Italie : boire du café à 5 ans, et alors ?
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Cécile VergnatTous les yeux sont pointés sur moi et je n’arrive pas à comprendre s’il s’agit de peur ou de stupéfaction. Puis arrivent les mots « you’re crazy », « T’es folle ». Non il ne s’agit pas d’une tour de babel mais d’un tour dans l’Europe du café. Et moi le café, j’en bois depuis que je suis toute petite. Confessions d’une journaliste italienne.
Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de mon enfance. Que voulez-vous y faire, on ne peut pas se souvenir de tout. Mais je me rappelle bien d’une chose : le goûter. Et je me rappelle aussi avoir littéralement vidé des biberons entiers de thé avec des biscuits. Donc oui, je consomme de la théine depuis plus de 20 ans, probablement depuis que j’ai commencé à marcher. Le thé me rappelle aussi le remède maison contre les maux de ventre mais aussi contre les grandes grippes à la crèche. Thé et citron, tout est là.
Alors que le lait avec le café, lui non, ça m'est venu un peu après. Mais revenons à notre table dans un pub de la rue du Faubourg Saint-Denis à quelques pas de la rédaction de cafébabel. Revenons aux expressions de mes collègues qui n’arrivent pas à croire que je bois du café depuis que j'ai 5 ans. Ou mieux, ce qu’ils entendent par café. Je tente de me défendre avec un « mais non, lorsque j’étais petite le café je le buvais avec du lait, vous êtes fous ? ». Peine perdue.
Inutile de s’opposer avec un sourire gêné : la discussion est trop engagée. Certains ont commencé à boire du thé au lycée, alors que le café, non, c'est venu bien plus tard. Moi je me rappelle en revanche très bien les « émeutes » au bar de mon lycée ou la queue aux machines prêtes à désaltérer près de 1 500 étudiants. Donc oui, je bois du café depuis que je suis petite, le temps n’a fait qu’accentuer ce que je juge désormais comme une dépendance. Café, coffee, Kava : j’en ai bu de toutes sortes et à des endroits différents.
D’après une étude du Comité italien caffé, chaque italien consomme en moyenne 5,63 kilos de café par an. Rien de bien surprenant, penserez-vous. Et bien si, parce qu'avec ce chiffre, l’Italie se place seulement à la dixième place du classement européen. Aux premières places, on trouve le Luxembourg, la Finlande, et l’Autriche. En Italie, la majeure partie du café est consommée chez soi. Cela n’empêche toutefois pas les Italiens de commander au bar près de 14 milliards de tasses de café par an. Plus précisément des expressos. Ce sont les barmen qui doivent être contents.
J’ai très récemment découvert que les Norvégiens étaient de grands consommateurs de café. Ou de ce qu’ils appellent « kaffe » et que je n’arrive vraiment pas à appeler café. Pour moi ça reste une boisson chaude comme le thé ou le lait avec de la mousse. Je pourrais cependant faire une exception pour le Karsk, c’est-à-dire le café corrigé (ou arrosé) avec de la liqueur. Qu’il soit allongé ou non, corrigé ou non, le café reste du café. Il déclenche des palpitations à certains, même allongé avec du lait. En revanche moi j’en bois plusieurs fois par jour, même le soir, avant de dormir. « Et après tu arrives à dormir ? », me demandent mes collègues en cœur. Bien sûr et très bien même !
À ce moment-là, chers lecteurs, vous vous direz « elle en a de la chance ». En fait, non. J’adore le goût du café tout autant que je déteste le fait de ne pas parvenir à me maintenir éveillée. Je les vois venir - les « on comprend pourquoi : en Italie vous vous droguez dès l’enfance » - et ainsi de suite. Mais entre deux pintes la discussion se termine là.
Le pseudo-sondage
Toutefois, j'avais encore envie de savoir une chose. C’est ainsi qu’armée de ce grand instrument de communication qu’est le chat de Facebook je commence à importuner des dizaines d’amis. Les messages sont lus mais les réponses n’arrivent pas. Ok, je pense que je suis folle. Mes parents sont fous et ma grand-mère l’est également, elle m’a toujours préparé du thé. Puis, les uns après les autres, arrivent les premiers oui. « Bien sûr, je me rappelle que lorsque j’étais petit je buvais du thé. » « Oui, j’ai toujours bu du café au lait ». « Mais il y a vraiment des gens qui ne buvaient pas de café à 18 ans ? ». Ok, ça va, je ne suis pas tarée. Mais ma conclusion ne change pas le regard stupéfait de mes collègues.
Maintenant lorsque je m’approche de la machine à café, j’éprouve un sentiment de culpabilité, semblable à celui qui nous anime lorsqu’enfant, on a cassé quelque chose et que notre mère nous a grondé pendant des heures. Mais que voulez-vous y faire, lorsque j’entends le mot « café » mon cœur se réchauffe. Je l’adore serré, comme on dit ici en France. Je l’adore allongé, pour ce parfum qu’il laisse dans la pièce lorsqu’il commence à descendre dans la cafetière américaine.
Ah ouais, je l’ai dit. Je suis une Italienne qui boit aussi du café américain.
Mais ne le dites à personnes, c’est un secret.
Translated from «Lo confesso, sono una coffee addicted»