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Herman Van Rompuy fait ses adieux

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Bruxelles

Herman Van Rompuy a présidé pour la dernière fois le sommet européen les 23 et 24 octobre. Cafébabel profite de l’occasion pour dresser le portrait de ce médiateur connu pour sa sagesse et sa passion pour les haïkus.

L’homme est discret, le regard espiègle, l’expression rassurante. Devant un parterre restreint de journalistes venus assister à ce Conseil européen le 23-24 octobre, Herman Van Rompuy officie sobrement comme à son habitude. Un brin d’émotion dans la voix tout de même pour ce qui sera son dernier Conseil européen et sa dernière conférence de presse à ce poste.

Un médiateur hors pair 

La nuit dernière, Herman a encore fait mouche. « Je suis heureux de vous annoncer que le Conseil européen a trouvé un accord …». Un de plus pour cet «  horloger des compromis impossibles ».

Ce rôle de médiateur, il l’aura joué habillement lors de ces cinq ans passés à la tête de l’institution regroupant les vingt-huit chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Union.

« Il a les qualités idéales pour ce job » nous confiera un de ses anciens collaborateurs. Formé à l’école politique belge, la science du compromis est inscrite dans ses gènes. C’est une qualité essentielle requise pour cette fonction.

Sa compétence économique éprouvée pendant les six années durant lesquelles il occupera la fonction de ministre du budget s’avèrera également décisive quand il s’agira de préparer les sommets où s’est joué l’avenir de l’euro pendant la crise de la dette. Et son style trop discret ? « C’est vrai qu’on le lui a reproché » confessera Georgi Gotev, rédacteur senior d’Euractiv.

Herman Van Rompuy s’est sans doute fait dépasser par Barroso au jeu de la communication et de la visibilité internationale. Cette situation a brouillé les cartes et a déçu ceux qui qui espéraient que le poste de président permanent du Conseil européen créé en 2009 permettrait de donner un visage à l’Europe. « Si on avait eu Tony Blair (également pressenti à ce poste en 2009 ndlr), on aurait eu cette visibilité, mais est-ce qu’on aurait obtenu les mêmes résultats ? » Pas si sûr, nous laisse entendre son ancien conseiller.

Propulsé au sommet par les hasards des jeux de pouvoir

Pour ceux qui pensent que la poursuite de l’ambition personnelle est le cancer de la politique contemporaine, Herman Van Rompuy est le contre-exemple parfait. Il reconnaît lui-même n’avoir jamais vraiment brigué le poste de président du Conseil européen, ni même d’ailleurs celui de premier ministre de Belgique.

Appelé à former un gouvernement en 2008 suite à la démission soudaine de son prédécesseur, il dirigeait le gouvernement belge depuis un an seulement quand il fut appelé par ses homologues européens pour devenir leur « président ». Il n’a pas pu refuser l’appel des chefs d’Etat et se soustraire à la responsabilité que les étranges jeux de pouvoirs institutionnels lui avaient soudain confié.

Cette humilité et son sens du devoir sont sa marque de fabrique en public comme en privé nous confie un de ses proches. « Il y a eu un Conseil européen avant moi et il y aura un Conseil européen sans moi » dira-t-il aux journalistes dans son discours d’adieu à la fin de ce Conseil. Cette phrase résume assez bien sa vision de la politique : celle où la fonction et la responsabilité priment sur la personnalité de celui qui l’incarne.

À contre-courant ou en tous cas contre l’ère du temps, cette vision sera souvent incomprise, parfois même vivement critiquée. Cible privilégiée des critiques eurosceptiques, il sera victime d’attaques violentes dont celle du député britannique Nigel Farage qui dira de lui qu’il avait le charisme d’une « serpillère humide » marquera les esprits.

Le politique et l’homme

Herman Van Rompuy est considéré par beaucoup de ses pairs comme l’un des hommes politiques les plus brillants de sa génération. En privé, c’est son incroyable mémoire et l’attention qu‘il porte à ses collaborateurs qui marquera le plus les esprits. « Il était capable de se souvenir de choses que nous lui avions dit il y a six mois… » relatera son ancien conseiller.

Le politique côtoiera les dirigeants les plus importants du monde, participera à de multiples sommets européens et internationaux, mais l’homme ne perdra jamais de vue les plaisirs simples de sa vie, dont le plus connu est sans doute sa passion pour les haïkus. Ces courts poèmes japonais où la simplicité et la science de l’équilibre sont mises au service de la révélation d’une vérité instantanée sont à l’image du personnage. « Un poète haïku ne peut, en politique, ni être extravagant, ni fortement vaniteux, ni extrémiste », disait-il à ce propos. À la suite de sa rencontre avec le président Obama à Washington, le poète et le politique se confondront pour nous livrer ce poème étonnant : absent deux jours/un monde qui a changé/le verger en fleurs.

Et maintenant ?

Son successeur le Polonais Donald Tusk aura pour charge de poursuivre cette mission. Incarnant une nouvelle Europe jeune et qui s’ouvre à l’Est, le style risque fort d’être différent de celui de son prédécesseur.

Quant à ce dernier, à 66 ans, il prend officiellement sa retraite. Il donnera sans doute quelques cours à la KU Leuven, l’université où il a étudié. Il continuera aussi l’écriture de haïkus et profitera surtout d’une vie de famille retrouvée avec ses petits-enfants… « Mais attention !» nous glisse son ancien conseiller « On ne sait jamais avec lui. Qui sait si on ne va pas l’appeler à nouveau, là où on l’attend le moins… ».