Home is where the heart is
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Manon LeonhartJe suis plus allemande que la Walkyrie, la saucisse à griller et une chope de bière à l’Okotoberfest réunis. Sur le papier, du moins. Ma famille vit depuis des siècles à cet endroit de la planète, quelque part au milieu de l’Allemagne. Voilà mes racines. Point. Point ?
Une région, dont la superficie est à peine plus grande que celle de New York. Autour de nous ne se trouvent que la forêt et ça et là, un petit village entre les champs. Voilà mon pays natal, mon chez-moi. Nous habitons depuis toujours dans le Siegerland (région du Sud de la Westphalie en Allemagne, ndlr.). J’y habite depuis 27 ans. Avec quelques interruptions. On dit des gens là-bas qu’ils sont fermés et grincheux, qu’ils ne comprennent pas l’humour. Nous appelons cela notre manière d’être loyal, si tu es un jour notre ami, alors tu le seras toujours, et notre humour est grinçant, c’est comme ça. Je dis que je ne suis pas une fille typique du Siegerland. Mes parents sont trop à l’ouest pour ne pas être des hippies ouverts sur le monde. Depuis que je sais penser, je me sens différente des gens de ma région. Je ne me suis jamais sentie enracinée dans ce lieu. Je n’y ai pas ma place. Et je ne me suis jamais sentie vraiment Allemande non plus. Européenne, peut-être ? Non, trop grand, trop abstrait. Même si on peut certainement lire une Union Européenne entière sur mon visage.
Dis-moi, tu viens d’où, en vrai ?
Les autres demandent : « Dis-moi, tu viens d’où ? » C’est comme ça qu’on apprend à connaître les gens. Voilà comment ça se passe :
« Dis-moi, tu viens d’où ? »
« D’Allemagne. »
« Nan, je veux dire vraiment. Tu viens d’où en vrai ? »
« Et ben d’ici, du Siegerland. »
« Et tes parents ? »
« D’ici. »
Je ne comprends pas. Et ensuite ce sont les autres qui sont énervés la plupart du temps. Comme cet Allemand d’origine turque qui ne voulait absolument pas croire que je n’étais pas grecque, et qui, après 15 minutes de discussion animée, me certifiait que j’étais tout à fait ok pour une Grecque. Ou alors ils prennent ça pour de la coquetterie, comme cet Italien au pantalon trop serré qui m’a récemment dit que mon style français lui plaisait beaucoup en tant qu’Italien. O là là, il a quand même tout de suite vu que j’avais des racines française, parce qu’une Allemande ne s’habillerait certainement pas comme ça, arrête avec ton petit jeu, arrête maintenant. S’il te plait.
Tout tourne-t-il toujours autour de l’apparence ?
Yeux noirs, cheveux foncés, peau brune. Cela suffit donc pour certifier une origine internationale. Et honnêtement, c’est quand même de la connerie. Ca ne fait que montrer à quel point les stéréotypes sont encore ancrés dans la tête des gens, à quel point l’identité se manifeste toujours encore à travers l’apparence.
C’est évident, l’identité se forme aussi à travers l’appartenance à un certain groupe. Mais est-ce que ça doit passer par l’apparence ? Est-ce que ça doit passer par la nation ? Ce ne serait pas mieux, que l’identité soit créée à travers les gens avec qui nous nous sentons liés ? Les amis, la famille, les collègues, peu importe d’où ils viennent ?
Je ne crois pas que ce soient les lieux dans lesquels nous nous trouvons qui nous définissent avant tout, mais que ce sont plutôt toujours les gens qui nous touchent et nous influencent. Je me suis faite de nombreux amis internationaux là où j’ai vécu, en Finlande, en Israël, en France, et chacun d’autre eux est différent, j’en ai appris beaucoup à travers chacun d’eux. Et avant tout sur moi-même. Et ça, dans des discussions sur des sujets sérieux, pas dans des discussions sur des stéréotypes.
Je crois que souvent, toutes les discussions autour de l’identité ne sont qu’une manière de parler de la pluie et du beau temps, et c’est agaçant. Parce que parler de la pluie et du beau temps est agaçant. Ca veut dire qu’on ne discute pas, parce qu’on veut apprendre à connaître quelque chose ou quelqu’un, ou parce qu’on veut vraiment comprendre l’autre, ça veut dire qu’on parle juste pour dire quelque chose. « Haha, oui, en tant qu’Anglais tu es forcément comme ci et ou comme ça » et salut. Je crois que la génération européenne est un mythe urbain qui sert à donner un chez-soi, l’Europe, aux âmes déracinées comme moi, qui ne se sont jamais senties comme appartenant à quelque chose quelque part, parce que sinon, il faudrait accepter qu’on ne peut pas juste ranger quelqu’un ou soi-même dans une case, et tout ça ne serait même plus si simple. Il faudrait alors qu’on laisse enfin ces tiroirs fermés et qu’on ne change pas juste d’armoire. C’est ce qu’on appellerait l’ouverture.
Chez toi, c’est là où se trouvent tes amis
Le fait est que plus je voyage, plus je suis loin de chez moi et plus je rencontre de gens, plus je retourne vers mes racines, ici dans la forêt quelque part en plein milieu de l’Allemagne.
Je retourne chez ma famille, je retourne en enfance, là en province, où en tant qu’enfant, pendant des journées entières, on bâtissait le même barrage derrière la maison, avant de le détruire à nouveau. Mon chez-moi. Mais ça n’a que partiellement à voir avec la région. Ca a à voir avec ma famille, avec les gens que je fréquentais. Mon enfance ressemble plus à celle de mon amie finlandaise, à celle de mon amie israélienne originaire d’un Kibboutz près de Tel Aviv, qu’à celle d’une gamine berlinoise, parce que nous avons grandi dans des familles similaires, parce qu’elles aussi sont ouvertes, parce que nous nous ressemblons dans des choses bien plus élémentaires que ce qu’un lieu ne pourra jamais être. C'est là où on a le cœur qu'on est chez soi. C’est un sentiment qu’on ressent au plus profond de soi. C’est là où on a le cœur que se trouve notre identité. L’identité se trouve là où sont les gens que tu aimes, pas dans ta région, ton pays ou ton continent. C’est ça, qui compte.
Translated from My heart's my Heimat und Identität ist mein Zuhause