Is Tropical : pop Lo-fi londonienne tournée vers l'Europe
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Stefan Grand-SchaffertUn trio masqué composé d'ancien squatteurs londoniens fait sa mini-tournée en Europe à l'occasion de la sortie de leur premier album Native To. Simon et ses acolytes ont fait une pause avec cafebabel.com, le temps de nous faire comprendre que oui, un groupe britannique peut être dans un label français, Kitsuné, et se sentir plus européen qu'anglais.
Tu fais partie d’un groupe et les masques, c’est ton truc. Ça n’a pas l’air bien sorcier, et pourtant, qui aurait cru à quel point il était difficile de se trouver un style ? Les trois jeunes Londoniens de Is Tropical se sont dit que ni le pull de Slipknot ni les casques de Daft Punk ne les emballait pas plus que ça. « On a porté des masques pour notre premier concert et depuis, c’est resté, explique Simon, caché derrière une écharpe noir à franges avec cet air contrit que seuls les Anglais savent faire : (Dois-je porter le masque ? Non, désolé.) On a fait beaucoup d’erreurs, continue le chanteur, bassiste, guitariste et pianiste-synthétiseur. Le tissu africain qu’on achetait sur les marchés londoniens était vraiment très épais, comme ces écharpes amidonnées. Du coup, on s’est tournés vers un style à la Lady Gaga. Avant de mettre des jeans, des pulls, et même des sous-vêtements, les gens portaient des masques. On en porte partout, pour les représentations religieuses, pour commettre des crimes, au théâtre. Les nôtres, c'est des masques romantiques. »
Londres, un squat, de grandes idées
« Nos chansons ne parlent pas de la crise ni de l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants »
Tout en reconnaissant la longue tradition marketing que Is Tropical a suivie depuis ses débuts (le groupe a été formé en janvier 2009), Simon souligne l’importance de la performance dans le travail du groupe. « Quand nous organisons un concert, il est toujours accompagné d’une projection. On veut accentuer le côté théâtral de nos apparitions et s’éloigner autant que possible de l'image du groupe de mecs qui chantent et jouent de la gratte assis autour d’un feu. On veut faire des performances. Et quand on met nos masques, on est instantanément dans cet état d’esprit. Notre musique est d’ailleurs en grande partie une invitation à l’évasion », déclare-t-il. Leurs chansons sont résolument pop, mais elles sont toutes très différentes les unes des autres en termes de style. « On voulait pas vraiment écrire des chansons sur un mec qui va au centre-ville pour acheter des cigarettes. Tu finis par écrire une chanson d’amour sans raison apparente, ah merde, c’est vraiment très ringard tu sais… Nos chansons ne parlent pas de la crise ni de l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants, mais d’histoires stupides comme celle d’un gars qui perd son chien et le retrouve à un endroit bizarre. Nous ne sommes pas un groupe engagé. »
L’environnement où Is Tropical a vu le jour n'avait en effet rien de très militant, mais on y jouissait d'une grande liberté. Une fois leurs études en art terminées, Simon et le guitariste Gary ont emménagé dans une maison du XVIIIe siècle à Londres, qu’ils ont convertie en galerie d’art. Avec le batteur Dom, ils jouaient régulièrement au cours des expositions qu’ils organisaient, et soutenaient d’autres artistes de leur entourage. Ils ont ainsi favorisé l’émergence, sur la rive sud de la Tamise, d’une scène artistique unique, autonome et centrée sur un esprit de collaboration pour des artistes tels que Matthew Stone. « Nous vivions dans un centre de créativité artistique. Il y avait un autre squat, Squallyoaks, semblable au nôtre sur le plan artistique. À Londres, tout le monde monte et aide ses potes. Par exemple, on a beaucoup d’amis photographes qui sont arrivés là où ils en sont uniquement parce qu’ils ont des potes qui font partie de groupes qu’ils ont aidés. Cette année, tout le monde en a profité : un de nos amis est retourné s’installer à New York et va publier un livre. Dominic Jones a fabriqué des bijoux pour Rihanna, la chanteuse pop américaine, et il vient d’une famille atroce. »
Doses de culture européenne
« Certains veulent avoir du succès aux États-Unis. Perso, je ne vois pas ce qui pourrait y avoir de pire. »
Signer chez Kitsuné, un label de musique et de mode basé à Paris, a été le signe de leur réussite. C’est pourquoi ils étaient présents aux Rencontres TransMusicales de Rennes, où nous nous sommes rencontrés. Après quelques concerts au Royaume-Uni, ils ont fait des concerts sur le continent, dont la première partie de LCD Sound System, des Klaxons et du groupe Egyptian Hip Hop, originaire de Manchester. « Nous ne voulons pas être un groupe anglais, explique Simon. Il y a beaucoup de groupes en Angleterre qui veulent se limiter à ça. Certains veulent avoir du succès aux États-Unis. Perso, je ne vois pas ce qui pourrait y avoir de pire. J'ai un passeport américain. Je suis allé à San Diego et LA quand j’avais vingt ans : c'était vraiment la merde. J’étais là-bas quand les bombes ont explosé dans les trains en Espagne et je n’en ai pas entendu parler dans les médias. Nous sommes tous beaucoup plus cultivés en Europe… Qu’est-ce que j’ai l’air snob ! »
Londres est peut-être un excellent environnement pour se développer, mais les opportunités se réduisent à cause de la concurrence que se livrent inévitablement les uns et les autres. « Il y a beaucoup trop de groupes de musique en Angleterre, surtout à Londres. Va dans un pub un soir de la semaine. Même si tu ne veux pas écouter de musique live, tu verras trois groupes. On préférerait largement avoir du succès en Italie ou en France. On a joué à Trieste dans le nord de l’Italie, où notre attaché de presse Web est né. L’endroit était vraiment bien, près du port, et ils nous ont invités à diner. En Angleterre, t’as de la chance si on te donne de la bière tiède ! Avant de signer chez notre label, on a joué à un festival à Moscou. On est arrivés là-bas sans une tune en poche, mais plein de préjugés. Je m'attendais à quelque chose de vraiment craignos, et pourtant, tous les jours, on rencontrait les personnes les plus gentilles au monde. »
C’est lors de leur rencontre avec les filles déchainées du groupe Le Corps Mince de Françoise, qui ont fait un trait sur leur pays d'origine (la Finlande) pour réussir en Europe, que les membres d'Is Tropical ont reçu l'un des meilleurs conseils en provenance du continent. « Elles étaient vraiment cools. Elles se sont accrochées, conclut Simon. Tant que tu fais de la musique que tu veux écouter, parce que beaucoup qui ne font pas ça. J’ai fait cette erreur. Fais du Nu métal ! Rassemble les foules et vends plein de marchandises ! Comme tous ces groupes gothiques qui affichent complet dans les plus grandes salles de concert ! » Nous retombons l'un sur l'autre à nouveau plus tard. Il cherche avec frénésie son écharpe qu’il a perdu, avant le set de ce soir, très tôt ce matin, avant que M.I.A. ne monte sur scène. Il ne tarde pas à repartir, en gloussant, lorsqu’il se rend compte qu’elle est autour de son cou !
Retrouvez les dates de la mini-tournée de Is Tropical
Photos : courtoisie de ©Is Tropical/facebook
Translated from Simon from Is Tropical: ‘England is very oversaturated in music, London especially'