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Hongrie: L'Union face à ses contradictions

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Bruxelles

Par Antoine Patoz Prix Nobel de la paix, l'Union européenne aime à se présenter sur la scène internationale, comme une garante de la liberté et des droits de l'homme. Les sessions du 16 et 17 avril du Parlement européen nous ont rappelé que tout n’était pas rose ici non plus. De quoi parlait-on?

De la Hongrie et des inquiétantes réformes constitutionnelles que vient de faire passer le premier ministre : Viktor Orbán.

Des réformes qui inquiètent

Viktor Orbán a été un des leader, sous une bannière libérale, le Fidesz, (Alliance des jeunes démocrates), de la lutte anti-communiste dans son pays . Depuis son parti est devenu ultra-conservateur. De retour aux affaire depuis 2010, il n'a cessé les entorses aux règles de droit. Soutenu par une très forte majorité au parlement hongrois( plus des deux tiers), il a les mains libres pour entreprendre des réformes constitutionnelles. Elles seront compliquées à modifier pour les gouvernements futurs, en effet il est peu probable que l'un d'eux n'obtienne nt un tel score aux élections.

L'Europe s'était émue dès 2011, lorsque le parlement hongrois avait voté des lois sur le contrôle des médias pour le moins contestable. En janvier 2012, est entrée en vigueur une nouvelle constitution. Viktor Orban y a fait inscrire, entre autres, le taux de l’impôt sur le revenu, la composition de la Banque centrale, le nombre de communautés religieuses fixées par l’Etat, un nouveau mode de scrutin. Il augmentait ainsi son pouvoir sur le pays.

L'Union s’inquiète de mesures qui vont trop loin

Un seul obstacle se dressait encore devant lui : la cours constitutionnelle. Cette dernière a rendu deux arrêts qui n'ont pas plu au tout puissant premier ministre : elle s'est jugé compétente pour juger de la compatibilité de futurs amendements avec la Loi fondamentale. Le gouvernement a décidé que ce ne serait plus le cas sur le fond (mais uniquement sur la procédure). «Désormais, le Parlement pourra mettre n’importe quoi dans la Constitution, par exemple un article qui permet à l’Etat de confisquer la propriété privée», analyse Gábor Halmai, professeur invité à Princeton. Par ailleurs, elle avait jugé certaines lois anticonstitutionnelles, notamment celle qui limite les publicités politiques sur les chaînes privées pendant la campagne électorale, mesure visant à garantir l’hégémonie du parti au pouvoir au travers des médias qu’il contrôle.

Ces modifications ont inquiété la commissaire européenne à la Justice et aux Droits fondamentaux ,Viviane Reding , qui s’est dite ‘très inquiète’ quant "à l’indépendance de la justice et aux limitations à la publicité électorale dans les média" et de conclure: « La Commission peut garantir au Parlement qu'elle continuera d'appeler à la compatibilité de cette législation avec les lois européennes et au respect de l'État de droit ».

Presseurop a traduit un article de l’hebdomadaire Heti Válasz , organe du parti de Orbán, qui écrivait que la vice-présidente de la Commission incarne "un nouveau type d’identité européenne", car elle vient du Luxembourg, "pays postmoderne", établi par la France et l’Allemagne et "peuplé à 38% d’étrangers, principalement d’Europe du Sud". Viviane Reding mène "les campagnes européennes contre la Hongrie pour servir son ambition de devenir la présidente de la Commission après Barroso", estime Heti Válasz, qui précise : "En cherchant les conflits avec le gouvernement hongrois conservateur, elle veut s’assurer le soutien de la gauche et des libéraux européens".

Le Parlement européen est divisé

Monsieur Orbàn est donc venu défendre ses mesures devant son groupe, le PPE. Il est parti et arrivé en toute discrétion et la réunion était à huis clos. Aussi aucune information n'a filtré. Il a ceci étant fait son intervention hebdomadaire à la radio nationale MR1, où il se déclarait prêt à coopérer sur certain points. Mais rien de concret.

Les avis sont divisés au PPE. Jean-Pierre Audy, le chef de fil des élus UMP, s'en est pris à Viviane Reding, vice-présidente de la Commission chargée de la justice et bête noire de l'ancien président Sarkozy, qui prend "trop de temps" pour examiner la série d'amendements à la Constitution. Il est inquiétant d'entendre Joseph Daul, président du Parti populaire européen, mettre en cause "tous ces journalistes qui n'ont rien d'autre à faire que de ne nous embêter toute la journée". Il a par ailleurs déclaré “ Monsieur Orbán a répondu aux questions et il s’est fait applaudir à la fin au niveau du groupe, et moi maintenant je veux qu’on écrive ce qui va et ce qui ne va pas .“

Tout autre son de cloche dans les autres groupes puisque, Hannes Swoboda, député autrichien et président des socialistes a déclaré "Dans un pays qui respecte l'Etat de droit, il est inacceptable de réduire les droits et de pénaliser les citoyens". Il a également déploré la résurgence de l'antisémitisme en Hongrie. Encore plus remonté Guy Verhofstadt a appelé à l'utilisation de l'Article 7 du Traité sur l'Union européenne, qui permet d'appliquer des sanctions, dont la suspension des droits de vote, à un Eéat membre qui violerait les valeurs européennes. Il a conclu par : "Si la Commission européenne n'a pas l'intention de le faire, nous, au Parlement, nous aurons le courage de le faire"

Il faut s'inquiéter de ce qui se passe en Hongrie. L'union ne peut pas fermer les yeux sur une telle menace à l'intérieur même de son territoire. C'est en muselant les médias, en privant la justice de son indépendance, que se mettent en place les dictatures. On n'en est pas encore là en Hongrie, mais les institutions européennes doivent se montrer fortes et monter ainsi qu'elles appliquent à elle même ce qu'elles imposent aux autres. Ce sera en juin avec le vote du parlement d'une résolution sur « La situation en matière de droits fondamentaux : normes et pratiques en Hongrie ».