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Helsinki : le futur est dans la boite

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Style de vieEU-TOPIA ON THE GROUND

Depuis la lente déliquescence de Nokia, la Finlande produit de plus en plus de jeunes entrepreneurs qui font tout sauf l’économie d’une ambition : faire d’Helsinki le centre du monde de la startup. Plongée dans l’Arctic Valley dont le pouvoir de création est en train de séduire l’ensemble de la société. Pour un défi forcément capital.

Un mug à la main, Pauliina virevolte dans les couloirs de la Design Factory de l’université d’Aalto. Un signe de la main discret pour ceux qui planchent sur leur macbook, un grand sourire pour la petite équipe qui est en train de se préparer un déjeuner des familles à l’aide d'un robot-mixeur. Parfois, elle montre du doigt les derniers fignolages opérés par l’université pour donner à cet ancien bâtiment industriel situé sur le campus d’Espoo, à quelques kilomètres d’Helsinki, des allures de laboratoire du futur. Sur 4 niveaux sont assemblés un atelier, des bureaux, une cuisine, un centre de conférences, une bibliothèque... Le tout est dilué dans un design finnois du plus bel effet. Et c’est ici - entre les canapés cosy et les appliques Ikéa - qu’une centaine de jeunes s’appliquent à transformer en profondeur l’économie finlandaise.

« Les entrepreneurs sont des rockstars »

Pourtant, Pauliina le confesse, « elle n’a jamais vraiment eu une grande culture entrepreneuriale ». Ni pensé un jour mettre un pied dans le domaine de l’entreprise. Cette jeune fille de 28 ans se rêvait plutôt en enseignante du secondaire afin de profiter d’une vie bien rangée dans le confort de l’Education nationale si choyée par la société finlandaise. Seulement voilà, un beau jour Pauliina a eu une idée et a décidé d’en faire quelque chose. Pendant 2 ans, elle a piloté un programme qui permet de générer des accessoires d’ordinateurs via une imprimante 3D pour le compte de l‘entreprise Tinkercad. « Ça a quasiment changé ma vie », lâche-t-elle les yeux perdus dans les volutes de fumée de son café.

Avec sa chemise à carreaux, ses petites Vans et sa mèche lissée, Pauliina se tient là comme le symbole d’une génération de jeunes finlandais qui voit loin. « En Finlande, nous avons toujours eu cette culture du pessimisme qui empêchait tout jeune d’entreprendre. Mais les mentalités ont changé. Et les entrepreneurs sont désormais considérés comme des rockstars », ajoute-t-elle. Plus besoin de métalleux pour électriser les jeunes. Aujourd’hui, l’adolescence finlandaise songe à Supercell et Rovio - qui éditent des jeux mobiles tels que Clash of Titans et Angry Birds - lorsqu’il s’agit d’envisager l’avenir. Comme Pauliina, on ne compte plus les étudiants prêts à délaisser des études paramétrées pour faire un saut dans le vide.

Startup Sauna ou ne sera pas

D’ailleurs, en face de la Design Factory, un autre ancien hangar aménagé s’apprécie comme le refuge des Zuckerberg de demain. Bâtie sur 4000 mètres carrés d’espace de co-working, l’association à but non-lucratif Startup Sauna se propose d’accompagner les aspirants entrepreneurs. Au delà du café et du wifi en libre-service, l’organisation met sur pied des formations, des stages, des programmes d’apprentissage pour préparer les étudiants aux affres du marché, et ainsi, les livrer tout chaud aux investisseurs intéressés. A ce jour, Startup Sauna prétend avoir fait décoller une bonne centaine de boites. Le secret de la réussite est aussi simple qu’un slogan à virgule : « Just do It ». C’est en tout cas l’avis d’Annie Talvasto, jeune entrepreneuse de 19 ans, membre actif de Startup Sauna et organisatrice de la prochaine Global Entrepreunarship Week à Helsinki : « le message qu’on souhaite adresser c’est "arrête de réfléchir, fais-le ! ". Si tu as constamment peur de l’échec, tu ne feras jamais rien ». Une sorte d’Hakuna Matata, qui aura au moins permis à la société finlandaise de se rendre compte d’une chose : l’économie, désormais, c’est sexy. D’aucuns parlent de « révolution entrepreneuriale » voire carrément de « Finnish spring » pour isoler le phénomène des startups. « Nous sommes en train de créer une nouvelle culture, affirme Annie, coolos, en réajustant ses lunettes à grosses montures. La moyenne d’âge ici, c’est 25 ans. Donc là on essaie de montrer tout le pouvoir de la jeunesse. » Le pire, c’est que ça marche. Le gouvernement finlandais soutient Startup Sauna à hauteur de 300 000 euros via des fonds public tels que Tekes et SITRA. Et du coup, le collectif affiche clairement ses objectifs : « faire de la Finlande le moyeu de la startup en Europe et en Russie d’ici 2017 ».

Marché ou crève

Caractéristique des temps qui courent, cette nouvelle garde avance vite, très vite. Hyper connectée, solidaire et habillée en sweat à capuche, les jeunes soldats du capital réinventent aussi la manière d’entreprendre. Annie est cash là-dessus : « on ne veut pas devenir le Nokia du futur ». Trop sérieux, trop protocolaire, trop has-been. « Je ne connais plus aucun jeune qui veut travailler pour une seule et même entreprise toute sa vie, déclare Timo, le fondateur de Catchbox, startup à succès. Et d’ailleurs c’est le déclin de Nokia qui a ouvert le champ des possibles. » Nokia, qui vient de vendre ses téléphones à Microsoft pour 5,4 milliards d’euros et dont la relative agonie a fait l’objet d’un grand soulagement à travers le pays. Il se murmure même que le ministre de l’Economie, Jan Vapaavuori, aurait lâché : « c’est la meilleure chose qui pouvait nous arriver ».

En réalité, la phrase est tirée du blog le plus influent sur l’écosystème des pays nordiques, Arctic Startup. Fondateur du média, désormais retiré pour faire des merveilles dans le cloud engineering, Antti Vilpponen, 33 ans, se réjouit du phénomène engendré par les startups. « Ça a donné beaucoup de publicité à l’entrepreneuriat en Finlande et contribué à changer les mentalités, admet-il. Maintenant, ces nouvelles entreprises doivent être tournées vers le marché. » Comprendre : démontrer qu’elles s’inscrivent dans le long-terme et ont la capacité de fomenter un écosystème viable et durable. La durée de vie moyenne d’une startup est environ de 3 ans. Le taux d’échec est estimé à plus de 70%. Bref le véritable défi, encore une fois, sera celui de dealer avec le futur. Mais pour ça, Annie et son aplomb légendaire ont la solution : «  si tu es le meilleur, tu peux faire ce que tu veux ».

Cet article fait partie de la série de reportages “EUtopia on the ground”, projet de cafébabel soutenu par la Commission Européenne, en collaboration avec le Ministère des Affaires Etrangères français, la Fondation Hippocrène et la Fondation Charles Léopold Mayer.

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.