitants de l'île ont décidé d’affronter eux-mêmes le problème : « Nous n’avions même pas d’endroit pour mettre ce butin une fois confisqué. Armés de bonne volonté, avec nos voitures privées et pendant notre temps libre, nous avons commencé à ramener tout ce matériel à leurs plages d’origine ». Ils sont une vingtaine d’employés à demander à chaque fois patiemment aux passagers où ils ont ramassé leur souvenirs illégaux et vont remettre « tout plus au moins à sa place ». « Des dizaines de voyages avec le bagage débordant de sable et de pierres, pour la plus grande joie des amortisseurs de nos voitures », ironise un employé.
Piller les plages à la décapeuse
Le 12 juillet 2015, après avoir agi dans l’ombre pendant des années ces « anges gardiens » des plages ont décidé de créer leur page Facebook « pour faire connaître cette débauche malheureusement sous-évaluée », précise un administrateur. « Soustraire du matériel comme du sable, des coquillages et des pierres à l’écosystème crée de graves dégâts. Irréparables. » D’après l’article 1162 du code de la navigation, il s’agit par ailleurs d’un délit : mais il est cependant difficile de cueillir les personnes sur le fait accompli, il s’agit donc d’une loi à l’application en réalité limitée.
« Les splendides plages de sable que nous piétinons aujourd’hui ont été formées suite au travail acharné de la mer pendant des milliers d’années. » Il poursuit : « Remplir une bouteille de sable en quelques secondes rend caduc la merveille que la nature a créée ». Pour obtenir quoi en échange ? Revendre le sable sur eBay en Allemagne, comme il nous a par exemple été signalé quelques jours auparavant. Les choses sont-elles en train de bouger ? « Nous savons qu’après la création de la page Facebook, les employés de l’aéroport d’Olbia ont fait comme nous, nous n’avons pas encore reçu de nouvelles d’Alghero. Dans les ports, il n’y a aucun contrôle hormis dans de très rares cas. »
Si c’est le tourisme de masse qui occasionne de sérieux dégât, « il faut préciser que les pires ennemis de la Sardaigne sont malheureusement ses propres habitants. La célèbre plage d’Is Arutas a presque complètement disparu, elle a été pillée pendant des décennies par les habitants de Cabras : ils prenaient du sable avec les décapeuses pour embellir leurs jardins et piscine et le vendre à de riches propriétaires des villas de la Costa Smeralda ». Après sa page Facebook, Sardegna rubata e depredata est désormais une pétition. La demande est claire : les institutions locales ont-t-elles intérêt à appliquer de simples initiatives de vigilance et à informer ? Les 8 600 personnes qui ont signé la pétition, à ce jour, attendent une réponse.
Translated from Sardegna: se la sabbia finisce in valigia