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Indignés : populisme de gauche ou politique des précaires ?

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« Populisme de gauche », dit le directeur de la publication de Courrier International ! « L’indignation, et après ? » entend-on de plus en plus face au mouvement des Indignés né en Espagne. « L’été européen » n’a rien à voir avec « le printemps arabe », s’indignent d’autres. Quatre jeunes européens analysent le mouvement du 15 M, ses espoirs et ses limites. Vox Pop.

« Je pense que même si ce mouvement est intéressant, il va disparaître juste avec le début de l’été. Tous les mouvements lancés par la jeunesse ont connu la même expérience. C’est pour cela que Mai 68 n’est pas l'Eté 68. Bon, après il y a bien eu l’Eté 69, mais ça n’avait plus grand-chose à voir avec la politique… (Désolé pour cette référence à Mai 68, mes racines françaises me poussent à le mentionner…) Juste une rébellion ponctuelle en somme, je ne pense pas que le mouvement va changer quoique ce soit sur le long terme. »

Sergio, Berlin

Avec un tel slogan, on ne sait plus très bien si les indignés soutiennent leur lutte« Je trouve sain et nécessaire que l’indignation citoyenne - justifiée par les injustices économiques, la corruption et la médiocrité politique – se soit cristallisée en des manifestations et des débats de rue. Mais faire des comparaisons avec le "printemps arabe" ou parler de "révolution" est une exagération fondée de toute pièce pour vendre des journaux. Zapatero n‘est pas Hosni Moubarak, il n’y a pas de grève sauvage, de barricades, ni de tanks dans la rue, et les "indignés" (au moins en Espagne) ne dépassent pas la dizaine de milliers et ne représentent donc pas les 30 millions d’électeurs qui, dans leur grande majorité, ont continué à voter pour le "système" lors des dernières élections. Que vive la mobilisation politique, mais il ne faut pas confondre la partie avec le tout. »

Aníbal Tierno, Barcelona

« "On nous pisse dessus et on nous dit qu'il pleut". Le slogan des "indignés" ne suffit-il pas pour décrire la fracture apparemment irrémédiable entre ceux qui nous gouvernent et nous qui sommes gouvernés ? C'est clair que nous n'en pouvons plus. Surtout nous, les jeunes. Pourquoi ? Avant tout parce que nous avons payé le prix le plus élevé de la crise économique. On nous a privé de notre futur, on nous a enfermé dans une vie précaire dans laquelle la méritocratie n'existe pas, et on nous a obligé à tolérer une gérontocratie composée en grande partie par des hommes incapables, sans idéaux et tyranniques, toujours moins enclins à l'écoute et à la confrontation. Heureusement il y a la toile, notre violon d'Ingres. D'un côté, elle nous a donné accès à une information plus libre et objective, nous permettant de démasquer les engrenages obscurs du pouvoir et ses abus au nom de son auto-préservation pure et dure. De l'autre, grâce à la force de propagande et d'agrégation d’Internet, nous avons pu diffuser des idées et réunir ceux qui les partagent. En Italie, depuis des années, le mouvement anti-partisan de Beppe Grillo a rassemblé des militants grâce au web et au bouche-a-oreille. Jusqu'à devenir un véritable acteur politique alternatif lors des dernières élections. Je s uis d'accord avec les indignés de toute l'Europe ? Je dis oui si l'indignation pacifique dont parle Stéphane Hessel sert à faire peser notre voix, à réhabiliter la dignité des institutions et à donner de nouvelles priorités à l'agenda politique. Non si cela se transforme en une révolution anarchiste qui veux subvertir les bases de la politique. Parce que les idées ne sont pas suffisantes pour gouverner un pays. La démocratie directe reste toujours à mon sens un concept aussi romantique qu’utopiste. »

Federico, Milan

Clin d'oeil à Gil-Scott Heron et son message "The revolution will not be televised"« J'ai des impressions très partagées par rapport au mouvement. Je trouve cela à la fois beau et fascinant, de voir ces personnes animées par une volonté de changement et qui portent des valeurs que je trouve positives et constructives. Sans doute ces réunions permettent elles de retrouver une place et une existence sur l'échiquier politique, au sens premier du terme, et donc en effet, dans les esprits, de se réapproprier le sens premier de la démocratie. Ensuite, je vois aussi toutes les faiblesses et les limites de ce mouvement. Des réunions qui partent un peu dans tous les sens et qui tournent parfois en rond. Beaucoup de personnes qui se méfient du pouvoir, du leadership, qui sont déjà impliqués plutôt dans des collectifs militants libertaires, très mouvants. Du coup, comment ce mouvement peut-il aboutir à un vrai changement social et politique ? Je sens beaucoup de divisions dans les finalités qu'il faut donner au mouvement. Même si cette diversité donne lieu à de riches discussions, ce qui est déjà intéressant en soi, je crains un essoufflement rapide. Mais peut-être que la simple expérience éphémère de cette contestation va marquer certains esprits et avoir une influence plus profonde par la suite.

Je pense que ce qui s'est joué de plus intéressant dans cette expérience, c'est le rapport aux exclus. On dit "on prend la rue", mais en fait la rue est déjà occupée par toute une frange de la population pauvre et marginalisée. C'était surtout très frappant à Liège, où les indignés sont allés s'installer sur la place principale et se sont rapidement rendus compte qu'ils venaient perturber un ordre déjà établi : le trafic d'héroïne, très important à Liège. Ils ont donc vécu avec les toxicos pendant quelques jours. Pour rester cohérents, ils leur ont donnés la parole, ce qui est fort, puisque ce sont vraiment des sans-voix. Mais ils se sont aussi rendus compte qu'ils étaient instrumentalisés (les dealers qui viennent se mêler aux assemblées populaires pour échapper à la police) et ils n'ont pas pu éviter la violence. En fait, je trouve que chaque groupe d'indignés devrait essayer de tirer les apprentissages de cette expérience. »

Amélie, Bruxelles

Photos : Une © calafellvalo/flickr; Révolution du carton © jafelado/flickr; Révolution et tweet © myloveforyou/flickr

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