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Indignation à Paris : les CRS prennent la Bastille !

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Société

Gaz lacrymogènes contre tentes de camping. Comme à Barcelone, les forces de sécurité parisiennes ont répliqué au sit-in pacifiste de quelques 8000 Indignés réunis sur la place de la Bastille par la violence. Déception, larmes, mais aussi sentiment de légitimité du côté des manifestants ce dimanche 29 mai. A Barcelone et à Madrid, les Indignés sont allé protester devant le Consulat français.

Retour sur une prise de la Bastille qui a mal tourné.

Des drapeaux hellènes flottaient ça et làTout avait bien commencé en ce dimanche ensoleillé sur la place de la Bastille. Depuis 10 jours, les Indignés se rassemblent sur les marches de l’Opéra en solidarité avec le mouvement « democracia real ya » (« une démocratie réelle maintenant ») lancé le 15 mai en Espagne. Tout le monde comptait sur ce dimanche pour que le mouvement « politique mais non-partisan » prenne de l’ampleur et, pourquoi pas, une nouvelle dimension.

«Décapitalisation», batucada et camping

Jeunes et moins jeunes, Espagnols et Français ont dansé aux bruits de la batucada présente au rendez-vous, la Brigade des Clowns a « décapitalisé » un bon nombre de volontaires, mais surtout de nombreuses oreilles attentives ont pu écouter les résultats des commissions qui travaillent sans relâche pour concrétiser le mouvement. Un cahier de doléances a été placé à la disposition de tous ceux qui souhaitent apporter leurs revendications au mouvement des Indignés. De ces idées doit émerger une liste de propositions qui sera remise aux autorités françaises. D’autres commissions, presse et communication, action et logistique, ont recueilli pas mal de promesses de participation. Bref, la sauce semble prendre plus que les journées de la semaine passée.

La Brigade Activiste des Clowns (BAC) intervient pour donner des couleurs à la manifestationUn seul détail déteint. Tout autour du rassemblement, des fourgonnettes de CRS. Ils effectuent un contrôle très serré de l’évènement et protègent la circulation des Parisiens. Mais jusqu’à 21h, tout se passe dans le calme. Car le mot d’ordre des manifestants, à l’instar des mouvements espagnols, est de rester pacifique : « Ne répondez pas aux provocations de la police », entend-on tous les quarts d’heure du micro des organisateurs. Mais une décision prise par l’Assemblée Générale va mettre la puce à l’oreille des autorités, et faire de la non-violence un vœu pieux. Ceux qui désirent camper sur la place sont les bienvenus. On compte 37 volontaires, lesquels commencent à planter leurs tentes. On voit même une partie du cordon de sécurité se défaire, des cris de joie s’élèvent.

 Les forces de l'ordre chargent

Puis tout change. Soudain, deux files de CRS s’élancent des camions en haut des marches et se positionnent. Ils n’ont en face d’eux que des clowns et des jeunes. Mais l’ordre est lancé. Ils commencent à arracher les banderoles placées en solidarité à la révolution espagnole, puis virent le matériel de campement. Ensuite, ce sont les humains qui giclent. « On a un blessé », crie un des Indignés enfourné dans un regroupement de clowns violentés, de photographes courageux et de CRS en action. En bas des marches, 200 personnes crient « Tous assis » et « Non à la violence ! ». Une demi-heure passe sous la pression. Puis les derniers manifestants sont éjectés violemment des marches. Cinq minutes après, c’est au tour des Indignés assis. Gaz lacrymogène à bout portant, les femmes pleurent et les derniers Indignés s’enfuient, traînés par les pieds ou effrayés par la charge.Le prétexte de cette violence ? « Vous n’avez plus le droit d’être ici », dit un adjudant aux manifestants à ses pieds. Xavier Renou, la tête pensante du mouvement des Désobéissants, qui accompagnait les clowns, a une autre version de la légalité : « On a subit plusieurs actions illégales de la part des forces de l’ordre. Ils nous ont frappé, à terre, et ont visé des points vitaux », déclare-t-il devant une caméra après l’assaut. Contrairement à Barcelone, où les autorités avaient attaqué les manifestants puis plié sous l’invasion de Barcelonais venus en soutien, la manifestation s’arrêtera là. La « prise de la Bastille » annoncée s’est bien produite, mais personne ne prévoyait que ce seraient les CRS qui la feraient. A l'heure actuelle, on ignore le nombre exact de blessés, et on parle de deux personnes détenues.

 

Larmes de crocodile et bataille médiatique

Que reste-t-il de ce dimanche 29 mai, journée de rassemblement en faveur de la « démocratie réelle » ? Des larmes, de la déception, et une dose d’incompréhension : « Toute la semaine, on a pu occuper la place sans rien déclarer, et pour une fois qu’on déclare la manifestation, ils nous virent par la force ! » Il reste aussi de l’espoir dans les rangs des Indignés. Espoirs que l’attaque des manifestants assis et non-armés – exceptés certains coléreux qui ont finis par lancer des bouteilles d’eau aux forces de l’ordre – sera médiatisée et rendra la cause d’autant plus légitime, le constat de démocratie imparfaite d’autant plus poignant. Un mot d’ordre ce soir : « Rendez-vous demain à 19 heures pour l’AG ».

 

Pour ceux qui veulent suivre ces mobilisations, voici le calendrier du mouvement des Indignés dans toutes les villes de France.

Photos : ©Emmanuel Haddad