Il était une fois à Bruxelles...
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« Il était une fois une vieille, qui vivait seule, petite, toute ridée, tout fripée et qui surtout, avait le cœur noir, mais noir… Elle était copine comme cochonne avec le diable… » Ainsi débutait notre 2e soirée ‘Bruxelles ça conte’, à l’Imagin’Air, bar ‘solidaire’ de la Place Fernand Cocq, à Ixelles.
Presque 1h30 d’histoires, de contes, de rires et de bonheur, portées par le voix de la conteuse Nicole Dumez.
Bruxelles ça conte, qu’est-ce que c’est ? Pour la première fois, l’espace d’une semaine, à l’initiative de la Communauté Francophone, Bruxelles s’est transformée en capitale du conte. Un peu partout, dans les cafés, les lieux publics, des animations, des spectacles, ont permis à petits et grands de s’évader et de (re)découvrir (un autre) Bruxelles, de voyager dans le temps et l’espace, au gré des accents et des histoires, le temps d’un conte.
Tout à commencé le samedi 6 octobre. La soirée de lancement se tenait à la Maison du Spectacle de La Bellone, rue de Flandre, inauguré récemment. Thème de la soirée : Bruxelles. Vous arrivez, et vous ne venez même pas de franchir le pas de la porte que déjà Bruxelles vous prend. Celui ou celle que vous croyez naïvement être une ouvreuse ou un gardien vous aborde, et vous lance « Je m’appelle Mamadou ! » Vous regardez votre interlocuteur, qui n’a rien d’africain, un peu surpris. Il ignore votre étonnement et poursuit avec aplomb : « J’ai 25 ans, je suis arrivé il y a 3 ans par la gare du Midi… » Il vous raconte son arrivée dans la ville, sa Bruxelles à lui, son installation à Matongué, puis au bout de quelques phrases, s’arrête, vous sourit, et va interpeller d’autres arrivants. Vous vous dirigez vers le guichet, et là, un deuxième conteur vous tombe dessus « Je m’appelle Madeleine, j’ai 58 ans, j’habite Molenbeek depuis que je suis née, et hier, mon chat Félix s’est enfui… » Autre portrait, autre époque, autre Bruxelles. Enfin, vous prenez place dans la grande salle de la Bellone et c’est au tour de « Ernest, 12 ans » qui aime bien s’accrocher aux grilles du parc royal, « Francisco, Chilien, 63 ans », arrivé à Bruxelles il y a 30 ans parce qu’il fuyait Pinochet, et de « Jeanne, morte il y a 2 ans… » de vous raconter leur histoire. Le décor est planté.
Suivra un spectacle où des acteurs vont lire des textes, souvent en forme de dialogues, mais toujours le papier à la main. Des textes sur Bruxelles, son histoire, ses légendes, ses transformations aussi, laissant notamment percevoir la manière dont ses habitants ont vécu « l’européanisation » de la ville. Pas très bien, on vous le dit d’emblée, puisque la première histoire raconte l’enquête d’une vieille détective Bruxelloise, exilée à Paris, qui revient résoudre une série de crimes visant …des expatriés européens travaillant pour « les communautés » (comme on dit encore ici). Le thème est ensuite récurent, même si bien entendu, il y a bien plus que cela à Bruxelles. Au hasard des rencontres, des Bruxellois(es) de diverses générations échangent et racontent leurs vies, leur ville. Des histoires d’amour se lient et se délient, et la vie suit son cours, toujours dans les rues de Bruxelles. D’ailleurs, on dit « BruXelles » ou « BruSelles » ? Bruxelles francophone ou Bruxelles tour de Babel ? Et l’on se prend à rêver d’une Bruxelles sans voitures, sans pollution, sans trous dans les trottoirs, sans avions qui décollent de Zaventem, sans pluie, sans tensions communautaires…
Puis, toute la semaine, plus de 100 manifestations dans tout Bruxelles, comprenant bien entendu des spectacles ‘classiques’ de conte, dans des bars, des maisons, des églises ou en plein air, mais aussi des balades et visites contées à pied ou …à vélo, à travers les rues de Bruxelles, ses lieux de vie et de recueillement, comme la ‘Balade au Jardin’ au Cimetière de Saint-Gilles, ou les promenades contées au parc du Centenaire, près de l’Atomium ou encore au Marché du Jeu de Balle, aux Marolles.
Bruxelles ça conte, ça s’est terminé hier, à la maison des cultures de Molenbeek par un bouquet final : récits, contes, histoires en musique et métissages linguistiques, pour faire renaître, pour un après-midi, la tradition des saltimbanques et colporteurs.
Toutes les manifestations étaient gratuites, un coup de fil suffisant pour réserver une place à l’avance – certaines salles étant relativement petites.
Alors, rendez-vous l’année prochaine ? Pas sûr, car de l’aveu même de Françoise Dupuis, chargée de la Culture à la Commission communautaire française et initiatrice du festival, « c’était assez lourd » à organiser. Mais dans deux ans… ?
En attendant, celles et ceux qui n’auraient pas envie d’attendre peuvent se rassurer : il existe à Bruxelles plusieurs endroits qui organisent régulièrement des soirées (ou après-midi) de récits et contes, au premier chef desquels on trouve la Maison du Conte, à Auderghem. Certains cafés comme l’Imagin’Air, ou – dans un autre style – le Cercle des Voyageurs, proposent régulièrement des soirées ‘conte’, et pas que pour les enfants.
Quant à celles et ceux qui voudraient découvrir Bruxelles en ‘balades contées’, ils peuvent se rendre sur Les Conteurs en Balade ou sur Voir et dire Bruxelles ) (pour des visites guidées à thèmes, un peu plus classiques).
Lorenzo Morselli