Interview du Parti Pirate international France
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En Suède, suite aux tracasseries faites aux internautes, le pirate partiet caracole a plus de 8 % d'intention de vote...en France, pas de candidats cette année. C'est bien dommage, car ils auraient à coup sur eut au moins un député, qui aurait été bien utile vu ce qui nous arrive dessus.
En attendant 2014 et un Parti Pirate européen, voici une interview "exclusive" du parti pirate international, section France, qui a bien voulu répondre à mes questions.
Bonjour Pers. Souhaites-tu garder l'anonymat ;) ?
Pas particulièrement (en général nous nous servons de nos vrais noms au Parti Pirate international - PPI). Mais j'insiste sur le fait que je ne parle pas ici en mon nom individuel.
L'année 2006 fut fertile on dirait...quand tu dis parles de la création d’une antenne française du parti pirate, ça veut dire quoi exactement ? Les suédois vous ont contacté, ou le contraire ?
Ni l'un ni l'autre. Une bande d'excités ont lancé un collectif en France sous le coup de l'émotion de la loi DADVSI, et se sont contentés de prendre le même nom que celui qu'avaient lancé les Suédois quelques mois plutôt. Ce n'est qu'après quelques semaines, notamment lorsqu'on a vu apparaître des partis pirates un peu partout dans le monde, et que l'équipe initiale a montré qu'elle n'avait pas de projet à long terme, que certains membres du Parti Pirate ont commencé à entreprendre avec les partis Suédois et autres, mais aussi avec les différents collectifs déjà existants, une discussion politique de fond et un projet plus cohérent et ambitieux.
Une décriminalisation des échanges de biens culturels hors transactions commerciales..
Bon concrètement, vous avez quelles propositions phares ?
Il me semblait avoir répondu à cette question. Ce que j'ai essayé de résumer en quelques phrases, c'est que nos préoccupations sont globales :se préoccuper des échanges sur Internet oblige à se préoccuper de la liberté d'expression, qui à son tour oblige à se préoccuper du respect de la vie privée, qui à son tour oblige à se préoccuper de la démocratie, et ainsi de suite. Par où que l'on aborde le problème, on se retrouve très vite contraint à élaborer un vrai projet pour la société, et c'est là tout l'enjeu : la duperie des gouvernants consistant précisément à nous répéter que, mais oui, on peut voter des lois anti-terroristes à tour de bras sans que la démocratie ne soit en danger, mais non, le fait de lutter contre les pirates ne viole pas la vie privée des citoyens, etc. S'il faut du concret et du symbolique, et pour me limiter aux questions dites de propriété intellectuelle (qui ne sont qu'un aspect de notre travail) : nous proposons par exemple une modification drastique de la législation (nationale et internationale) relative au copyright : d'abord pour réduire sa durée, et ensuite pour offrir une meilleure protection à ceux qui font le choix (courageux) des licences alternatives.
Nous demandons également une décriminalisation des échanges de biens culturels hors transactions commerciales, un réel contrôle démocratique des sociétés de gestions de droits d'auteur, etc. Le droit à la culture et à l'information doit être reconnu à tous les citoyens. Nous proposons également de réformer le système des brevets, notamment les brevets pharmaceutiques pour favoriser l'accès aux soins des pays pauvres, mais aussi une interdiction stricte de la brevetabilité du vivant ainsi que des brevets logiciels. Nous voulons protéger le domaine public, qui est aujourd'hui rogné et contourné avec la complicité d'une législation arrangeante (extensions de copyright, etc.)... Bref, il y a fort à faire.
"la duperie des gouvernants consistant précisément à nous répéter que, mais oui, on peut voter des lois "anti-terroristes" à tour de bras sans que la démocratie ne soit en danger, mais non, le fait de lutter contre les "pirates" ne viole pas la vie privée des citoyens..."
Ok, maintenant c'est clair.
A propos des brevets logiciels, est ce que vous avez suivi la bataille au parlement européen menée (entre autres), par Michel Rocard, et qui a permis non seulement de sauver le logiciel libre, mais quasiment de l'institutionnaliser et de le mettre a l'abri (relatif) de futures attaques des gouvernements ? Un bel exemple de ce que le parti pirate pourrait contribuer à faire au parlement européen dans l'avenir ?
D'un côté, effectivement, les directives que nous craignions ont été rejetées, mais d'un autre côté le bureau européen des brevets en est toujours à valider tout et n'importe quoi. Le logiciel libre institutionnalisé dans l'Union Européenne ? On a dû louper un chapitre alors, puisque c'est précisément ce que la Free Software Foundation demande désespérément aux candidats à la prochaine élection :http://freesoftwarepact.eu/
Je connais, mais je voulais plutôt parler de ça :http://fr.wikipedia.org/wiki/Brevet_logiciel_en_Europe
Avec presque le même scénario, conseil contre parlement européen. Si le logiciel libre n’est pas vraiment officialisé, les brevets non plus, et le statuo quo est sauvé. Mais il est vrai que la question est complexe et pas définitivement tranchée.
Au sujet d'une de vos propositions: n’il y-a-t-il pas un effet pervers à supprimer purement et simplement certains "droits intellectuels". Par exemple, sans brevet sur les médicaments, est ce que les industries pharmaceutiques continueront a faire de la recherche..si elle ne s'assurent plus d'en récolter les fruits ?
Ah, le bon vieux serpent de mer du frein à l'innovation. L'argument fonctionne aussi bien dans l'autre sens : le fait qu'une entreprise puisse se reposer sur un brevet qui lui assure des années de revenus ne l'encourage pas particulièrement à innover. Il y a de nombreux autres effets pervers (déréliction de la recherche publique,asservissement des pays pauvres, concentration des industries, aucune thérapie pour les affections non-vendeuses telles que les maladies orphelines
Quels sont les problèmes concrets qui ont été un frein à votre candidature et que souhaiterais-tu voir s'améliorer ?
Le nombre de signatures requises, si mes souvenirs sont bons, est plus élevé en France qu'ailleurs. Et l'obligation de résider dans la circonscription où l'on se présente est handicapante pour des collectifs comme le nôtre, éparpillés sur le territoire européen. Nous aurions aimé pouvoir présenter des listes communes entre pirates européens, puisqu'il n'est pas requis d'avoir la nationalité d'un pays pour s'y présenter...
Tu veux dire qu'un pirate de Barcelone, un de Naples et un autre de Nantes, et un de Toulouse se serait présenté sur la même liste, disons, dans la circonscription du sud-ouest français ?
Nous aurions aimé pouvoir présenter des listes communes entre pirates européens, puisqu'il n'est pas requis d'avoir la nationalité d'un pays pour s'y présenter
Nous aurions effectivement aimé pouvoir engager des échanges de ce type. À l'heure d'Internet et du logiciel libre, beaucoup d'entre nous ne se satisfont plus de la territorialité "à l'ancienne" ; et les élections européennes ne sont aucunement des élections locales (les circonscriptions ne définissent pas vraiment d'entités culturelles ou autres)
Mais définir une ligne politique européenne au sein d'un parti intégré, ça vous donnerais plus de force non ? Peut être aussi des moyens financiers (si mes souvenirs sont bons, il faut provenir d’au moins 6 Etats différents) et une meilleure représentativité au parlement.
C'est certainement notre objectif à long terme. Ça et dominer le monde :-)
J'ai bien vu que l'Europe ne vous suffit pas ;) Mais a défaut de parlement mondial... Pour revenir au sujet, avec les pouvoirs croissants du parlement européen (comme on l'a vu dans le 138-hadopi, mais aussi sur le combat pour les licences > libres en 2005...), c'est quand même essentiel de peser ici, non ?
La réponse est dans la question. Et les pouvoirs du parlement européen ne s'accroissent hélas pas aussi vite que ceux de la Commission.
Oui mais, même question que plus haut : les enjeux sont européens, non seulement parce qu’ils touchent plusieurs états, mais aussi et surtout parce que une partie de ce combat politique se fait au niveau européen. Alors ?
Je ne suis pas favorable à opposer le "niveau européen" au reste du monde comme vous le faites. Les enjeux du Parti Pirate International ne se limitent pas à l'Europe ; si nous sommes représentés au parlement européen ce sera certes un de nos "champs de bataille" (pour reprendre votre métaphore). Idem si nous avons une représentation aux Etats-Unis, en Amérique du Sud ou ailleurs.
Et vous en avez, ailleurs qu'en Europe ? Des élus ? Des chiffres ?
Rien à un niveau significatif (quelques élus locaux ici ou là, le plus souvent mélangés à d'autres formations). Il s'agit d'un mouvement encore jeune (la plupart des partis ont moins de deux ans), et l'élection européenne sera clairement une étape importante.
Votre situation me rappelle celle des les verts à leurs débuts. D'abord, comme force politique, ils sont nés (entre autres) d'un refus commun en France et en Allemagne (contre le nucléaire). Puis l'élection du parlement européen au suffrage universel en 1978, grâce à la proportionnelle, leur a permis d'accéder à la représentation politique Les verts sont à cet égard le "produit" d'une combat proprement européen et non national, ce qui les a d'ailleurs conduit à se fédérer à se niveau bien davantage que n'importe quel parti ( avec une même campagne commune en 2004).Cela leur a bien réussi puisque à ma connaissance, c'est en Europe ( au parlement européen) que les verts sont le plus présents au monde ( pas de verts ou presque au congrès US, ni en Chine bien sur...)
On voit émerger quelque chose de très similaire en Suède, France, GB, Allemagne, au sujet de nouveaux enjeux, non plus écologiques mais informationnels...Cela ne constitue-t-il pas un précédant et un modèle à suivre ?
C'est une comparaison que je vous laisse. Il ne me paraît pas nécessairement pertinent d'assimiler l'histoire des Verts français à celle de leurs confrères allemands, même si le groupe des Verts européens est très certainement un des plus cohérents et intéressants aujourd'hui -- une grande partie de leurs dernières propositions ces trois dernières années s'est d'ailleurs très nettement inspirée des nôtres, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Il est certain aussi que les élections européennes sont pour le Parti Pirate International une excellente occasion d'affirmer son existence en tant que groupe international, et il est très intéressant pour nous de travailler tous ensemble en confrontant nos arrière-plans culturels et politiques nationaux. De plus les élections européennes (particulièrement en France) sont un moment d'expression citoyenne assez particulier, ou le vote-repère pour les grands partis de référence joue moins que dans les élections nationales. Cela est favorable à l'émergence de toutes sortes de listes.
il est très intéressant pour nous de travailler tous ensemble en confrontant nos arrière-plans culturels et politiques nationaux
Oui mais, justement votre combat à vous n'est pas national par essence, sauf en réaction des lois nationales. Par exemple, l'Hadopi made in France a déjà essayé de s'imposer à l'UE via le Conseil. Mais ATT, au Royaume uni essaie aussi de promouvoir sa notion de discrimination du net au niveau européen. Alors ? Faut il ne parler que d'hadopi aux français, alors qu'arrive déjà depuis nos voisins (et vice-versa) d'autres périls ?
Notre activité consiste non seulement à donner aux citoyens français une possibilité de s'informer, mais aussi à informer les autres pays (puisque les lois répressives d'un pays, comme je le disais, tendent à se propager à d'autres). Dès qu'un dossier tel qu'Hadopi (ou pour prendre un autre exemple, l'affaire Frattini l'année dernière) se présente, nous avons de nombreuses occasions d'en parler avec notre communauté ; cela permet souvent, indirectement, d'informer les médias d'autres pays ou des personnalités importantes telles que Richard Stallman. Il est à la fois intéressant et (souvent) encourageant d'avoir une vision globale des atteintes portées un peu partout dans le monde aux libertés civiques et à la transmission du savoir, non seulement entre démocraties occidentales mais aussi vis-à-vis de pays comme l'Arabie Saoudite ou la Chine (où nous avons quelques contacts)
Et une fois élus...? Avec qui siégeront les élus pirates ? Pourront-ils former un parti européen ? Quelles sont leurs possibilités d'influer sur le cours des choses ?
C'est une question qui a été largement débattue. Il est bien sûr trop tôt pour faire des plans sur la comète ; je crois que certains suédois ont commencé à examiner de près le programme des Verts, qui comme je le disais ont intégré plusieurs de nos propositions (mais de façon quelque peu superficielle). L'idéal sera bien sûr de rester aussi indépendant que possible.
Oui mais voter pour qui puisque vous n'avez pas de candidats dans les circonscriptions françaises ? Ah moins que ton message s'adresse aux électeurs européens qui ont des candidats pirates (ou ?)
Même si nous ne somme hélas pas représentés en France, cela n'occulte pas les mutations de notre société, et le fait que, comme je le disais, les lignes bougent. Nous n'appelons pas à voter pour l'une ou l'autre liste (si nous nous reconnaissions en l'un des partis déjà existant, nous n'aurions pas fondé le nôtre...) ; mais ceux qui nous suivent de près ou de loin sont suffisamment renseignés pour faire un choix avisé, lequel choix passera probablement par une sanction des groupements qui ont récemment fait le choix de privilégier l'intérêt des industriels de la culture plutôt que la bonne santé de notre démocratie.
ok on a compris :) Bono 4 ever ? Un message à adresser aux parlementaires européens ?